Allocution d’Hervé Morin
Président de la Région Normandie, Président Les Centristes
Fête de la Pomme 2021 - Epreville-en-lieuvin
Dimanche 5 septembre 2021
Seul le prononcé fait foi
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Chère Valérie Pécresse, nous avons quand même une chance incroyable, nous les Normands, c'est qu'on peut avoir des paysages verdoyants, magnifiques, avec un soleil de plomb durant tout l'été. C'est tout de même incroyable la chance que la planète nous a donné de pouvoir bénéficier de ce soleil permanent avec cet environnement comme on en rêve tous, et de plus en plus ma chère Valérie. Parce que j’en profite pour te dire que, et on en est heureux, la Normandie accueille de plus en plus de Franciliens qui, au lendemain du Covid, ont décidé de s'installer dans la plus belle des régions françaises.
J'ai dit tout à l'heure à un chef d'entreprise dont le siège social est à Paris qu'il fallait qu'il rejoigne immédiatement la Normandie parce que son avenir était chez nous. Et nous le disons aussi aux Franciliens qui ont, après le Covid, découvert ce que pouvait être la qualité de vie des espaces. Et donc, en clair, Valérie, aujourd'hui, Christophe de Balorre, Président du Département de l’Orne me disait que nous avons toute une série d'écoles et de collèges qui devaient connaître des réductions d'effectifs très sensibles à la rentrée scolaire de 2021 avec des pertes de l’ordre de 300 élèves. Au bout du compte, on a eu 150 à 200 élèves de plus, avec donc un différentiel considérable par rapport à ce qui était prévu. Et ici dans le Lieuvin c'est la même histoire. Le Rectorat m'expliquait que le collège de Cormeilles avait un avenir très réduit avec une démographie chancelante et finalement, nous connaissons exactement l'inverse. Donc la première proposition que je te fais sera dans le droit fil de ce que nous a fait Emmanuel Macron à Marseille. Comme nous sommes obligés de financer des extensions et des rénovations de lycées, de collèges et d'écoles, je te propose que le budget de l'Ile de France nous paie ces rénovations puisque ce sont des Franciliens qui sont arrivés. Qu'est ce que vous en pensez ? Tu as bien fait de venir, tu n'es pas venue pour rien.
Mes chers amis, j’aimerais vous dire le plaisir, par ailleurs, que j’éprouve de nous retrouver tous ensemble, de nous retrouver après ces élections régionales qu'on vous doit beaucoup. Je pense aux Jeunes Normands Conquérants qui sont là et qui ont été formidables durant la campagne. On avait un groupe d'une cinquantaine de jeunes absolument extraordinaires. Souvent, on dit que l’on n'arrive plus à intéresser les jeunes à la politique et au bout du compte on a eu là un groupe qui a fait un boulot gigantesque durant la campagne et donc merci à eux et merci à vous toutes et à vous tous parce que si vous êtes là c'est qu'a priori vous avez voté pour nous. Donc, merci d'être aussi nombreux aujourd'hui puisque, sur la totalité de la matinée, on avait 700 inscrits. On n'a jamais eu un tel succès. Alors j'imagine que c'est peut-être lié un peu à ta présence, Valérie.
J’aimerais également vous dire que cette élection régionale a été pour nous très importante. À propos de cette élection régionale, la presse n’a pas cessé de nous dire qu’il ne s’agissait que d’une demi victoire compte tenu du taux de participation très faible. Je reconnais qu’il s’agit là d’un vrai sujet et c'est un vrai questionnement. Mais nous en parlions avec Joël Bruneau, Maire de Caen, qui nous a beaucoup aidé durant cette campagne en étant présent sur tous les marchés de Caen pendant deux mois avec tous les colistiers, car nous partageons la même idée à ce sujet. Nous n’avons pas eu la même présence du Maire du Havre…
Nous nous faisions la réflexion que, certes, il y a une question de fond. Mais au-delà, si la participation a été plus faible que lors de la précédente élection, c'est d'une part parce que l'enjeu de la réunification de la Normandie n'était plus là puisque, globalement, nous l'avions réussie et qu’il n'y avait pas de raison de venir contester ce qui avait été réalisé. Mais c’est aussi parce que je crois que beaucoup de nos compatriotes se sont dits que même si nous n’étions pas de leur famille politique, nous avions fait le boulot. Ces gens-là ne sont pas venus dans l’isoloir voter pour nous, mais n’ont pas non plus souhaité voter pour quelqu'un d'autre puisque l’équipe en place avait plutôt fait le boulot.
