Le ton monte sur le projet de réforme des Collèges du gouvernement. Le gouvernement s’enferme et s’entête alors que les oppositions de toutes parts se multiplient : intellectuels, parlementaires, enseignants en grève le Mardi 19 Mai contre ce projet de réforme ; et si l’on en croit les instituts de sondage, plus de 61% des Français y sont opposés.
L’enjeu n’est pas mince. Cela concerne la vie de plus de 3,3 millions de collégiens, répartis dans plus de 7 100 établissements privés et publics, ainsi que celle de plus de 200 000 enseignants. Or le Collège Français va mal. Ces dix dernières années, nos collégiens ont régressé dans tous les classements internationaux que ce soit en Français, en Histoire ou en Maths. Pire, chaque année, environ 140 000 élèves quittent le système scolaire sans aucun diplôme professionnel, ni d’enseignement général.
Voilà le constat, le bilan qu’il faut bien avoir le courage d’affronter lucidement. Il est donc nécessaire de réformer en profondeur le collège. Sur cette nécessité, au moins, le consensus existe. Mais alors quelle réforme pour redresser le collège Français ?
Le gouvernement et la Ministre de l’Education Nationale, Mme Najat Vallaud-Belkacem, mettent en avant une réforme dont les points-clés sont les suivants :
A côté des 80% d’enseignements disciplinaires magistraux, 20% de l’emploi du temps des collégiens, soit 4 à 5 heures par semaine, sera consacré à l’enseignement personnalisé (3 heures par semaine en 6ème puis 1 heure) et aux enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI).
Suppression des classes Européennes et des classes bilangues pour cause d’élitisme réservé à une minorité. Instauration de l’apprentissage généralisé d’une deuxième langue vivante dès la 5ème.
Suppression de l’option Latin–Grec qui ne seraient plus enseignés que dans la cadre de ces fameux enseignements pratiques interdisciplinaires dont rien n’assure que cet enseignement sera véritablement linguistique. Sur ce point précis, la Ministre a commencé à "rétropédaler" et a demandé mercredi au Conseil supérieur des Programmes de faire des propositions pour le latin et le grec. Première victoire !
Hervé Morin, notre Président, dans l’éditorial de notre lettre du Nouveau Centre du Lundi 4 Mai, a précisé nos critiques précises par rapport à cette réforme :
« La première erreur de cette réforme est de vouloir casser ce qui marche très bien, telles que les sections européennes ou les classes bilangues allemand-anglais. Vouloir enseigner plus précocement deux langues pourquoi pas ? Mais quel besoin de mettre à mal deux dispositifs éprouvés, l’un qui permettait de conforter le couple franco-allemand et le multilinguisme, et l’autre qui permettait d’aborder les langues à travers ce qu’on appelle des disciplines non linguistiques tels que l’histoire-géographie. »
« La deuxième erreur de cette réforme, défaut cette fois totalement inhérent au socialisme, est de s’enfermer dans un égalitarisme purement idéologique. Comment comprendre autrement les coups portés au latin et au grec, aux classes bilangues et aux sections européennes ? Qui viendra nous démontrer que c’est en supprimant une classe de grec dans un collège de Versailles qu’on fera réussir les enfants des zones d’éducation prioritaire ? »
Ces critiques gardent bien sûr toute leur pertinence. Mais, il y a encore plus grave. Y a-t-il un promoteur de cette réforme qui pense sérieusement qu’avec cette réforme, on s’attaque au cœur du sujet : à savoir les 140 000 jeunes français qui sortent chaque année du système éducatif sans aucune qualification professionnelle ou diplôme d’enseignement général ?
La triste réalité, c’est que cette réforme est une mauvaise réforme de l’accessoire et qu’elle refuse sciemment de s’attaquer aux racines de l’échec qu’est le Collège Français. Pour cela, il faut oser se poser quelques questions de fond : Pourquoi le chômage des jeunes de 16-25 ans est de 25% en France, alors qu’il n’est que de 7,5% en Allemagne ? Cette différence insupportable a-t-elle quelque chose à voir avec le fait qu’il y a en Allemagne plus de 1,6 million d’apprentis pour moins de 400 000 en France ? Faut-il garder l’enseignement professionnel comme en France au sein de l’Education Nationale ou faut-il clairement confier cette responsabilité aux entreprises comme en Allemagne ou en Suisse ?
Le simple fait de se poser ces questions primordiales nous fait sentir implacablement que la réforme proposée par le gouvernement est gravement hors sujet. Et l’on voit bien, par opposition, se profiler la réforme d’intérêt général qu’il faudra bien faire un jour : fin du collège unique, valorisation de l’apprentissage professionnel en filière d’excellence, transfert de l’apprentissage au monde de l’entreprise.
Nous en sommes loin. Mais Bruno Lemaire, député de l’Eure, avait raison de dire à propos de cette réforme : « Il y a pire que l’immobilisme. C’est d’aller dans la mauvaise direction ».
C’est malheureusement le cas pour cette réforme. Elle ne dit rien sur l’essentiel (les sortants non qualifiés de notre système scolaire). En cela, elle mérite la mention « gravement hors sujet ». Et sur ce qu’elle touche, à l’exception de quelques heureuses innovations comme la liberté de pouvoir gérer localement certaines heures d’enseignement, elle va à contre-sens de l’intérêt des élèves.
Alors que faire ? Chaque citoyen, à son niveau, doit s’approprier ce débat. Les Français ont commencé à le faire. Ensemble, nous allons réussir à obtenir du gouvernement qu’il prenne la seule décision politique raisonnable avec un projet aussi contestable : retirer purement et simplement ce projet.