26.02.2010

PJL GRAND PARIS, DG M. LAGARDE

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet a deux défauts: il n’est pas forcément bien nommé et il ne tombe pas nécessairement au bon moment.

Il n’est pas forcément bien nommé puisque, comme j’ai eu l’occasion de le dire hier soir, c’est en réalité la première pierre d’un projet qui a été lancé à l’automne dernier. Ce n’est pas l’alpha et l’oméga d’un projet qui s’emploierait à réorganiser l’ensemble de l’agglomération parisienne et à en faire un lieu de réussite. C’est l’alpha tout court; et tout le monde voudrait aujourd’hui critiquer l’oméga. Imaginons que, à l’occasion de l’examen d’un texte sur les retraites, l’opposition nous reproche de ne pas prévoir la politique de contraception ou de santé: ce serait tout aussi ridicule.

Je reconnais que le titre du présent projet de loi pourrait induire en erreur, mais comme je suis sûr que mes éminents collègues socialistes ont lu le texte et pas seulement son titre, ainsi que l’étude d’impact, ils ont pu voir qu’il y avait bien d’autres étapes entre alpha et oméga.

Ce projet ne tombe pas nécessairement au bon moment: on le voit à travers les déclarations faites dans cet hémicycle ou dans la presse, le seul intérêt que trouve l’opposition à ce débat, c’est celui d’être engagé quelques semaines avant les élections régionales. Plutôt que de discuter d’un projet qui doit s’étaler sur les quinze ou vingt prochaines années pour transformer notre métropole, elle n’a eu de cesse de nous parler des élections régionales de mars2010, alors que tel n’est pas le sujet.

Monsieur le secrétaire d’État, le projet de loi que vous nous présentez n’est pas un enjeu pour la région Ile-de-France; c’est un enjeu national. Mais celui-ci n’est pas suffisamment mis en avant.

À l’avenir, il y aura six ou sept grandes métropoles mondiales où se joueront les sphères d’influence du monde. Au-delà de l’économie, ce projet permettra ou non à la France d’asseoir sa suprématie en Europe et sa capacité d’influence dans le monde. La France fera ou non partie de ces cinq ou six grandes nations en fonction de ce que sera sa métropole capitale. C’est ainsi que ce débat devrait être envisagé. Malheureusement, ce n’est pas ce que j’ai entendu jusqu’à présent chez la plupart des intervenants.

Avons-nous ou pas une grande métropole attractive? Aujourd’hui, la région Île-de-France est asphyxiée dans ses transports, elle est inégalitaire dans la répartition des richesses, elle est noyée sous les problèmes de logement et n’a aucun dynamisme économique. Depuis plus de dix ans, la croissance de l’Île-de-France est deux fois plus faible que celle des autres métropoles qui, elles, sont attractives; sans doute les hommes politiques qui sont aujourd’hui aux manettes de cette région en sont-ils les premiers responsables.

Une faible croissance est très néfaste pour l’emploi des Franciliens et pour la place stratégique que la France prétend occuper en Europe, et au-delà dans le monde.

En réalité, le projet du Grand Paris est un réel événement: c’est la première fois, depuis le général de Gaulle et le préfet Delouvrier, que l’on essaie de penser globalement notre métropole. Et permettez au militant de la décentralisation que je suis cette réflexion attristée: si ce projet de loi existe, n’est-ce pas finalement parce que nous touchons aux les limites de la décentralisation électoraliste?

Le schéma des transports pour la région Île-de-France n’est qu’une addition de bouts de ficelles visant vise à satisfaire, à une ou deux stations près, telle ou telle ambition électorale et qui coûte plus que les vingt milliards d’euros de votre projet. Oui, la décentralisation peut avoir des limites lorsque les élus ne visent qu’à satisfaire les électeurs plutôt qu’à l’intérêt général.

