Un bon chemin pour commencer à être acteur de l’alternance, du changement qui se profile en 2017 est de se poser une question simple : « quels sont les changements majeurs que je veux voir mis en œuvre en France en 2017 par le nouveau Président de la République ? » et de regarder ensuite ce qu’il y a, sur ces priorités personnelles, dans les programmes des principaux compétiteurs.
Je m’efforce de m’appliquer cette discipline et je suis vite arrivé à la conclusion qu’il était urgent de poursuivre la réforme de l’université.
Pourquoi d’abord parce que père d’une famille "nombreuse", j’ai suivi de près la réalité des parcours étudiants de mes enfants et notamment la paupérisation inquiétante de nos universités (amphis « blindés », incapacité à gérer les flux entrants, rentrée 2015 : + 40 000 étudiants, tirage au sort envisagé pour réguler les admissions en 1ère année de médecine).
Ensuite, j’ai vu « tourner au rouge » deux des mesures qui permettent d’évaluer l’efficacité de l’enseignement supérieur d’un pays :
- La moitié des étudiants français se retrouvent, deux ans après être entrés dans l'enseignement supérieur, sans aucun diplôme.
- Dans le dernier classement des meilleures universités européennes du Times Higher Education (THE) 2016 publié jeudi 10 mars, il faut attendre la 17ème place pour retrouver l’Ecole normale supérieure (ENS), première université française du classement. Les trois seuls autres établissements français parmi les cent premiers du classement sont Polytechnique, Pierre-et-Marie-Curie et Paris-Sud, respectivement aux 43ème, 51ème et 96ème places. Les Anglais, les Allemands, les Hollandais, les Suisses font mieux que nous.
La réalité, c’est que l’Université Française a gagné – avec la réforme réussie de sa gouvernance sous la présidence de Nicolas Sarkozy – son autonomie administrative et qu’il est, maintenant, urgent d'aller au bout de la logique de l'autonomie des universités. L'autonomie ne veut rien dire quand les universités n'ont la main sur rien. Il faut passer un cap et leur donner la liberté de fixer leurs droits d'inscription et de choisir leurs étudiants à l'entrée.
Les droits d’inscription d’abord. Ils sont en France fixés au niveau national très bas (184 euros en licence, 256 euros en master). En France, l’essentiel du financement des Universités est un financement d’Etat. Cette dépendance par rapport à un Etat en grande difficulté financière condamne l’université française à une précarisation croissante.
Il faut donc enfin permettre à nos Universités une fixation libre des droits d’inscription. Faut-il pour cela aller vers le système américain et sa fameuse dette nationale étudiante ? Non, il faut inventer un nouveau modèle français où l’autonomie donnée aux Universités pour la fixation de leurs droits d’inscription doit être équilibrée par un système de bourses largement ouvert de manière dégressive aux familles aux revenus modestes et aux classes moyennes.
Les universités doivent aussi pouvoir choisir leurs étudiants à l’entrée. Le système actuel est disons-le catastrophique. En repoussant la sélection en fin de deuxième, voir de troisième année, la France a un système de sélection ruineux pour l’Etat et les familles et d’un cynisme insupportable vis-à-vis de sa jeunesse parce que l’on compte vraiment sur cette sélection pour réguler les flux entrant en Master.
Sélectionner, à l’entrée de l’université, permettra, a contrario, d’améliorer les dispositifs de bilan de compétence et d’orientation professionnelle et ceci dès la première année.
Liberté de la fixation des droits d’inscription, sélection à l’entrée de l’Université, la réforme de nos Universités devra aussi accueillir les cours « en ligne » - les fameux MOOC (massive open online courses) et avoir une véritable ambition européenne en ce qui concerne la convergence des systèmes d’enseignement supérieurs nationaux et de leur sélections (Pensons à l’hypocrisie des sélections médicales et paramédicales françaises contournées par bien des familles françaises dans nos pays voisins de l’union Européenne).
Vaste programme, me direz-vous. Mais pourquoi donc si peu de propositions politiques alors que le constat est si clair et l’urgence si forte ? Nathalie Kosiuscko-Morizet, une des rares personnalités politiques de premier plan à oser intervenir et dont je partage une grande partie des propositions à ce sujet, a parlé à juste titre d’ «omerta » de la classe politique au sujet de l’Université. Elle a raison.
Les responsables politiques sont d’une prudence coupable à de sujet, à commencer par François Hollande, dont l’immobilisme aura été, rigoureusement total, en matière universitaire.
La vérité est que les responsables politiques français savent que le sujet est sensible. « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté» chante Guy Béart.
De l’échec de la réforme Devaquet au Printemps Erable Québecois, les exemples historiques sont en effet nombreux de réformes ayant échoué notamment parce qu’elles n’étaient pas équilibrées entre volonté de donner une véritable autonomie aux universités et équité sociale.
Faut-il pour cela ne rien dire, ne rien faire et laisser s’enfoncer l’Université française ? Impossible. L’Université forme les élites, les cadres d’un pays. Son efficacité joue directement sur sa recherche, sa capacité d’innovation, sa compétitivité.
Nous avons un an pour débattre, construire une réforme authentique et équitable de l’Université française et la soumettre au peuple souverain lors de l’élection présidentielle de 2017.
Rendez-vous impératif.