26.02.2010

PPL Droit au revenu des agriculteurs, DG M. BENOIT

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je précise tout d’abord que le groupe Nouveau Centre et apparentés a décidé de marquer sa désapprobation à l’égard des événements survenus hier dans cette enceinte, tant dans les tribunes du public que sur les bancs de la gauche, en ne prenant pas part au débat d’aujourd’hui. Je m’exprime toutefois dans la discussion générale par respect pour le ministre et pour l’auteur de la présente proposition de loi, mais je ne prendrai pas part à la discussion des articles. 
 

La proposition de loi qui nous est soumise souligne, si cela était nécessaire, l’urgence et la gravité de la situation à laquelle sont confrontés nos agriculteurs et, plus largement, le monde agricole, en France, mais aussi en Europe.

Que de chemin parcouru, que de travail accompli, monsieur le ministre, depuis votre entrée en fonctions, il y a à peine cinq mois! Je vous l’avais alors dit lors de votre visite au salon des productions animales de Rennes, puis en commission des affaires économiques: comme votre prédécesseur, vous avez véritablement pris la mesure de la gravité de la situation.

Je tiens à saluer, comme vous, monsieur le ministre, la nomination de deux nouveaux commissaires européens: Michel Barnier, chargé du marché intérieur, et Dacian Cioloş, chargé de l’agriculture et de l’espace rural. Car lorsque l’on évoque l’agriculture en France, on parle inévitablement d’Europe.

Avec 545000 exploitations agricoles, la France est, rappelons-le, le premier producteur et le premier exportateur agricole européen. Les élus des territoires ruraux, mais aussi des territoires mixtes, que nous sommes en font l’expérience: l’agriculture et les agriculteurs constituent un atout économique majeur pour notre pays.

Toutefois, l’agriculture française est aujourd’hui confrontée à deux grands défis dont dépend son avenir. D’une part, elle doit résorber l’érosion continue de sa population. En effet, le nombre d’actifs agricoles continue de décroître; il a diminué de 7 % depuis 2005 et de plus de moitié depuis 1988. D’autre part, elle doit faire face à ce que vous appelez « libéralisation », monsieur le rapporteur, c’est-à-dire à la mondialisation, laquelle s’impose à nous tous…et doit nous conduire à réviser la politique agricole commune. Il est donc urgent que nous anticipions l’échéance de 2013; c’est ce que fait le Gouvernement et, au premier chef, le ministre de l’agriculture.

Venons-en, monsieur le rapporteur, à votre proposition de loi, qui, vous l’avez rappelé, définit principalement trois priorités: premièrement, garantir des prix rémunérateurs à tous les producteurs; deuxièmement, adopter des mesures d’urgence; troisièmement, définir la nouvelle régulation européenne des marchés agricoles que nous appelons tous de nos vœux.

Au nom de la première de ces priorités, vous préconisez notamment la reconnaissance de l’existence de l’observatoire des prix et des marges, ainsi que la clarification et le renforcement de ses missions. Vous le savez, les centristes sont favorables à l’observatoire des prix et des marges et au coefficient multiplicateur. En 2005, nous nous étions battus au côté des parlementaires UMP pour faire adopter ce dernier dans le cadre de la loi relative au développement des territoires ruraux. Mais nous devons en constater aujourd’hui les imperfections.

Les agriculteurs ne peuvent plus être considérés comme une variable d’ajustement par les intermédiaires qui fixent unilatéralement les prix. Nous souhaitons que soit véritablement reconnu ce qui constitue le marché mondial des produits agricoles aujourd’hui. À cette fin, il est essentiel de fournir, notamment à nos agriculteurs, les outils permettant de garantir la transparence de la répartition des marges et de la constitution des prix.