Je souhaitais donc vous remercier pour votre soutien et vous dire que je suis très heureux que nous nous retrouvions pour cette Fête de la Pomme qui, en effet, est une Fête de la Pomme un peu particulière.
Comme vous le savez, j'ai fait un choix, puisqu'il a été annoncé dans la presse, qui est de soutenir Valérie Pécresse pour cette campagne présidentielle ou tout du moins pour ce premier tour de l'élection présidentielle. Et je voudrais, avec vous, évoquer quelques sujets qui me semblent absolument prioritaires et stratégiques pour les prochaines années.
Le premier sujet, je n’en aborderai que trois, pour que l'on n'ait pas des discours trop longs. Le premier sujet, qui est pour moi un sujet absolument clé, fondamental pour cette élection, c'est la question de l'école. Il n'y a pas plus important que l'école et on ne fera revivre le sens commun, le destin collectif, que si on refonde l'école. Je disais ça tout à l'heure à un journaliste qui me posait la question “Pourquoi vous soutenez Valérie Pécresse ?” J'évoquais donc cette question de l'école et je me souvenais d'une chose, que j'ai apprise dans les livres d'histoire : lorsque la démocratie, la République a voulu s'installer, elle est passée d'abord par l'école. On est pas loin du 4 septembre et la République, la Troisième République, s'est dit, je vais installer et instaurer la France de demain, d'abord en faisant en sorte que l'école trouve sa place pour tous les jeunes Français. Pour moi, ça doit être là, une des priorités. On va en citer dix milles priorités, mais s'il y a bien un sujet stratégique pour notre pays, c'est celui-ci. Mesdames et messieurs, le premier contact d'un jeune Français avec la République, se passe au moment même où il franchit la classe, le pas de porte de la classe maternelle. C'est ce premier moment là qui va l'inscrire dans un schéma qui doit l'amener à devenir un citoyen conscient des enjeux. C'est le moyen pour faire en sorte que l'ascenseur social fonctionne. C'est le moyen pour que tous nos compatriotes aient le sentiment qu'on donne un avenir et qu'on lutte contre ce sentiment de déclassement social. C'est le moyen, bien entendu, de lutter contre le séparatisme et la gangrène du communautarisme. Et c'est le moyen, bien entendu, de faire prospérer un peuple de citoyens libres, éclairés et conscients des enjeux du 21ème siècle.
Et donc, tout doit se faire autour de l'école. Nous, qui sommes un peuple épris d'égalité jusqu'à la moelle, d'égalitarisme, nous sommes le pays dont le classement PISA démontre que nous mettons globalement autant d'argent que les autres dans le système éducatif, avec des résultats globalement très moyens, sinon médiocres. Mais pire encore, le classement PISA, qui est produit chaque année par l'OCDE, démontre que nous avons un système excellentissime pour les plus favorisés et un système qui est extrêmement médiocre et mauvais pour les plus défavorisés. En clair, alors que l'école devrait réduire les inégalités, l'école les renforce.
On crée toutes les conditions des maux de demain quand on a un tel système et donc j'ai pour moi, le sentiment qu'il y a là un sujet clé et majeur. Et Valérie a eu, quand nous étions au gouvernement ensemble, la vertu de faire une réforme dont tout le monde pensait qu'elle était impossible à faire, qui était ce qu'on appelait l'autonomie des universités. Personne ne l'a remise en cause. Tout le monde, au contraire, a essayé de la faire progresser. Il y a encore du chemin à faire parce qu'on crée aussi les conditions de l'immobilisme par la construction des conseils d'administration de ces universités, mais au bout du compte, on continue sur ce même chemin un chemin dont on disait qu'il était impossible. Et donc, mesdames et messieurs, pour moi, l'école, c'est le sujet majeur. Alors le problème, c'est qu'avant d'avoir les résultats, il se passera vingt ans parce que les jeunes générations qui auront bénéficié d'un nouveau système et d'une école plus performante, on les verra, dans la dans la vie d'adulte, que quelques décennies plus tard. Mais se joue là, un enjeu stratégique. Et il passe, mesdames et messieurs, par toute une série de sujets.
