23.06.2016

"Notre faiblesse n'est pas l'Europe, mais l'absence d'Europe" par Philippe Vigier

Aujourd'hui, le Royaume-Uni se prononce sur son appartenance à l'Union européenne. Faite de nombreuses exceptions et exemptions, elle témoigne de l'intérêt essentiellement économique que représente l'Europe aux yeux des Britanniques. Le PIB du Royaume-Uni a d'ailleurs doublé depuis 1973, date de son adhésion à la Communauté économique européenne.

Alors que l'OCDE note déjà un net recul du taux de change de la livre sterling par rapport au dollar et à l'euro, les prévisions montrent que les Britanniques auraient économiquement tout à perdre s'ils se prononçaient en faveur d'un Brexit. En effet, la perte de revenu annuel pourrait aller jusqu'à 2000 livres par habitant. Par ailleurs, les autorités britanniques seraient contraintes de prendre en charges des dépenses actuellement réalisées grâce à 7 milliards d'euros de subventions communautaires. 

Au-delà de l'aspect économique, un départ du Royaume-Uni fragilisera l'Europe en donnant du crédit à ses adversaires. Son maintien n'évitera pas non plus un affaiblissement grave et durable de l'Union européenne, puisqu'il n'éteindra pas la crise identitaire, culturelle et politique profonde qu'elle traverse.

Parce que l'euroscepticisme ne peut plus être combattu sur la base d'un projet uniquement économique, la France doit proposer un nouveau cap et redevenir le moteur de la construction européenne, ce qu'elle n'aurait jamais dû cesser d'être.

J'ai bien conscience que l'Europe est en panne, qu'elle décide souvent mal, pas assez vite, que sa légitimité est contestée et sa crédibilité fragilisée, mais je crois pourtant qu'elle seule peut permettre à la France de profiter des opportunités de la mondialisation et de faire face à l'émergence de nouvelles menaces. Je suis persuadé que l'Europe est la seule voie pour la France.

Je suis totalement opposé à la conception de l'Europe à la carte défendue par le Royaume-Uni et à la tentation du repli sur soi : la France doit absolument et rapidement opposer enfin une vision ambitieuse de l'Europe, qui transcende les égoïsmes nationaux.

Afin d'éviter que le scénario britannique ne se répète, il y a urgence dans quatre domaines.

Premièrement, la France doit faire en sorte d'œuvrer en faveur d'une politique étrangère et de défense commune, afin de mettre sur pied une force d'intervention européenne. C'est la seule manière de permettre à l'Europe d'être en première ligne pour lutter contre le terrorisme et assurer la sécurité des Français.

Deuxièmement, elle doit insister pour que soit engagée sans plus tarder une politique commune de sécurité intérieure, ce qui passe par la création d'une police européenne et par un échange permanent automatisé entre les services de renseignements des Etats membres.

Troisièmement, alors que plus de 10.000 migrants ont trouvé la mort en Méditerranée depuis deux ans, il faut à tout prix en finir avec les drames humains qui se jouent à Calais, Lampedusa ou Vintimille. La plus grande priorité doit être donnée à une politique migratoire et d'asile commune, qui recense au niveau de l'Europe nos besoins démographiques et économiques, fasse converger les différents systèmes de traitements des demandes d'asile et prenne en compte les spécificités de chaque Etat afin qu'ils participent tous à l'effort d'accueil en fonction de leurs capacités. Nous pourrons alors lutter contre l'immigration illégale tout en respectant la dignité humaine.

Enfin, pour faire enfin de l'Europe un levier de croissance et d'emploi utile aux entreprises et aux citoyens, il est indispensable de mettre en place un gouvernement économique, un parlement de la zone euro et un budget européen.

Sans ces initiatives ambitieuses et courageuses, l'Europe et la France se trouveront encore plus affaiblies et en grand danger.

Face à la menace sournoise que représente la barbarie de Daesh, l'idéal de paix sur lequel s'est construit l'Europe est plus que jamais d'actualité. Ayons le courage de dire haut et fort que les véritables patriotes sont européens: notre faiblesse n'est pas l'Europe, mais l'absence d'Europe.

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