Toutes les mesures contenues dans cette proposition de loi ne doivent donc pas nécessairement être rejetées; mais il faut relativiser la portée de certaines d’entre elles. Ainsi, le coefficient multiplicateur ne peut être appliqué à toutes les productions: il pourrait convenir, en période de crise, au secteur des fruits et légumes, mais non à celui du lait ou des viandes bovines. Actuellement, ce coefficient multiplicateur n’est pas appliqué ou l’est peu, faute de compatibilité avec les règles européennes et parce qu’il comporte des effets pervers, donnant au distributeur une raison supplémentaire de se reporter sur des produits venus de pays où les coûts de main d’œuvre sont inférieurs. L’exemple des fraises d’Espagne en témoigne. Ainsi, en voulant bien faire, nous risquons de défavoriser les producteurs français.

Le texte propose en deuxième lieu d’instaurer un dispositif d’alerte pour la mise en œuvre de mesures d’urgence. Or le Gouvernement a lancé un plan d’urgence qui vient d’être annoncé par le Président de la République et auquel M. le ministre et Mme Hostalier ont fait référence. Nous en connaissons désormais les tenants et les aboutissants, que je ne détaillerai donc pas davantage.

Le groupe Nouveau Centre et apparentés se félicite de ce plan, qui répond à bien des égards aux attentes maintes fois exprimées par notre groupe et par les agriculteurs. Si son application continue de soulever des difficultés, elle est soutenue par une authentique volonté politique, comme dans les territoires, notamment au sein du corps préfectoral et des directions départementales de l’agriculture.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué le revenu des agriculteurs. Je suis surpris qu’une proposition de loi du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, lequel inclut les députés communistes, ne parle que d’argent. La crise à laquelle sont aujourd’hui confrontés les agriculteurs excède pourtant largement les questions de rémunération et de revenu.

Il sera tout à fait opportun d’inclure certaines dispositions de votre texte dans le projet de loi de modernisation de l’agriculture qui nous sera soumis dans quelques semaines. Outre le revenu, je citerai des questions aussi cruciales que la maîtrise de l’outil d’exploitation, la maîtrise foncière, la transmission des exploitations, l’installation des jeunes agriculteurs et les retraites.

En somme, monsieur le rapporteur, votre intention est bonne et vous soulevez un véritable problème. Mais le plan de soutien à l’agriculture présenté par le Président de la République tend à traiter l’urgence, et il nous faut désormais intégrer à la loi de modernisation de l’agriculture les dispositions précitées.

La mondialisation s’impose, je l’ai dit, à nous tous et appelle un nouveau cadre de régulation, européen et mondial. S’agissant de l’Europe, le ministre a convaincu vingt-et-un de ses homologues en quatre mois et réunira le G22 dans une semaine, ainsi qu’il l’a rappelé tout à l’heure.

En outre, on sait que la volatilité des prix est liée à la fois à l’offre et à la demande, aux conséquences des changements climatiques et au fait que les produits agricoles sont par nature vivants, donc périssables. Une plus grande transparence s’impose donc, je l’ai dit. Enfin, il est urgent d’harmoniser, tout au moins à l’échelle européenne, les règles environnementales, sanitaires, sociales et fiscales.

Pour toutes ces raisons, monsieur le rapporteur, le groupe Nouveau Centre ne pourra pas apporter son soutien à votre proposition de loi et appelle tous les parlementaires à travailler en amont, au côté du Gouvernement, au projet de loi de modernisation de l’agriculture.

EXPLICATION DE VOTE M. VIGIER

M. Philippe Vigier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi nous amène à nous attarder quelques instants sur la question agricole, ce dont je me réjouis.

À l’heure actuelle, l’agriculture française est confrontée à de graves défis qui conditionnent son avenir. Bien que la France soit le premier pays agricole mondial, sa population active connaît une érosion continue. D’autre part, l’agriculture française souffre d’une sur-administration qui l’étouffe.

Je veux d’ailleurs réitérer devant M. le ministre mon souhait de voir suspendue pendant deux ans la mise en place des bonnes conditions agricoles et environnementales non exigées par Bruxelles, encore imprécises à ce jour, au moment même où les agriculteurs préparent leur assolement. Je demande également la mise en place urgente de l’observatoire des prix et des marges dans l’ensemble des filières.