On nous explique qu’il serait scandaleux que le STIF ne réalise pas ce grand équipement qui sera payé par l’État. Or, mes chers collègues, les métros et les RER parisiens n’ont jamais été réalisés par le STIF qui en a aujourd’hui la gestion, mais bien par l’État.

Les représentants du STIF trouvent également scandaleux que l’on envisage de « donner » à la région Île-de-France une ligne de métro automatique. Pensez-vous que le maire de Toulouse, dont je regrette l’absence, refuserait que l’État lui paye sa troisième ligne de métro automatique, tout en lui en confiant la gestion? Je ne le crois pas. On trouve indécent que l’État investisse en région Île-de-France, alors que toutes les grandes infrastructures existantes ont été financées par l’État et non par la région. Curieux raisonnement, quand on sait que tous les élus de province accepteraient qu’on leur offre une ligne de métro, de tramway, etc.!

Je suis persuadé que si l’on proposait la même chose à Lyon, M. Collomb en serait ravi!

La démarche initiée par le Président de la République à travers le travail des architectes, de toutes celles et tous ceux qui ont voulu participer à ce débat, à travers les expositions, et des Franciliens qui se mobilisent pour voir comment on pourrait progresser ensemble, a suscité l’intérêt dans le monde entier.

Le jour où Nicolas Sarkozy a présenté les orientations qu’il entendait afficher, le président de la région Ile-de-France et le maire de Paris les ont approuvées. Comme le disait hier Mme Lepetit, comment pouvait-on être contre les ambitions affichées? Las, les élections régionales approchant, vous n’avez de cesse que de vous croire obligés de rejeter ce que vous acceptiez hier pour mieux cacher le vide du projet actuel de SDRIF. C’est bien dommage, car l’addition de ces deux projets serait une grande victoire pour notre région.

Comme je le disais, le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le secrétaire d’État, est la première pierre d’une démarche qui prendra du temps. Évidemment, restructurer l’urbanisme, refonder de nouveaux modes d’échange et de production économique, résorber les fractures territoriales dont souffre notre département – vous permettrez à l’élu de Seine-Saint-Denis que je suis d’en parler un peu – faire en sorte qu’il n’y ait pas systématiquement les emplois d’un côté et les logements, parfois les cités dortoirs de l’autre, reconstruire la ville sur la ville, la métropole sur la métropole, tout cela prend nécessairement du temps. Ce projet apporte une réponse qui donne une cohérence à une vision de développement économique mais aussi d’aménagement du territoire. La double boucle que vous avez proposée et qui voit aujourd’hui son instrument nécessaire se mettre en place à travers ce projet de loi, c’est-à-dire la Société du Grand Paris, est le plus urgent.

Cette double boucle débloquera des enjeux majeurs, le premier d’entre eux étant de sortir de Paris. Trop longtemps, on a considéré que la croissance ou le développement dans notre région se limitait à Paris intra-muros.

Le deuxième enjeu consiste à créer des liens entre les pôles économiques et les pôles de recherche dont nous avons besoin. Tous les atouts sont présents en Île-de-France: le seul problème, c’est qu’ils ne fonctionnent pas ensemble. La double boucle a pour vocation de faire en sorte qu’ils travaillent ensemble.

Neuf pôles majeurs de développement ont été identifiés. Je ne citerai que celui dont je suis le plus proche: le pôle de l’aéroport du Bourget. Il est extraordinaire que, depuis trente ans, ni l’État ni la région n’aient pensé que ce premier aéroport d’affaires en Europe, situé à la porte nord-est de Paris et bénéficiant d’un foncier remarquable, pouvait être autre chose qu’un aéroport destiné à accueillir, tous les deux ans, le salon de l’aéronautique au demeurant nécessaire et fort sympathique. Les architectes ont montré qu’il y avait là un pôle de développement.