J’en cite quelques-uns, mais le premier, c'est d'abord et avant tout de réintroduire le respect et l'autorité, le respect des profs. Il passe, mesdames et messieurs, par la revalorisation du statut des enseignants, parce que quand on est dans un pays où les taux de chômage baissent très significativement, la question du recrutement des profs devient un sujet stratégique. Vous savez peut-être que dans certaines formations, on recrute, on rend admissibles des gens qui ont 5 à 6 de moyenne parce qu'on ne peut plus recruter d'enseignants, et on a encore plus de mal à les recruter quand il s'agit de quartiers difficiles. Clairement, quand on regarde la moyenne européenne, on constate que nos enseignants sont moins bien payés que les enseignants des autres pays européens. Si vous voulez redonner des perspectives, il faut à la fois revaloriser le statut des enseignants et ce n'est pas qu'une revalorisation financière, c'est une revalorisation dans le respect. Et c'est bien sûr, faire en sorte que derrière cela, on puisse bâtir un modèle où on donne plus d'autonomie à la communauté éducative en permettant l'expérimentation de solutions nouvelles. J'ai entendu à Marseille le chef de l'Etat se prononcer là dessus. J'aurais aimé qu'il le fasse au début de son mandat. Mais au bout du compte, le sujet de l’école me semble absolument clé dans le débat qui va s'installer, et j'ai trouvé dans les propos de Valérie, ce que j'avais envie d'entendre.
Le second sujet, il ne vous échappera pas, est qu'il est temps de libérer les territoires. On l'a évoqué dans les deux tables rondes. Il n’y a pas un intervenant qui n'a pas évoqué l'idée qu'une grande partie des solutions passait par la libération des territoires, passait par l'autonomie des collectivités, passait par de nouveaux champs de compétences.
Avec Guy Lefrand, nous sommes fortement engagés pour la santé. On a commencé à y travailler et la Région a décidé d'y mettre beaucoup d'argent, autant que l'Etat : 230 millions d'euros pour l'Etat, 200 millions pour la Région Normandie, pour améliorer l'offre de soins, pour moderniser nos hôpitaux, pour améliorer les conditions de travail, pour favoriser l'innovation, pour faire en sorte que le recours à la santé soit plus facile. Et il est clair que ce schéma-là, au lieu d'être un schéma porté par l'Etat, il devrait l'être par la Région.
Autre sujet sur lequel nous devrions avoir la main, et complètement la main, est la question économique. Avec Sophie Gaugain, on a réussi, je crois, à bâtir un modèle en région où jamais nous n'avons eu d'indicateurs économiques aussi bons. Jamais nous n'avons été sur les marches du podium quand c'était la Haute et la Basse-Normandie. Nous y sommes sur bien des points, et nous y sommes, notamment parce qu'on a construit, ce que les Allemands ont construit depuis des années, c'est-à-dire un écosystème régional. Alors avec des moyens, bien entendu, beaucoup plus faibles que ne peuvent avoir les Länder allemands, puisqu'on est dans un rapport de 1 à 10 entre la puissance financière des Länder sur les soutiens à l'économie, et ce que peuvent faire les régions françaises.
Mais au bout du compte, quand on crée un fonds d'investissement, comme nous l'avons fait, nous sommes aujourd'hui dans le capital d'une cinquantaine de boîtes, on peut faire naître des pépites. Quand nous avons, à travers ARME, soutenu plus de 500 entreprises en difficulté et des entreprises qui aujourd'hui vont très bien, c'est parce que c'était à l'échelle régionale. Et quand nous avons décidé de bâtir Normandie Hydroliennes après l'abandon de l'Etat sur la question des énergies liées aux courants marins, on l'a créé avec une société écossaise à capitaux singapouriens qui était à l'époque la seule boite capable de le faire.
Et nous l'avons fait parce que nous avions la capacité d'agir à notre niveau sans passer par des interministérielles infinies. Au bout du compte, nous avons su bâtir un écosystème que tout le monde s'accorde à reconnaître. Compte tenu de l'engagement des milieux économiques durant notre campagne, on peut penser que l'on ne se trompait pas beaucoup. On a su bâtir un écosystème favorable il faut donc que nous ayons, à l'avenir, à cœur la construction d'un capitalisme familial qui se fonde et s'appuie sur des régions qui ont en charge la totalité des sujets sur l'économie, comme par exemple sur l'emploi.
Vous vous rendez compte qu'aujourd'hui, si on veut bien y réfléchir un instant, le principal frein à la croissance en France, ce sont la main d'œuvre et la qualification. Toutes les boîtes cherchent à recruter du monde, ou presque. Nous avons dans la Manche des milliers d'emplois non pourvus. Alors on est en situation de plein emploi, mais tout de même. Même dans les bassins d'emploi, cher Pascal Martin, où la situation est moins favorable, eh bien la même difficulté existe.
