« Un texte décevant et vidé d’une partie de sa substance »
Le Sénat examine aujourd’hui le projet de loi « Pour une République numérique ». Catherine Morin-Desailly, sénatrice UDI-UC de la Seine-Maritime, Présidente de la commission de l’éducation, de la culture et de la communication, a salué l’initiative du gouvernement. Pour autant, elle déplore un texte décevant et incomplet.
« Ce texte a été vidé de sa substance par d'autres projets de loi, notamment celui visant à instaurer la gratuité des données par défaut ou encore la loi renseignement qui traitait largement des droits et libertés numériques. Il a également été amputé de sa partie économique, au prétexte d’un texte de Monsieur Macron que l’on ne verra finalement jamais d’ici la fin du quinquennat ». Face à l'arrivée du web 4.0 ou web généticiel, « ce texte n'aborde que peu les questions d'éthique, alors qu’il y a des vraies interrogations sur le transhumanisme et la réalité augmentée appliquée à l’homme » regrette la sénatrice.
Les perspectives de progrès qui s'ouvrent avec Internet sont aussi grandes que les craintes que soulèvent ses effets sur l'emploi, sur notre économie, notre société, notre culture et notre système politique. Pour la sénatrice « c'est cette rupture profonde que les États doivent comprendre pour s'adapter et agir. Il est donc légitime de réfléchir à l'adaptation de notre législation à cette nouvelle réalité ».
Face à la main mise américaine, la sénatrice préconise d’intervenir au niveau national et européen autour de quatre axes :
- en se dotant d'un régime exigeant de protection des données qui incluent les conditions de leur traitement mais aussi les technologies de protection de la confidentialité ;
- en se dotant d'une régulation offensive de l'écosystème numérique pour une meilleure répartition de la valeur et une loyauté des nouveaux marchés ;
- en catalysant l'industrie française et européenne du numérique autour d'une ambition affichée. « La French Tech, c’est bien mais il faut établir des choix sur les secteurs clés pour les économies de l’Union européenne » (santé, énergie, transports…) ;
- en misant sur l'éducation et la formation continue pour entraîner une appropriation citoyenne qui poussera les décideurs à « opérer les bons choix technologiques, notamment quand il s’agit du parc informatique public ou de données publiques ».
Dès 2012, avec un premier rapport d’information, Catherine Morin-Desailly appelait à une prise de conscience sur « la nécessité urgente de reprendre en main notre destin numérique ». En 2014, le groupe UDI-UC demandait une mission commune d’information sur la gouvernance mondiale de l'Internet. La sénatrice en était rapporteure. Ce rapport avait abouti à deux projets de résolutions européennes, votées à l’unanimité au Sénat, puis adressées à Bruxelles. « Force est de constater que depuis rien ne bouge ou presque » regrette la sénatrice.
Pour la sénatrice, « la coordination des actions numériques de l'Etat devrait être un objectif stratégique pour l'ensemble des responsables publics ». Elle appelle donc à la création d’une structure de coordination interministérielle placée sous l'autorité du Premier ministre à l’image du chief Technical officer qui assiste le Président des Etats Unis.
« La France doit enfin faire entendre sa voix au niveau européen et mondial et prendre toute sa place dans le cyberespace. Nous sommes encore loin de l’ambition numérique à laquelle la France peut légitimement aspirer » a conclu la sénatrice.