Cette semaine, une proposition de loi socialiste a été débattue à l'Assemblée nationale : celle-ci vise à modifier les règles de l'élection présidentielle, en remplaçant la notion d'égalité du temps de parole par celle d'équité.
Ce n'est pas la première fois que la majorité socialiste joue sur les mots et je ne prendrais pas la peine de relever ce calembour s'il ne portait gravement atteinte à notre démocratie. Nous ne pouvons pas accepter l'abandon du principe d'égalité du temps de parole dans les médias.
La voix des "petits" ne sera pas entendue
Je comprends que certains souhaitent réorganiser l'élection présidentielle – quoiqu'à un an du premier tour la méthode laisse à désirer. Je me suis d'ailleurs montré favorable au raccourcissement de la période d'engagement des dépenses électorales et à la publicité des parrainages, qui ne peut que jouer en faveur d'une meilleure transparence de la vie publique.
Mais je ne peux tolérer la consécration d'un système qui fait en sorte que les principaux partis politiques aient seuls accès aux médias. Cette atteinte au pluralisme – qui n'est autre qu'un déni de démocratie – est tout bonnement scandaleuse.
Bruno Le Roux et Jean-Jacques Urvoas semblent oublier que l'élection présidentielle est l'élection fondatrice par excellence, celle qui peut faire apparaître de nouveaux visages. Avec l'égalité du temps de parole, chaque candidat disposait du même temps pour s'exprimer. Tous les auditeurs pouvaient s'approprier les messages des uns et des autres dans des conditions identiques. On pouvait débattre, comprendre, comparer les projets.
Désormais, les partis politiques ayant enregistré les plus gros scores aux élections se verront surreprésentés dans les médias. Les puissants resteront puissants. Et la voix des petits – celle des communistes, des écologistes, des centristes, de tant d'autres – ne sera pas entendue.
Une grave atteinte au pluralisme politique
Aujourd'hui, dans les émissions politiques dominicales, seuls les trois grands partis ont voix au chapitre. Avec la nouvelle règle, cette surreprésentation gagnera toute la campagne présidentielle, à un moment où les candidats ont justement le plus besoin d'un éclairage médiatique pour se faire connaître.
L'UDI ne connaît malheureusement que trop bien ces difficultés, alors que notre famille politique est bien souvent à l'avant-garde sur les questions de société.
Dans beaucoup de démocraties européennes, on assiste à des basculements complets aux élections. De tels bouleversements seront bientôt rendus impossibles. Pourtant, les citoyens n'ont de cesse de faire part de leur volonté de voter pour des candidats neufs...
Un récent sondage montre que 88% des Français estiment que la politique souffre d'un manque de renouvellement. Et ce n'est certainement pas en faisant la promotion d'un casting d'anciens ou en bannissant le pluralisme qu'elle va retrouver la santé.