J'ai eu il y a peu de temps Elisabeth Borne au téléphone et elle m’a dit: “Président et bien voilà, le plan régional d'investissement des compétences se termine bientôt. Qu'est ce qu'il faut faire pour les booster ? “
C'est un vrai sujet, mais c'est un sujet qui passe par des sujets fondamentaux que nous commençons à prendre en main: la question de l'orientation, de la revalorisation des métiers, sur toutes ces compétences et ces qualifications que les familles écartent en général pour leurs enfants.
Pour aller plus loin, il faut nous donner la main. Et en vérité, c'est extrêmement compliqué d'avoir la main parce que, même si rectorat nous aide, il y a des freins extrêmement puissants qui sont en œuvre. Il faut faire en sorte d’amener les collaborateurs de Pôle Emploi à être des acteurs de chaque jour.
Lorsqu'on ouvre une formation le sujet aujourd'hui, ce n'est pas de financer l'ouverture de la formation, c'est de faire en sorte qu'il y ait des hommes et des femmes qui rentrent dans ces formations. Et donc, la vérité, c'est qu'il nous faut la compétence et le pilotage de l'emploi, non pas des règles sur les cotisations sociales, mais de l'emploi. C'est-à-dire la capacité de gérer les collaborateurs de Pôle Emploi directement, d'avoir la main, l'autorité pour leur dire: “voilà, il y a un problème de recrutement dans la chaudronnerie industrielle à Saint-Lô”. Et bien, faisons en sorte que nous puissions orienter 20-25 demandeurs d’emploi vers ces formations.
L'autre sujet - j'en profite pour le dire parce que là il est du champ national - c'est pas toujours facile à dire mais, mesdames et messieurs, il faut réintroduire la culture travail dans le pays! Et réintroduire cette culture du travail, ça passe par toute une série de sujets qui sont d'abord une question de contexte familial, bien entendu.
Mais au-delà de ça, il y a au moins deux choses qu'on peut faire. La première, c'est celle que tu proposes Valérie, c'est-à-dire augmenter les plus bas salaires en supprimant les cotisations sociales. Et surtout, mesdames et messieurs, en réintroduisant la prime d'activité dans le salaire et la baisse des cotisations sociales. On est quand même dans un pays de fous. On se dit qu'il faut améliorer le salaire et la rémunération des plus bas salaires. Mais au lieu de faire en sorte que ce soit sur la fiche de paie, on embauche des collaborateurs de la CAF pour le faire et verser une prime d'activité dont, au bout du compte, on oublie qu'elle est liée au fait qu'on travaille.
Ce qu’il faut en réalité c’est améliorer le salaire net sur les plus basses rémunérations et avoir le courage de considérer que le régime d'indemnisation et d'assurance chômage mérite d'être revu pour inciter nos compatriotes à retrouver le chemin du boulot !
Je ne vais pas plus loin sur la question de la décentralisation et des libertés locales, mais je voudrais simplement ajouter un point clé: la question de la décentralisation, c'est une question d'efficacité de l'action publique. C'est une question de rapidité de l'action publique. C'est une question d'innovation ou d'expérimentation. C'est une question d'abord et avant tout démocratique, c'est aussi comment faire participer nos citoyens à la décision publique.
C'est d'abord cet enjeu là, celui de la décentralisation. Vous voyez bien qu'aujourd'hui, nos compatriotes ne supportent plus l'idée d'un système complètement descendant avec un homme, une femme, quelques-uns qui décident de tout et pour tout. Et nos compatriotes veulent participer à cette action publique!
Je sais que ça va vous déplaire, à chaque fois que je dis ça, on me dit “tu ne devrais pas le dire”, mais je le pense donc je le dis : Ségolène Royal avait eu cette intuition là avec sa fameuse France participative. C'est qu'elle avait compris que dans un monde où tout le monde ou presque est allé jusqu'au bac, les gens n'accepteraient pas que quelques-uns, aussi intelligents soient-ils, décident pour eux. En vérité, la décentralisation, c'est le moyen d'associer nos compatriotes à la décision, à faire en sorte de les emmener. C'est une question absolument centrale pour cette élection là.
