11.06.2013

"Quotient familial: le jeu de dominos pour les classes moyennes" par Muriel Boulmier

Tribune parue dans le Huffington Post

Le gouvernement a donc choisi de s'attaquer à la politique familiale. Déjà réduit à 2 000 euros en 2013, voilà que le quotient familial est ramené à 1 500 euros par demi-part. Une mesure qui amoindrira la réduction d'impôt liée au nombre d'enfants à charge.

Certes, prendre cette option plutôt que celle d'ajuster le montant des allocations au revenu a évité au gouvernement d'affronter le mécontentement des associations familiales.

Tout semble donc avoir été dit sur ce fameux quotient. Sans omettre les interminables batailles de chiffres sur le nombre de ménages concernés, dignes d'un décompte de manifestants, ou encore les querelles byzantines sur l'appellation plus ou moins contrôlée du terme "classes moyennes"...

Le résultat, lui, c'est certain, est plutôt moyen, et toutes les conséquences induites par le projet Ayrault sur la famille n'ont pas toujours été mises en lumière dans le détail. Or l'incidence va bien au-delà du montant de l'impôt, puisque qui dit baisse du quotient familial, dit augmentation du revenu fiscal de référence. Et comme son nom l'indique, ce revenu représente un indicateur précieux, déclencheur de droits ou de prestations en lien avec la famille : l'accès aux prêts réglementés (prêts à taux zéro, prêts 1% Logement, etc.) mais aussi l'attribution des bourses d'études, le droit d'entrée dans certains logements étudiants, notamment.

Aussi les ménages visés vont-ils subir une double peine. Qu'en penser ?

Payer davantage d'impôts lorsqu'on est plus riche, pourquoi pas. Mais être privé de certains avantages pour avoir le mauvais goût d'appartenir à cette classe dite moyenne, pourtant encensée au gré des campagnes électorales, cela reste contestable.

Au même titre, les modifications d'attribution de la Paje (prestation d'accueil du jeune enfant, versée jusqu'aux 3 ans révolus du bambin) vont toucher un nombre encore plus grand de familles : pour les ménages dont les revenus dépassent 4000 € avec deux salaires, le montant de la Paje sera divisé par deux. Ces parents percevront désormais 92 € par mois au lieu de 184 €, soit une perte annuelle de ressources de plus de 1100 €.

C'est ainsi la natalité qui est directement visée, ce fer de lance français salué par nos voisins européens.

Qui plus est, en matière d'indemnisation du congé parental, les parents non éligibles à la Paje toucheront 388 € au lieu de 572 € par mois. Une mesure assortie de l'obligation pour le père de prendre 6 mois de congé parental après celui de la mère. Censé favoriser l'égalité homme-femme, ce dernier point repose sur un rêve d'égalité des salaires entre les sexes. La réalité est tout autre : parions que pour ne pas perdre, pendant 6 mois, le plus gros des deux salaires du couple, celui-ci renoncera purement et simplement à l'avantage pour l'enfant d'un congé parental.

Autre encoche faite au rabot désormais célèbre, la scolarité. Son coût sera lui aussi plus élevé dorénavant pour les mêmes parents. Lesquels ne bénéficieront plus de réductions d'impôt pour frais de scolarité lorsque, chérubin ayant grandi, il se paye l'audace de fréquenter le collège puis le lycée.

Tout cela est fait, on le sait, pour compenser le déficit de la branche famille. Lequel doit tout au coût de la bonification des pensions de parents ayant élevé trois enfants ou plus. Mais pourquoi, sans pour autant lever les yeux vers un modèle à suivre à tout prix, ne pas considérer l'ensemble européen et la direction que Bruxelles incite à suivre. La France serait-elle une île coupée du monde ?

La Stratégie européenne pour l'emploi (SEE), qui vise le plein emploi, suggérait aux États Membres de parvenir dès 2010 à un taux d'emploi de 70% chez les hommes et de 60% chez les femmes. Nous en sommes loin.

Or le taux d'emploi des femmes demeure tributaire, en premier lieu et directement, des politiques familiales. Regardons autour de nous : alors que l'Europe entière semble avoir pour Angela les yeux de Chimène, que fait l'Allemagne ? Elle s'invente une politique familiale pour tâcher d'endiguer son déclin démographique.

Et dire que nous ne sommes qu'aux prémices de la réforme des retraites...

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