En Seine-Saint-Denis, il existe trois projets sur le nord du territoire qui est le plus défavorisé. Depuis 1998, j’ai tellement entendu parler de rattrapage pour ce département, qu’on peut se demander pourquoi les élus socialistes, communistes ou verts de la région Île-de-France n’ont jamais pensé à combler ce retard, notamment dans la partie Nord, par l’activité et par l’emploi. Ils ont souvent préféré le faire sous d’autres formes, dont on connaît désormais l’inefficacité.

Quant au plateau de Saclay, il pourrait devenir le premier centre européen de recherche scientifique et technologique. Déjà 10 % des chercheurs français y sont concentrés. Mais il manque aujourd’hui à la fois une ambition collective, un aménagement et une coordination.

Oui, monsieur le secrétaire d’État, nous considérons que la création de la Société du Grand Paris répond à un grand besoin: disposer rapidement d’un outil pour réaliser le futur métro automatique. Ce partenaire de l’aménagement contractualisera avec les collectivités concernées par ce nouveau transport. Cela permettra d’ailleurs de faire avancer la réflexion intercommunale, ce que certains élus de mon secteur ne faisaient pas nécessairement.

Je veux mettre l’accent sur une autre hypocrisie du débat qui a lieu par médias interposés: je veux parler de l’accusation de recentralisation. Le texte repose sur la contractualisation. Le système de transport sera évidemment soumis à enquête publique, comme le demandait M. Cochet, et c’est bien normal. Chacun pourra donner son avis. À cet égard, nous présenterons quelques amendements qui visent à renforcer cet aspect des choses.

Mais une fois cet équipement de transports souterrains lancé, tout l’aménagement autour des gares et des pôles économiques en question sera soumis à la contractualisation avec les élus locaux présidents de conseils généraux, maires ou présidents d’intercommunalités: dans ces conditions, parler de recentralisation est une pure imposture. Les élus qui ont travaillé sur ce sujet, parfois très concrètement, savent que rien ne se passera sans leur accord – et c’est bien normal puisque ce sont eux qui gèreront les conséquences de l’aménagement. Il est normal qu’ils y soient associés par voie de contrat, sinon la Société du Grand Paris n’exercera pas ses prérogatives sur ces territoires.

Enfin, la création de l’établissement public de Paris-Saclay permet de relever trois défis, à commencer par celui de faire naître de nouvelles synergies entre le public et le privé. Dix pour cent des chercheurs français sont concentrés sur cette partie de la région Île-de-France mais, qu’ils soient dans le privé ou le public, ils ne travaillent pas suffisamment ensemble. Qui plus est, grâce à ces synergies, ils pourraient de surcroît trouver des partenariats internationaux bien plus intéressants qu’aujourd’hui.

Il convient également de mener une stratégie d’aménagement coordonné pour réussir ce qu’il est convenu d’appeler un cluster , modèle économique qui prévaut dans l’ensemble du monde, comme on l’a vu pour la Silicon Valley ou en Asie, où ils se constituent sous la direction de l’État – là-bas aussi, l’État a une ambition pour l’avenir. Oui, nous avons besoin d’une stratégie d’aménagement coordonné pour les transports, la répartition, l’aménagement et le logement, surtout dans cette zone d’une qualité environnementale exceptionnelle, ce qui peut d’ailleurs favoriser l’implantation de grandes entreprises et l’émergence de véritables zones de développement économique respectueuses de cette qualité. Naturellement, cette zone peut aussi contribuer à la révolution environnementale qui nous attend.

Pour la première fois se dessine pour notre agglomération, avec le projet du Grand Paris et cet acte I que vous proposez aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, une démarche cohérente et enfin ambitieuse, bien au-delà des 2 % de croissance du SDRIF. Ce n’est, il est vrai, que la première pierre, mais elle est indispensable. Il faut maintenant que le travail des architectes puisse se poursuivre et réunir l’État et les collectivités, à travers la création du futur atelier international du Grand Paris, autour d’ambitions qui pourront ainsi être partagées et que votre projet de transport en commun collectif et moderne rend possibles.