Pourquoi ? Parce que l'élection présidentielle a le phénomène exactement inverse, elle infantilise parce qu'au bout du compte, il y a des candidats qui finissent par vous dire que globalement, tout va être rasé gratis, que c’est eux qui vont tout réussir. J’attends, mesdames et messieurs, le premier qui va dire dans peu de temps qu'il n'y aura plus aucun pauvre dans la rue. A chaque élection présidentielle, on nous raconte cette même histoire. Je pense que d'ailleurs, quand les candidats le disent, ils le disent en le pensant, en pensant que leur politique sera suffisamment efficace pour réussir cela. On finit par se dire que cette élection présidentielle, c'est un moyen simple de dire aux Français “vous nous donnez le pouvoir et après, surtout, vous ne vous occupez plus de rien”. Sauf que ce système là ne peut pas marcher et c'est pourquoi à chaque fois, on est tellement déçu, suffisamment déçu pour qu'à chaque fois, celui qui est candidat à soit celui qui est en poste n'est même plus capable d'être candidat, soit celui qui est candidat est malheureusement battu, quand je parle de celui qu’on a soutenu. Il faut qu'on sorte de ce schéma d'infantilisation qui procède de l'élection présidentielle, du fait qu'il y aurait une espèce d'homme providentiel qui réglerait tout. Il faut qu'on dise aux Français : “vous allez prendre en main votre destin et vous allez le prendre, notamment parce qu'on aura libéré les initiatives, libéré les initiatives économiques, bien entendu, mais aussi libéré les territoires, l'autonomie locale”. Bref, il faut construire un modèle qui permet à chacun d'être en responsabilité. J'ajoute que c'est d'autant plus important pour la France parce que la France est un pays très singulier, politiquement parlant. C'est tout de même un pays où vous avez 40% des Français qui vous disent “ce système là, je n’en veux plus”. Quand vous êtes en Allemagne, tout le monde est pour l'économie sociale de marché, tout le monde est pour le capitalisme rhénan. Quand vous êtes en France, à chaque élection, vous avez 15 à 20% des Français qui vous disent “je suis d'extrême gauche, on change de modèle”. 15 à 20%, un Français sur cinq. C'est énorme. De l'autre côté, vous avez à l'extrême droite 20% des Français qui veulent mettre le système par terre aussi. Donc, quand vous arrivez à la tête de l'Etat, vous avez 40% des gens qui vous disent “ton modèle, j'en veux pas”. C'est extrêmement difficile de diriger ce pays, de gouverner ce pays, de bâtir l'avenir de ce pays. Il n'y a donc qu'une solution. Ou plutôt, il n'y a pas qu'une solution, il y a 36 solutions, mais la première, c’est de rassembler. J'avais eu cette discussion avec Nicolas Sarkozy qui me disait “on me reproche d'avoir fait venir des gens de gauche dans mon gouvernement, mais si tu ne rassembles pas, quand tu as gagné, comment tu arrives à transformer ?” On l'a fait, mesdames et messieurs, aux élections municipales et régionales, on a ouvert nos listes. Je suis sûr que c’était le cas pour ta ville, cher Guy Lefrand, parce que je m’en souviens, il y avait des gens de gauche sur ta liste.
Joël Bruneau a rassemblé à Caen également. Et nous, nous avons eu cette règle là, de la majorité régionale qui était de dire: on aide tous les territoires, quelle que soit la couleur politique du territoire, n’est ce pas, Jean-François Bloc. À Dieppe, on a aidé autant qu'ailleurs. Il y a un temps pour rassembler et ensuite un temps pour construire un modèle politique dans lequel les Français prennent une partie de leur destin en main. Et ça passe notamment par un vaste mouvement de régionalisation, de décentralisation et de libertés locales. Faire en sorte que le pays puisse respirer et bâtir son modèle, et pour moi, c'est un deuxième enjeu majeur.
Le troisième que nous partageons avec Valérie et j'arrêterai là, c'est la question de l'environnement. C'est fou de penser que l'environnement ne peut être vécu que comme un système punitif, comme un système où on prône la décroissance.
Et on l'a vu avec ce qu'a raconté Hubert Dejean de la Bâtie tout à l'heure, l'environnement est un formidable facteur de croissance. Si on le porte intelligemment comme Sophie Gaugain sur l'hydrogène, c'est énorme ce que nous allons bientôt proposer en Ile de France et en Normandie sur la vallée de la Seine. C'est, je crois, stratégique pour développer des projets industriels ou soutenir des projets industriels de plusieurs milliards d'euros. Par ailleurs, ce qui est en train de se passer sur l'économie circulaire est absolument gigantesque. On voit des milliers d'emplois créés autour du recyclage, mais pas des emplois subventionnés, ce sont des emplois purs et durs.