Enfin, comme vous le savez tous, mes chers collègues, l’agriculture doit faire face à une grave dérégulation des prix. Dans leur immense majorité, les agriculteurs sont désemparés face à ces fluctuations: ils veulent de la lisibilité, afin de vivre simplement de leur activité professionnelle. Aujourd’hui, les distributeurs ne leur en laissent pas la possibilité, en pratiquant des marges toujours plus larges, des marges insensées pour les agriculteurs comme pour les consommateurs. Avec la crise, ce n’est plus tenable!

 Dégradation rapide des prix d’achat de la production des agriculteurs français et européens, perte de revenus de 10 à 20 % pour les agriculteurs – jusqu’à 50 % pour les producteurs laitiers –, explosion des charges et libéralisation programmée du marché: la crise financière fait désormais place à une véritable crise agricole.

 Cette crise agricole est l’une des plus graves que l’Europe ait eu à affronter. Si nous n’apprenons pas de cette crise et si nous n’en tirons pas les conséquences en termes de mesures structurelles à prendre, nous serons confrontés aux mêmes crises encore et encore. Aujourd’hui, il est nécessaire de répondre à la crise immédiate, mais aussi de repenser la stratégie de la politique agricole française et européenne.

Cette crise est au cœur des préoccupations du Nouveau centre, pour qui il est nécessaire de répondre à la crise immédiate, mais aussi, évidemment, de bâtir la PAC 2013. Notre groupe parlementaire a, semaine après semaine, montré son intérêt pour la cause des agriculteurs, en attirant l’attention du Gouvernement sur ces questions, en particulier sur la situation inquiétante des producteurs de lait. Il nous faut agir, c’est pourquoi je me réjouis de la prise en compte par l’ensemble des groupes parlementaires – notamment par le GDR, pour le texte qui nous réunit aujourd’hui – de la problématique propre au monde agricole. Les CENTRISTES a, lui aussi, interpellé, et il a été entendu.

Il convient de répondre à la désespérance rurale. Aujourd’hui, même les urbains les plus éloignés du monde rural ont pu prendre la mesure de l’enjeu. Il nous faut apporter un peu de répit aux agriculteurs, tant au niveau de leurs revenus que de leur trésorerie. Sans cela, la colère qui se fait d’ores et déjà sentir dans nos campagnes risque de monter d’un cran et de s’étendre à l’ensemble du monde rural. Je tiens à remercier M. Chassaigne pour ses propositions car, dans une période de crise aussi violente que celle que nous traversons, il est fondamental de montrer notre prise en compte de la question agricole. Je veux réaffirmer, au nom de l’ensemble des députés du Nouveau centre, notre soutien à la profession agricole. Nous ne vous laisserons pas sur le bord de la route, l’enjeu n’est pas simplement économique, il est humain!

 Pour autant, nous ne pouvons approuver totalement votre proposition de loi.

 Ne tirez pas de conclusions hâtives, monsieur Néri! Nous soutenons les principes de cette proposition et souhaitons les intégrer dans un débat plus large, lors de la toute prochaine réforme proposée par la loi de modernisation agricole. Nous ne prendrons donc pas part au vote (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) , le ministre s’étant engagé devant la représentation nationale à reprendre en compte les propositions de M. Chassaigne ainsi que les nôtres, que nous réitérons semaine après semaine.

L’agriculture et les agriculteurs ne peuvent se permettre un échec, pas plus qu’ils ne peuvent se permettre de trop attendre. Aussi, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous appelons à la présentation de cette loi de modernisation agricole dans les délais les plus brefs, et serons d’une vigilance toute particulière dans le cadre de l’examen de ce projet de loi. L’avenir de l’agriculture française et de milliers d’agriculteurs en dépend, c’est pourquoi nous serons présents dans ce débat

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