Le débat s’annonce houleux: bon nombre de présidents sortants s’opposent à une modification du calendrier.
L’éventuel report des élections régionales évoqué par l’exécutif peine à convaincre les principaux concernés. Ils auront l’occasion de faire part de leur scepticisme lundi au premier ministre, qui assistera au congrès des Régions de France, à Saint-Ouen, au siège du conseil régional d’Île- de-France.
Valérie Pécresse est elle-même opposée à un report du scrutin, qui doit normalement se tenir en mars 2021. «Il faut prendre toutes les précautions mais n’arrêtons pas la démocratie, ça serait injustifiable», répète son entourage. L’ex-ministre ne veut pas faire l’impasse sur cette étape stratégique avant 2027. Même approche pour Xavier Bertrand, qui a fait d’une victoire dans les Hauts-de-France un préalable à une candidature à l’Élysée. Il aura l’occasion de s’exprimer dimanche lors du «Grand Jury RTL-LCI-Le Figaro». «Je suis de nature très ouverte pour ne jamais fermer des perspectives», note Renaud Muselier, le président de l’Association des régions de France et patron de Provence-Alpes-Côte d’Azur. Toutefois, «je n’aime pas qu’on touche au calendrier ni au mode de scrutin, car on peut y trouver des arrière-pensées qui dénaturent la décision», dit-il. Surtout, il peine à trouver une date pertinente. Toutes les options évoquées (juin 2021, décembre 2021 ou au second semestre 2022) présentent des inconvénients.
On doit tous prendre nos responsabilités et ne pas partir tête baissée. Une proche de Bruno Retailleau
En retrait dans sa région d’Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez veut prouver à travers cette élection qu’il n’est pas marginalisé. Alors, pas question de perdre du temps! «C’est bien que tout le monde s’occupe des élections. Nous, aujourd’hui, nous avons une seule obsession, protéger nos habitants, faire le maximum pour agir pour la santé et l’emploi», balaie son entourage. À LR, il n’y a que Christelle Morançais, la présidente des Pays de la Loire, qui trouve «légitime» que, «compte tenu du contexte sanitaire, la question d’un report se pose». «Je n’ai pas encore d’avis sur le maintien ou non de la date initiale, mais, oui, il faut un temps de réflexion pour ne pas reproduire les erreurs commises lors des élections municipales», explique-t-elle en craignant un nouveau record d’abstention. «On doit tous prendre nos responsabilités et ne pas partir tête baissée», argue cette proche de Bruno Retailleau, lui-même un présidentiable qui pourrait voir d’un bon œil l’absence de tremplin pour ses concurrents d’Île-de-France et des Hauts-de-France... Dans le Grand Est, Jean Rottner n’est pas adepte du changement de calendrier mais il convient que la participation au scrutin peut être influencée par le virus.«J’observe aussi que les régionales, ce n’est pas le sujet des gens en ce moment. Néanmoins, nous sommes en réserve électorale depuis le 1er septembre. Si une décision doit être prise, il ne faut pas traîner», avance-t-il.
«Pas le moment de jouer»
À la tête de la Normandie, Hervé Morin estime lui aussi que «ce n’est pas le moment de jouer» avec la date des élections. «On verra la situation en décembre», dit-il, alors que le gouvernement a jusqu’à la fin de l’année pour signer le décret qui fixe la date des élections. «La situation actuelle n’empêche pas de faire campagne. Il est encore possible de frapper à la porte des gens. On peut se passer des grands meetings», estime-t-il alors que l’exécutif s’interroge sur la possibilité de mener une campagne satisfaisante.
En Bretagne, Loïg Chesnais-Girard est lui aussi ouvert à une concertation avec le gouvernement. «Le sujet des dates de scrutin est toujours sensible et doit être manipulé avec beaucoup de précaution. La solution d’une commission large et pluraliste s’appuyant sur des faits scientifiques est la bonne voie», salue le socialiste - proche du ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian - qui a lancé une plateforme de campagne vendredi soir.
La socialiste Carole Delga, qui vise sa réélection en Occitanie, est contre: «J’aimerais surtout que se crée une commission sur la façon dont le plan de relance va être territorialisé, une commission pour travailler sur la possibilité de donner plus de moyens à nos soignants, aux commerçants, acteurs de la culture, des sports et de l’événementiel qui sont fortement impactés» par la crise sanitaire. «Je trouve aberrant qu’on parle aujourd’hui d’élections qui auront lieu dans cinq mois, alors que nous ne connaissons absolument pas les conditions sanitaires de mars prochain», ajoute-t-elle. Dans les rangs de la majorité, on accuse surtout les présidents de région d’être dans une posture, et de ne pas assumer de réclamer un report qui leur offrirait un peu de répit tout en permettantà LREM d’éviter des défaites.