J’ai rencontré cette semaine un très grand patron d'une multinationale dont je tairai le nom durant lequel nous avons parlé d’un projet industriel en France, peut être en Normandie, qui est un projet qui se chiffre en milliards.
On a des projets autour de l'environnement qui sont gigantesques et je suis heureux qu'on ait fait cette table ronde passionnante qui démontre qu'il y a un potentiel gigantesque autour de ces questions. Notamment, il y a le rétrofit des véhicules avec un potentiel de développement incroyable. Il y a tout ce qui tourne autour de l'hydrogène, on l'a évoqué. Tout ce qui tourne autour des énergies marines renouvelables, mais j'en profite pour dire que sur les énergies marines renouvelables, j'ai tout de même une réserve. Quand j'écoute les pêcheurs, honnêtement, j'ai quand même parfois un certain nombre d'interrogations dont je serais très heureux d'avoir un échange avec les experts sur le sujet. L'environnement, c'est aussi le sujet du nucléaire, ça a été dit. Si on veut lutter contre le réchauffement climatique au 21e siècle, il n'y a pas d'autre solution que d'avoir du nucléaire.
Je rappelle que le bilan carbone, pour une fois qu'il est positif, entre la France et l'Allemagne, c'est un rapport de 1 à 10. Ce sont les chiffres. Moi, l'idée d'avoir encore une partie d'électricité que j'ai importée de Pologne, fournie à travers le charbon, ce n'est pas quelque chose qui me réjouit et je considère que si on veut continuer à faire en sorte que nous puissions avoir cet atout et cet avantage d'avoir une électricité moins chère que les autres et qui soit complètement décarbonée, il faut continuer à soutenir le nucléaire.
J'en profite pour vous dire que, en effet, c'est une décision de l'Etat. Mais si nous avons déjà engagé le travail pour accueillir cet EPR à Penly, c'est parce que le Président d'EDF, Jean-Bernard Lévy, nous a dit que la décision était prise de l’installer à Penly. Le seul cas de figure qui pourrait remettre en cause cette décision, c'est que celui qui soit élu à la tête de l'Etat l'année prochaine décide de ne plus faire de nucléaire.
Comme Emmanuel Macron a annoncé qu'il prendrait, très courageusement, la décision après l'élection présidentielle, ce n'est pas par hasard si le Préfet de Région, six mois après, nous a, en effet, convoqué à la première réunion à la préfecture à Rouen, pour organiser le travail que nous avons déjà commencé à faire. Nous y participons volontiers évidemment.
Ce que je dis, c’est qu’en effet, c’est une décision de l’Etat, mais en même temps, au moins, on a su construire le consensus et le rassemblement. C'est parce que nous sommes rassemblés, avec notamment une déclaration de principe que nous avons effectuée à Caen en 2019, rassemblant jusqu’aux communistes, où nous avons dit “nous sommes candidats à cet EPR parce que nous sommes rassemblés”. Alors, on n'a pas Europe-Ecologie-Les Verts avec nous, mais on a tous les autres.
Donc, le consensus politique, il est clé. En clair, ce n'est pas nous qui décidons, mais on peut empêcher. Si un Président de Région commence à dire : “je suis contre le nucléaire”, je peux vous dire tout de suite que EDF ne va pas installer son EPR à Penly.
L’enjeu pour la Région -et les manchois le savent bien- c’est qu’un EPR, c'est 10 000 salariés. 10 000 salariés qui travaillent sur le chantier, vous imaginez ce que ça représente en termes de construction d'écoles, d'équipements, d'aménagements pour fournir le chantier sans être dans des moyens d'approvisionnement carbonés. Et donc on a là un immense chantier sur lequel nous devons être mobilisés parce qu’en clair, les élections présidentielles passées, il démarrera.
Et je termine par un dernier point qui me semble clé. Tout le monde ne soutient pas Valérie Pécresse et tant mieux parce que ça prouve qu'on est libres chez nous, et en premier lieu au sein de la majorité régionale. Mais je vous demande d’être attentifs à une chose, une seule chose, c’est la méthode. Moi, j'ai toujours rêvé d'un candidat à l'élection présidentielle qui écrivait les principaux textes avant d’être élu. Souvenez-vous d'Emmanuel Macron. On ne savait pas ce qu'il voulait faire. On avait deux ou trois idées comme le dédoublement des classes, le transfert de la gestion des lycées professionnels aux Régions -ce qu’il n’a pas fait d’ailleurs-. Au-delà de ça, sur l'éducation, par exemple, on ne savait pas grand-chose. C’est la même chose sur tous les sujets. Alors si, on savait qu'il était européen. Il a eu un projet européen qui a tellement été partagé par tous les autres pays européens qu'il n'a jamais vu le jour. On avait une vague idée, c'était le en même temps. Mais au-delà de ça ?