Oui, ce projet est de nature à donner un coup de fouet à la compétitivité économique de notre région, et donc à l’ensemble de la France. Que ce soit tout près ou à Nantes, Lyon ou Lille, sont sait bien, même si leurs élus sont socialistes, que la réussite de la région Île-de-France aurait des retombées très positives sur l’économie de leur circonscription.

Résorber les inégalités territoriales et recréer des ensembles socialement équilibrés, telle est l’opportunité que nous offre cette infrastructure et les projets d’aménagement proposés par les architectes; permettre à notre région capitale – et donc à notre pays – de reprendre sa place au sein des cinq, six, sept grandes métropoles mondiales dont les voix pourront compter, voilà une noble ambition, malheureusement incomprise juste avant les élections régionales, mais heureusement portée avec détermination par le Gouvernement, quand bien même certains voudraient la réduire à une simple opération électorale.

EXPLICATION DE VOTE M. LAGARDE

M. Jean-Christophe Lagarde. Ce projet de loi, acte I du Grand Paris, est la première pierre d’un grand dessein: celui de faire de Paris et de sa région l’une des quatre ou cinq grandes métropoles qui compteront dans le monde au XXI e  siècle. Cette aventure, en réalité, ne concerne pas que l’Île-de-France: elle aura des retombées économiques pour de nombreuses régions françaises et renforcera l’influence de notre pays dans le monde.

Avec le présent texte vous avez pris, monsieur le secrétaire d’État, le problème dans le bon ordre. Souvent, en effet, on construit la ville avant de réfléchir à l’organisation des transports. En posant, avec le schéma des transports, la première pierre du projet, vous ouvrez de réelles capacités de dynamiser l’économie de la région, de relier entre elles, pour les désenclaver, les zones qui ne le sont pas encore – centres de recherche, pôles économiques et lieux d’habitation –, et ce par un moyen de transport moderne, rapide et écologique: le métro automatique à grande capacité, qui pourra transporter plus de trois millions de passagers. L’État offre ainsi à la région, à travers neuf grands pôles économiques, des capacités de développement en termes d’emplois et de richesses, et des moyens de lutter contre certaines inégalités territoriales. L’enjeu, dans la continuité du travail fourni avec les architectes, dépasse donc le seul réseau de transport: il s’agit de réaménager la ville, de trouver un meilleur équilibre entre l’emploi et les logements, qu’il faut diversifier dans toutes les zones de nos agglomérations.

On vous a intenté, monsieur le secrétaire d’État, beaucoup de procès; j’en dénoncerai deux. Le premier consiste à critiquer l’implication de l’État dans les transports franciliens – non pas dans ceux gérés par la région, dont on ne peut hélas pas dire qu’ils donnent satisfaction –, en faveur desquels il investira 21 milliards d’euros. Je suis sûr que beaucoup de nos collègues de province aimeraient que l’État finance aussi largement les transports dans leurs territoires! Ceux qui se plaignent ont donc bien tort; rappelons d’ailleurs que tous les métros et les RER ont été financés par l’État avant d’être confiés à la région.

La seconde critique porte sur la prétendue recentralisation. Ceux qui vous adressent ce reproche n’ont absolument pas lu le texte, puisque celui-ci prévoit que tout reposera, à partir du schéma de transport qui fera l’objet d’un débat public, sur la contractualisation avec les collectivités. Aucun élu local, me semble-t-il, n’a lieu de craindre un contrat proposé par l’État pour favoriser le développement harmonieux de sa collectivité!

Quant au plateau de Saclay, il peut devenir, en regroupant 10 % des chercheurs français, le principal pôle scientifique et technologique d’Europe. Pour atteindre cette ambition, tout le monde doit travailler de concert; telle sera précisément la tâche de l’établissement public que le Gouvernement entend créer.

Parce que le projet de loi porte une vraie ambition nationale, parce qu’il prévoit un engagement de l’État sans contreparties et repose sur la contractualisation, le groupe Nouveau Centre le votera des deux mains

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