Les Britanniques s'apprêtent à renégocier les termes de leur adhésion à l'Union européenne lors du prochain sommet européen. Il est grand temps que Monsieur Cameron comprenne que l'Europe n'est pas un self-service.
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, les pères fondateurs de l'Europe ont construit une communauté de destin unique au monde afin de préserver la paix.
Depuis, l'Europe a toujours avancé au rythme des crises qui ont ébranlé ses repères et bousculé ses certitudes. Depuis, l'Europe a su déjouer les pronostics les plus pessimistes. Qui, au crépuscule de deux conflits mondiaux, pouvait imaginer que les frontières, les haines, les égoïsmes nationaux, s'effaceraient un jour pour que les peuples européens partagent un marché unique, une monnaie, une constitution et une citoyenneté?
Face à la menace globale et sournoise que représente la barbarie de Daesh, l'idéal de paix sur lequel s'est construit l'Europe est plus que jamais d'actualité. Cette crise sécuritaire, qui se double d'une crise migratoire, doit être l'occasion de faire émerger une nouvelle Europe, capable de relever les défis d'un monde nouveau.
Une Europe plus forte est d'autant plus nécessaire que la France ne peut seule se défendre face à un ennemi dont la croisade sanguinaire n'a pas de frontières. Elle ne peut seule assumer les opérations militaires indispensables pour stopper la progression du terrorisme au Mali, en Centrafrique, en Irak et en Syrie. Elle ne peut seule éradiquer cette menace. Elle ne peut seule peser sur des décisions qui engagent l'avenir des peuples de tous les continents et dans lesquelles s'entremêlent des enjeux démographiques, sécuritaires, économiques, sociaux, culturels, écologiques.
Nous ne pouvons par conséquent plus regarder l'Europe sombrer. Ce serait se résoudre à laisser la France couler avec. Il faut au contraire avoir le courage de dire haut et fort que les véritables patriotes sont européens. Notre faiblesse n'est pas l'Europe, mais l'absence d'Europe.
Pour que l'Europe sorte plus forte de cette crise, deux décisions doivent être prises sans délai.
Il faut tout d'abord doter l'Europe d'un véritable leadership clairement identifié et désigné de manière démocratique. L'Europe ne sera jamais forte si elle se construit sans les peuples, voire contre les peuples. Les citoyens européens doivent pouvoir choisir un président et un gouvernement de l'Europe. Cette décision majeure peut être prise demain, sans changer les traités: seule compte notre volonté politique commune!
Il faut ensuite faire le pari du fédéralisme, synonyme de proximité dans la décision et d'efficacité dans l'action. Cela passe par des transferts complets de souveraineté pour les pays qui y sont prêts. Assumons que l'Europe se fasse à deux vitesses, si cela est un préalable pour donner enfin corps aux Etats-Unis d'Europe imaginé par Victor Hugo.
Il y a urgence dans quatre domaines : une politique étrangère et de défense commune, avec une force d'intervention européenne, pour permettre à l'Europe d'être en première ligne dans la lutte contre les nouvelles menaces liées au terrorisme; une politique commune de sécurité intérieure, avec la création d'une police européenne et un échange automatique entre les services de renseignements européens; une véritable politique migratoire qui permette de réguler les entrées sur le territoire européen en fonction de nos besoins en cerveaux et en bras, et qui soit intransigeante avec l'immigration illégale; la mise en place d'un gouvernement économique, financier et budgétaire, d'un parlement de la zone euro et d'un budget européen pour faire enfin de l'Europe un levier de croissance pour ses Etats-membres.
L'Europe n'est forte que lorsqu'elle est unie. En témoigne le miracle aéronautique des années 1970 quand la France, l'Allemagne, l'Espagne et le Royaume-Uni, rassemblés autour d'Airbus, sont parvenus à détrôner un constructeur américain.
Nous sommes dans la peau des pères fondateurs, au lendemain de la guerre. A nous de construire l'Europe du 21e siècle, et de permettre ainsi à la France de continuer à peser dans le monde.