Compte-tenu du caractère de l'élection présidentielle, ce qui compte, c'est que les choses soient préparées en amont sur les sujets majeurs. Et c'est d'ailleurs un bon moyen de créer le débat puisqu’on dit aux Français qu’on a cinq ou six priorités : la lutte contre l'immigration irrégulière, la lutte contre le séparatisme, la question de l'école, la décentralisation, etc... et que les textes de loi pour appliquer les grands engagements sur ces sujets-là seront écrits avant l’élection. On les modifiera peut-être à la marge quand on aura la chance d'avoir toute la technocratie qui nous permettra de corriger un ou deux points. Car on peut aussi profiter de l'administration où il y a beaucoup de compétences.
Cela veut dire qu'au lendemain des élections, il n'y aura plus qu'à les passer au Conseil d'Etat et au Conseil des Ministres, les faire voter par le Parlement et pouvoir les mettre en œuvre immédiatement. Si vous n’avez rien écrit avant, il se passe un an entre le moment où vous écrivez le texte et le moment où vous le faites passer au Parlement. Et moi qui suis malheureusement plus vieux que la plupart d'entre vous -je viens de prendre 60 ans, c'est pour ça que je le dis- en 1986, il y a eu six mois où le Parlement a siégé jour et nuit, où l’on a adopté des lois en plein mois d'août. Et des textes qui étaient des textes clefs : la loi de 48 sur le logement, qui était un totem complet de la gauche, la fin du contrôle des prix et du contrôle des changes, la fin des prix administrés. On a oublié que l'on a vécu dans ce monde-là. Et bien tout ça, cela a été adopté en quelques semaines parce que tout avait été préparé en amont. Et je trouve donc que, l'intuition qui consiste à dire qu’il faut que les textes soient préparés en amont pour que les Français sachent ce qu'on va faire et surtout pouvoir immédiatement mettre en œuvre, c'est stratégique parce que dans le contexte actuel que j'évoquais tout à l'heure, il est évident que si vous ne profitez pas des premiers mois pour engager ces réformes, vous ne pourrez jamais les conduire. Et donc, j'aime cette idée-là et elle me plait. Je l'aime parce qu’elle permet aux Français de clairement savoir quelle est la couleur qu'on affiche.
Au-delà de cette méthode, ce que je voulais vous dire, c’est que ce qui compte, c'est qu'on soit rassemblés. On n'a pas d'autre solution que celle-là. Si nous n'avons pas qu'un seul candidat à l'élection présidentielle, nous n’aurons absolument aucune chance de gagner. Et donc, ce qu'il faut et j'en appelle à la raison, c'est trouver un moyen et un modèle permettant qu'au bout du compte, il n’y ait qu'un seul candidat. Ça ne peut pas être autrement. Ce seul candidat, il faut trouver un moyen de départage. Soit il y a quelqu'un qui s'impose. Très honnêtement, vous n'êtes pas tous d'accord avec moi, mais si Nicolas Sarkozy avait dit qu’il était à nouveau candidat, je pense que les choses auraient été rapidement écrites. Je pense même qu’il y a un an, si François Baroin avait fait la même chose, les choses auraient été à peu près identiques.
Et donc ? Il y avait un temps où les choses pouvaient encore s'écrire autrement. Mais il n'empêche que maintenant, on est à deux mois ou à trois mois. Et on ne peut pas attendre janvier, ça n'a pas de sens. Il faut que le choix soit fait avant et le choix doit se faire par un modèle. Soit il y a quelqu'un qui s'impose, mais aujourd'hui, personne ne peut considérer qu'il est l'héritier du Général de Gaulle et qu'il a écrit le discours de Bayeux. Face à cela, moi, je n'avais pour l'instant vu qu'un seul modèle, c'est la question de la primaire. Alors, j'entends bien ceux qui disent “on pourrait faire des sondages, des enquêtes d'opinion”. J'en profite pour vous rappeler quand même une chose, c'est que vous avez un Président de Région et une majorité régionale qui, la veille des élections régionales, dans le dernier sondage de mon copain Frédéric Dabi de l'Ifop, étaient crédités de 31% quand le Rassemblement national était à 30. Au final, ils ont fait un peu plus de 20% et nous, on a fait 37. Donc, si on peut se fier un tant soit peu à un sondage, vous me faites signe.
