24.10.2016

"Policiers: les réponses sérieuses que nous leur devons" par Jean Dionis

Nos policiers manifestent ouvertement depuis une dizaine de jours.
Ils disent leur défiance de la classe politique, de la justice, mais aussi de leurs syndicats. C'est un symptôme rare. Les dernières grandes manifestations de policiers ont eu lieu en 2000. Il faut donc l'examiner avec le plus grand sérieux.

Les policiers connaissent les règles de déontologie de leur métier et l'obligation de réserve des fonctionnaires s'applique doublement pour eux. Ils ont l'habitude de se défendre par le biais de syndicats puissants. Avec un taux de syndicalisation de 49% - soit nettement plus que les 20 % de syndiqués dans toute la fonction publique - les policiers constituent une profession plutôt bien organisée pour la défense de ses ressortissants. Et pourtant, les manifestations de ces derniers jours montrent clairement la défiance des policiers par rapport à leurs représentants traditionnels.

S'il en est ainsi, c'est que la nature de leurs revendications a changé. On ne parle plus de primes ou de carrière, même si clairement les policiers ont des choses à dire dans ces domaines traditionnels.
Non, nos policiers nous parlent d'épuisement, de colère et de peur. Et nous avons le devoir de comprendre, d'écouter puis d'agir.

Comprendre n'est pas difficile. Nos policiers sont fatigués (attentats, état d'urgence, euro, etc....) et nos policiers ont peur, pour leurs familles et pour eux-mêmes, et cette peur vient de leur vie professionnelle quotidienne où ils affrontent des délinquants toujours plus armés et plus violents, mais elle vient aussi du choc qu'ont été les assassinats de Magnanville où un officier de police et sa compagne ont été assassinés à leur domicile sous les yeux de leur fils et ceux de Viry-Châtillon où deux policiers, une gardienne de la paix et un adjoint de sécurité, ont été grièvement brûlés, et deux autres ont été blessés plus légèrement, après avoir été attaqués par une dizaine de personnes qui ont lancé sur leur véhicule des cocktails Molotov.

Cette peur est compréhensible. Mais elle appelle une réaction de fond de la nation. Nous le savons en terre de rugby. Pas de victoire sans première ligne, le fameux "no scrum, no win" des anglo-saxons. Or notre police est la première ligne de la nation dans son exigence de sécurité contre les délinquants.

Quelles réponses de fond apporter à nos policiers, pour qu'ils retrouvent le sens, l'envie de faire leur beau métier de protecteur des citoyens?

Elles doivent à mon avis être cherchées dans deux directions :

  • d'abord le durcissement de la réponse pénale
  • enfin, dans l'augmentation raisonnable des moyens de toute la chaîne régalienne qui va de la Police à l'Administration pénitentiaire en passant par la Justice.

Le durcissement de la réponse pénale à toute agression contre nos policiers - y compris verbale - est un préalable prioritaire.
Christiane Taubira en suspendant la construction de places de prison et en supprimant les peines plancher a malheureusement envoyé des signes d'impunité là où il faut que la sanction soit forte et rapide à chaque fois que nos policiers sont agressés et que l'on ne nous dise pas que tout ce qui est nécessaire est déjà dans les textes. Ce n'est pas vrai. Il faut reprendre dans ce sens l'arsenal législatif, réglementaire et procédurier. Ce n'est qu'au prix de cet effort de protection légale de nos policiers que ceux-ci pourront à nouveau être craints et respectés.

Reste le débat sur les moyens. Que n'a-t-on déjà dit sur ce sujet sensible : moins 12 000 postes sous Sarkozy, plus 9 000 sous Hollande dont on n'a pas encore vu vraiment la couleur!
Il reste que 2008 n'était pas 2015 et que depuis janvier 2015, la France est en guerre ouverte contre l'islamisme radical et que cette guerre se déroule aussi sur son territoire absorbant des moyens et une énergie considérable de la part de nos forces de l'ordre. Cette guerre justifie à elle seule l'augmentation des moyens affectés à la police. A une condition, c'est qu'on le fasse sérieusement.

Sérieusement, cela veut dire que l'augmentation des moyens se fasse sur l'ensemble de la chaîne régalienne : défense, police/gendarmerie, justice et administration pénitentiaire. Rien ne serait pire que de laisser des goulots d'étranglement d'une politique publique trop sectorisée.

Sérieusement, cela veut dire qu'on arrête d'exaspérer nos policiers avec des effets d'annonce puérils. Cet effort budgétaire doit avoir un calendrier sérieux intégrant notamment la formation du personnel recruté. Nos policiers le comprendront très bien.

Sérieusement, cela veut enfin dire que dans un pays fragile budgétairement, on admet que cet effort budgétaire devra être la seule priorité forte du mandat à venir et que les autres secteurs de la vie nationale devront faire avec des enveloppes constantes voir à la baisse.

Notre police est notre première ligne dans les durs combats qui attendent le pays dans les années à venir. Une première ligne, on l'écoute, on la respecte et on se bouge pour lui répondre sérieusement. 

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