RETRAITES - Comme François Hollande l'a promis: la réforme de la dépendance sera lancée avant fin 2013.
Quelques jours plus tôt, le Comité d'orientation des retraités livrait son rapport et l'INSEE publiait de nouvelles données démographiques de 2012.
L'un et l'autre se rejoignent sur les effets de la transition démographique amorcée par notre pays. Depuis quelques années déjà, notre perception trop sociétale de cette génération intermédiaire des 60-85 ans aurait dû évoluer vers une approche plus économique.
La conjonction d'analyses entre ces deux études nous y incite désormais. Face à la difficulté d'intégration des jeunes dans le marché du travail, nous avons considéré les seniors comme nantis de revenus garantis, évitant avec pudeur de considérer une réalité bien plus diverse. Ils méritent que nous modifiions ce regard.
En vérité, personne ne comprend dans son entier la foison des régimes de retraite (régime général, régime complémentaire, au pluriel ou au singulier, selon les salariés, cadres, non cadres, salariés de grandes entreprises ou de PME) à laquelle s'ajoutent les nombreuses dispositions dérogatoires. Une évidence s'impose: notre système de protection sociale reflète encore les principes de sa construction d'après-guerre, quand l'âge légal de la retraite était à 65 ans, quand l'espérance de vie plafonnait à 62 ans et que s'ouvrait la promesse de trente années florissantes qui garantissait le financement des divers régimes par la contribution du travail. La constance de cette image d'Épinal a entretenu l'idée que les retraités seraient les riches de 2013, en faisant l'impasse sur la situation de ceux qui ont connu la discontinuité de l'emploi. Et surtout sur celle, particulière, des femmes.
Un mot donc sur les femmes dont les pensions de retraite sont inférieures de 41% à celle des hommes, alors que la pension moyenne mensuelle s'élève à 1216 €. Les droits familiaux viennent quelque peu réduire cet écart dans le régime général, mais même avec cette compensation, la pension moyenne des femmes reste inférieure de presque 30% à celle des hommes. Moins bien rémunérées, les femmes ont également des carrières plus courtes que les hommes, tandis que l'espérance de vie féminine demeure à 84,8 ans, encore la plus longue. Les dernières données démographiques de l'INSEE indiquent un minuscule tassement de 0,2 an.
D'ailleurs sur les 600.000 bénéficiaires de l'allocation solidarité des personnes âgées (ASPA) d'un montant de 777 € par mois, près de deux tiers sont des femmes, et parmi les allocataires de plus de 85 ans, 88% sont encore des femmes. Ce constat en France vaut pour l'essentiel des pays de l'Union européenne, avec des situations encore plus dégradées dans certains d'entre eux; ce qui laisse à penser que le nouveau visage de la pauvreté en Europe sera celui des femmes âgées.
Quelques phénomènes de société viennent amplifier les difficultés d'ordre matériel que rencontrent les femmes, dont le travail à temps partiel qui depuis 1990 représente au moins 15% de l'emploi féminin mais aussi l'augmentation des divorces. Avec 30% de séparations chez les femmes de plus de 60 ans, elles demeurent nombreuses à se retrouver seules, et donc seules à assumer les dépenses. Qui plus est, le temps de crise grignote la capacité contributive de la solidarité intrafamiliale.
La négociation des régimes de retraites complémentaires entre les partenaires sociaux à laquelle s'ajoutera au printemps la concertation entre le gouvernement et les mêmes partenaires sociaux sur la retraite du régime général ne pourront certainement pas suffire à régler la question des retraites sauf à passer par une réduction drastique du pouvoir d'achat des retraités.
Comme si ce sujet pouvait être réglé par un tout ou rien dans un contexte économique tendu. L'activité économique qui permet le financement par les actifs ne se décrète pas, elle s'encourage par des politiques publiques incitatives à l'emploi, simples, compréhensibles par tous, au-delà d'un crédit d'impôt compliqué, comme s'il n'y avait pas de salut économique hors de la fiscalité. Pourquoi, a fortiori si le gel des retraites s'imposait, ne pas imaginer une autre façon d'accompagner le vieillissement? L'axe de réflexion visant les revenus et la réforme systémique de notre financement des retraites a été largement exploré, sans réussir à accorder les courants de pensée, politiques ou économiques.
Le législateur doit gommer les imperfections quant à la prise en compte des 25 meilleures années cotisées, mais également explorer la piste du patrimoine, sous-estimée et mal approchée. Elle représente une solidarité générationnelle. Si les seniors sont pour 74% d'entre eux propriétaires, nous savons que propriétaire ne signifie pas riche. Nombreux sont ceux, encore autonomes, qui n'ont pas les moyens d'adapter leur logement aux nécessités de l'âge, vivent dans un inconfort facteur de risques et de dépendance accidentelle. Un centenaire sur deux vit à domicile tout comme 85% des plus de 90 ans. À titre d'illustration, 15% des propriétaires de plus de 70 ans (405.000) disposent d'un revenu égal ou inférieur à 11.000 € par an. Et 89% des Français disent ne pas pouvoir financer un hébergement en maison de retraite.
Valoriser le patrimoine au profit de l'autonomie financière par un encadrement moderne du dispositif désuet qu'est le viager apparaît comme un chantier particulièrement accessible. Encadrer le crédit d'impôt pour l'adaptation du logement par une condition d'âge et de revenus, avec un transfert de cet avantage au foyer fiscal des enfants qui financent sans aide publique les travaux, permettrait d'augmenter de manière considérable le nombre de bénéficiaires au sein de la même enveloppe budgétaire.
Ce sont ces dépenses nécessaires à l'approche du grand âge qui pèsent sur les budgets familiaux des retraités, et notamment des femmes. Une grande réforme des retraites ne nous exonère pas d'une vision plus large des modes de vie. Le vieillissement de la population engage notre avenir, celui des femmes et des hommes qui financent les pensions, qui les reçoivent et les recevront.