26.02.2010

PJL Lutte contre la fracture numérique, DG M. DIONIS

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, la fracture numérique, sur laquelle porte la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, est un sujet important.

À l’origine, cette proposition de loi de Xavier Pintat se bornait pour l’essentiel, modestement, à créer des schémas territoriaux et un fonds d’aménagement numérique. Puis le Gouvernement lui a ajouté les dispositions relatives à la transition vers la télévision numérique, après les premiers basculements et le changement de doctrine en matière de déploiement de la fibre optique.

Il en résulte un texte assez hétérogène, qui porte à la fois sur la TNT, sur la fibre et sur le très haut débit internet. En outre, et c’est là notre critique fondamentale, il ne traite pas entièrement le problème que pose la fracture numérique: sa permanence et sa récurrence.

En effet, chaque innovation technologique en appelle une autre.

Or l’histoire nous le montre: ces dernières années, chaque innovation – le GSM, puis l’ADSL, puis la fibre optique – s’est traduite par une fracture numérique. Et cela continuera de se produire, innovation après innovation.

Cela laisse à notre pays le choix entre deux visions politiques. La première reviendrait à prendre acte du fait que chaque innovation entraînera un décalage de dix, quinze ou vingt ans entre Paris et les métropoles, d’une part, et le reste du territoire français, de l’autre.

La seconde suppose de réduire à quatre ou cinq ans, grâce à l’intervention de la puissance publique, nationale et locale, ce délai de diffusion de l’innovation dans les territoires. Il s’agit d’un enjeu considérable en termes d’aménagement du territoire – on l’a dit – et, plus profondément, de croissance économique.

En effet, nous le savons tous, la diffusion de l’innovation technologique est un puissant facteur de productivité. Ainsi, la croissance française sera d’autant plus forte que toute la population, sur tout le territoire, bénéficiera également de cette diffusion.

En réalité, cette question aurait mérité un projet de loi qui en traite de manière exhaustive. Ce n’est pas faire injure au Parlement que de dire que le Gouvernement jouit d’une capacité de conception supérieure à celle des députés.

Reconnaissons-le, le texte actuel traite le problème de manière incomplète. En témoignent deux lacunes. Tout d’abord, la question de la gouvernance de la diffusion technologique, qui, jusqu’aux dernières versions, était très centralisée, ignorant les territoires; ensuite, ainsi que l’ont signalé mes collègues, le financement pérenne de la diffusion: le fonds sénatorial est un fonds sans fonds!

Toutefois, nous rendons hommage aux sénateurs pour avoir ouvert ce chantier, et nous reconnaissons que le Gouvernement a commencé de combler la première de ces lacunes structurelles.

Je parlerai tout d’abord du financement de la télévision numérique. Celle-ci constitue déjà une réalité pour une grande partie des Français. Elle permet d’améliorer la qualité de l’image, on l’a dit; en outre, elle démultiplie l’offre, le bouquet numérique contenant dix-huit chaînes gratuites. Son extension aurait dû représenter un grand événement festif; or elle n’allait pas de soi. Comprenez l’étonnement que le député d’un département rural que je suis a ressenti en apprenant, à son retour de vacances, que le Lot-et-Garonne était généreusement gratifié d’un taux de couverture prévisionnel de 73 %!

Il faut retracer l’histoire de ce qui restera dans les mémoires comme un grand bug gouvernemental.

La loi du 5 mars 2007 avait pourtant fixé le seuil de couverture nationale par la TNT à 95 % de la population, ce qui constituait déjà une approche jacobine, ignorante des territoires. Le CSA, constatant l’erreur, avait tenté de la corriger par une résolution du 12 juillet 2007 prévoyant que, dans chaque département, la couverture devait atteindre au moins 91 % de la population. Or, aujourd’hui, la loi ne lui confie plus d’autre compétence que d’assurer une couverture minimale de la population dans chaque département. Quel recul!

Que s’est-il donc passé entre le 12 juillet 2007 et l’été 2009?

La vérité, nous la connaissons: le CSA a dû s’engager dans des négociations très dures avec les chaînes de télévision qui, placées dans une conjoncture très difficile, ont eu pour objectif prioritaire la réduction de leurs coûts de diffusion au détriment du taux de couverture dans chaque département.

Le résultat, nous le connaissons également: c’est l’oubli des départements ruraux. Pour le Lot-et-Garonne, le taux de couverture n’est plus que de 78%, même après la décision gouvernementale d’augmenter la puissance de l’émetteur du Pic du Midi. En l’absence de ce correctif, 20000 foyers de ce département auraient été privés de télévision, ce qui aurait été un recul inacceptable – et n’a d’ailleurs pas été accepté.

Il faut avoir vécu la révolte de la commission des affaires économiques pour savoir ce qu’elle a eu d’exceptionnel. Elle a, fort heureusement, été comprise par son président, Patrick Ollier, qui a été à l’origine d’un véritable travail de refonte du dispositif, au terme duquel Les CENTRISTES se réjouit d’avoir été partiellement entendu par le Gouvernement. La ligne politique de ce texte a changé, ce dont nous prenons acte, madame la secrétaire d’État. Il n’est plus question de régression ni d’écrans noirs, car vous avez choisi d’adopter la ligne politique d’une « télévision numérique pour tous », ce qui constitue une bonne nouvelle.

Des engagements forts ont été pris, sur lesquels nous vous poserons des questions, madame la secrétaire d’État, car il importe de ne pas en rester aux effets d’annonce. Je veux parler de la hausse de 30 % de la puissance émettrice des pylônes TNT, de l’octroi de 56 millions d’euros supplémentaires au fonds d’équipement numérique et satellitaire, de la création d’un nouveau fonds d’accompagnement du passage à la TNT, doté de 50 millions, et de la participation des chaînes au financement de ces fonds.