Il faut ensuite qu'on ait un élan. On n'a pas perdu l'élection présidentielle parce qu'on a fait une primaire. On a perdu l'élection présidentielle parce qu'on avait un candidat dont on ne connaissait pas les quelques travers. On avait su créer la dynamique. Alors je sais bien que chez les Républicains, l'organisation partisane est différente, que c'est plus difficile de mobiliser, etc. Mais très franchement, je suis convaincu par la primaire. Moi, j'ai encore en souvenir cette primaire de 2017 à la Mairie d’Epaignes. Je tenais le bureau de vote où étaient venues voter des centaines de personnes. Je suis né dans le village, j'en ai été maire pendant vingt ans. Je n'imaginais même pas que ceux qui passaient le pas de la porte étaient des électeurs de droite ou du centre-droit. Et donc, on a découvert des hommes et des femmes qui avaient envie de s'engager dans cette histoire-là. Moi, je continue donc à penser que c'est une primaire qui doit être le moyen de départager nos compatriotes et une primaire ouverte à tout le monde, où tout le monde doit participer. J'entends tous les candidats, vous m'avez compris. Voilà ce que je crois. Ce que je crois, c'est qu'il nous faut un seul ou une seule candidate. Ce qu'il nous faut, c'est un projet politique qui soit capable de dire aux Français qu'on va changer de braquet.
Très franchement, j'ai écouté le discours de Marseille, je me suis dit, décidément, cette république, et la démocratie, elle est tout de même contournée, dévoyée dans cette histoire. J'ai écouté le discours du chef de l'Etat jusqu'au bout et il y avait quelque chose qui me gênait dans cette histoire-là. Je me suis longtemps interrogé sur ce qui me gênait, et je me disais que si j'étais Marseillais et que j’entendais le chef de l'Etat arriver avec des milliards...
J'en profite pour dire qu’en clair, il faut être irresponsable et avoir ruiné la commune et la métropole pour pouvoir bénéficier du soutien de l'Etat. D’ailleurs, j'ai envie de dire que nous qui réclamons simplement 50 millions d'euros supplémentaires pour nos universités, pour être traités comme les autres, il va falloir qu'on trouve d'autres moyens pour gérer notre collectivité.
Au-delà de ça, il a parlé des tramways, de l'automatisation du métro, il y avait de tout. Alors bien entendu, tout cela sur une échelle de temps qui n'est même pas évoquée, parce qu'entre le moment où vous annoncez ça et le moment de sa réalisation, il se passe 10 ou 15 ans.
Enfin, bon, ce n'est pas le sujet. Ce qui me gênait de façon gigantesque dans cette histoire, ce n'est pas le seul fait de le faire juste 5 mois avant l'élection présidentielle, avec le pupitre de l'élection présidentielle. Ce qui me gênait le plus, c'est qu'au bout du compte, on est dans un monde inversé. Celui qui devait faire ce discours, mesdames et messieurs, c'est le Maire de Marseille ou le Président de la Métropole. C'est lui qui doit faire le discours. Je pensais à un exemple que nous avons, assez comparable, mais tellement plus modeste, bien entendu. Qu'est-ce que nous faisons à Domfront, cher Jean-Claude Lenoir, où je suis allé ? J'ai appelé le Maire de Domfront, en disant : “On a une pépite médiévale gigantesque et on va essayer de vous aider à bâtir un haut lieu du tourisme médiéval à Domfront et on va y mettre toute la puissance financière de la Région”. Rien à voir avec ce que fait, bien sûr, l'État, mais j'ai appelé le Maire et ensuite c'est devenu son projet et c'est la Région qui décide de le financer très massivement pour mener ce projet de développement. Et quand on a présenté le projet aux Domfrontais, c'est le Maire qui a présenté le projet. On est dans un système tellement dévoyé qu'au bout du compte, c'est le chef de l'Etat qui vient expliquer aux élus ce qu'ils vont faire à Marseille.
Eh bien, il faut qu'on sorte de ce modèle-là qui crée au bout du compte l’impuissance. Et donc, mesdames et messieurs, il nous faut quelqu'un de volontaire, de courageux, de pugnace. Pour moi, ce sera Valérie Pécresse pour les prochaines semaines et les prochains mois. Et après ? L'essentiel, c'est que, bien entendu, on soit tous rassemblés derrière le candidat qui sera désigné par nos compatriotes.
Je vous remercie.