Certaines questions restent cependant en suspens. Comment s’effectuera l’arbitrage commune par commune, monsieur le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles? Faut-il opter pour la réception hertzienne commune par commune, ou plutôt pour la réception satellitaire? Il faut mettre au point une méthodologie et avancer des propositions.

Par ailleurs, il faut trouver les moyens de mobiliser les élus locaux pour assurer le succès du basculement vers la télévision numérique. Pour nous, centristes, il est fondamental que le pilotage territorial de la transition tienne compte des réalités locales. On ne saurait en effet nier l’existence de spécificités qui tiennent autant au réseau local de télécommunications existant qu’aux réalités topographiques.

Nous devons construire la gouvernance de cette transition au plus près des territoires. Les CENTRISTES entend défendre cette position, car une gouvernance territorialisée est plus à même d’identifier les bons choix. C’est pourquoi nous proposons la création d’une commission de la transition vers la télévision numérique, enracinée dans chaque département.

S’agissant ensuite de la fibre optique, je dois dire, madame la secrétaire d’État, que ce n’est pas sans agacement que nous avons vu arriver la nouvelle ligne gouvernementale. Au printemps 2008, le Gouvernement nous avait convaincus que le segment de réseau allant du pied de l’immeuble jusqu’à la prise de l’utilisateur devait être mutualisé. Désormais, on nous explique que la concurrence serait bénéfique.

En réalité, les deux options ont leurs avantages et leurs inconvénients. Je reste pour ma part sceptique quant à la possibilité qu’un deuxième opérateur se déclare spontanément avant l’achèvement des travaux menés par le premier. Cela me semble un peu trop beau pour être vrai. La diffusion de la fibre optique sera beaucoup plus complexe, à mon sens. Mais ne soyons pas plus royalistes que le roi: le secteur des télécommunications, dont nous connaissons la complexité, s’accorderait de manière unanime sur cette approche.

Pour notre part, nous n’avons qu’une exigence: que le nouveau système soit sain, ce qui suppose que le deuxième opérateur paie l’ensemble des coûts marginaux liés au déploiement de la fibre surnuméraire.

J’en viens aux schémas territoriaux numériques et au fonds d’aménagement numérique des territoires.

Suivant la même logique que pour la télévision numérique, nous approuvons l’innovation décentralisatrice que constituent ces schémas directeurs. Nous souhaitons cependant que les intercommunalités puissent avoir la maîtrise d’ouvrage pour l’établissement des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, et nous nous étonnons que l’amendement déposé en ce sens n’ait pas été adopté.

En ce qui concerne le fonds d’aménagement numérique du territoire, nous sommes perplexes. Nous savons que nous avons besoin de cet outil pour que notre pays parvienne rapidement à diffuser les innovations technologiques sur tout le territoire et à travers tout le corps social. Mais que penser d’un fonds que les sénateurs, dans leur prudence légendaire, n’ont pas doté d’un financement pérenne?

Alors, madame la secrétaire d’État, nous vous disons bravo pour les arbitrages que vous avez réussi à obtenir dans le cadre du grand emprunt: 2 milliards d’euros pour le très haut débit, cela permet d’amorcer la création du fonds. Mais permettez-moi de vous rappeler que nous parlons d’un marché de 30 milliards et que seuls 5 à 6 milliards seraient financés par le marché en zone 1. Faisons le calcul: si nous soustrayons de ces 30 milliards les 6 milliards provenant du marché et les 2 milliards du grand emprunt, il reste 22 milliards de financements complémentaires à trouver!

Les CENTRISTES estime nécessaire de pérenniser le financement du fonds d’aménagement numérique des territoires. Dans cette optique, nous devons dès aujourd’hui réfléchir à des solutions, sans quoi nous manquerions à nos responsabilités de parlementaires. Les CENTRISTES proposera une taxe minime – 50 centimes d’euro – sur les abonnements de communications électroniques, reprenant la proposition formulée par André Marcon au Conseil économique social et environnemental. Cette taxe, dont le produit est estimé à 600 millions d’euros par an, permettrait de contracter un emprunt couvrant les 22 milliards qui manquent au financement du très haut débit.

Peut-être sommes-nous trop pessimistes, car il ne faut pas oublier que les sénateurs ont ouvert cet important chantier et que le Gouvernement a corrigé les premières lacunes, mais il reste bien du « grain à moudre » pour ce débat. Pour ma part, j’espère que nos discussions nous permettront de continuer dans la même dynamique positive. 
 

EV M. DIONIS

M. Jean Dionis du Séjour. Après l’abstention constructive, l’approbation vigilante. (Sourires .)

Sérieusement, nous avons vécu un bon moment de vie parlementaire. Le débat a parfois été un peu rock and roll , un peu gaulois, rappelons-nous le parcours. Le texte initial évoquait un risque de 500000 foyers en écran noir, excusez du peu, et s’appuyait, à la suite d’un compromis un peu douteux entre le CSA et les chaînes de télévision, sur une gouvernance très centralisée, qui était appelée à être inefficace. La ligne politique s’est éclaircie, et nous arrivons à une télé numérique pour tous, des moyens budgétaires supplémentaires et une gouvernance décentralisée qui, à mon avis, sera plus efficace. Ce sont de vrais progrès.

Ce texte est loin d’être parfait, notamment sur les schémas territoriaux numériques et le fonds sans fonds, on l’a dit, mais il est animé par une vraie dynamique positive. À la différence de nos collègues socialistes, qui font de l’abstention constructive, nous ferons de la participation vigilante et nous voterons ce texte.

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