08.04.2013

"Politiques de (sur)vie" par Muriel Boulmier

La Chine qui se dépêche d'être riche avant d'être vieille, s'en trouve contrainte de renoncer à sa politique de l'enfant unique. Et l'Allemagne, sans une politique d'immigration soutenue, verrait sa démographie décliner. Mais voilà qu'en France, alors que notre taux de natalité fait pâlir d'envie nos voisins, il est question parmi les outils mis en avant pour surmonter la crise, de réaliser des économies au détriment des prestations familiales.

Parmi d'autres hypothèses, un rapport remis au gouvernement imagine de ne plus verser ce soutien aux ménages les plus aisés. Car si la "branche maladie" et la "branche vieillesse" de notre système de protection sociale sont déficitaires, la "branche famille" l'est également devenue. Et pour cause, depuis 2011, c'est elle qui finance la majoration de 10% des pensions d'assurance-vieillesse versée par enfant à partir du troisième. Il faut donc tailler dans les dépenses. Ce projet fait son chemin mais il est intéressant de l'examiner à la lumière des propositions formulées concernant les retraites : la fin de leur indexation pour les pensions complémentaires, la contribution additionnelle de 0,3 % en faveur de l'autonomie et de la dépendance mise en place depuis le 1er avril 2013, et maintenant, remis sur le métier de la réforme, les retraites de base.

Va-t-on ainsi continuer de déshabiller Pierre pour habiller Paul, à tour de rôle selon les saisons ? Ne serait-il pas plus judicieux d'enclencher un zoom arrière et de choisir une vision grand-angle pour surmonter la crise ? La fiscalité est choisie comme bras armé de la réforme, dont acte. Mais alors, autant rester cohérent en poursuivant l'objectif de redistribution, vertu de la fiscalité : plutôt que de segmenter les allocations familiales, autant les fiscaliser ! Et flécher cette ressource vers la construction de crèches à prix abordables.

Car l'enjeu de la politique familiale rejoint celui des retraites : l'augmentation des naissances doit se conjuguer au plus près de l'augmentation de l'espérance de vie, ne serait-ce que parce que le financement des pensions de retraite par répartition est consubstantiel du travail. Ne pas toucher à l'emblème des 60 ans équivaut à refuser la réalité. Une entrée dans la vie active en moyenne à 22 ans, auxquels s'ajoutent 41,5 années de cotisation (pour l'instant) et l'âge de presque 64 ans est atteint avant que ne se profile la retraite à taux plein. Dans ce contexte, l'OCDE a évalué à 27 années la période de vie après la fin de l'activité : la plus importante d'Europe. Et il faudra attendre 2030 pour que le poids économique de la génération du papyboom s'allège. À condition bien-sûr, que la natalité tienne bon.

Cet objectif reste à rapprocher de celui de la croissance pour satisfaire à l'impératif de gagner la bataille de l'emploi, celui des jeunes, celui des femmes. En ce sens, là encore la fiscalité a un rôle de soutien à jouer. En matière de services à la personne par exemple, car non seulement c'est un secteur qui représente un gisement d'emplois, notamment féminins, mais il compte aussi beaucoup pour favoriser la carrière des femmes qui ont des enfants. Comment constituer un droit à retraite quand la maternité contraint à choisir un travail à temps partiel ? Déjà moins bien rémunérées de façon générale, les femmes diminuent leur temps de travail jusqu'à 50% au 3ème enfant ! Il est temps également de réfléchir au partage des droits à retraite dans un couple, lorsque l'un choisit de se consacrer à l'éducation des enfants.

Quant à désindexer la revalorisation des retraites de base sans toucher aux "petites" retraites, cela mérite une explication précise. Où se situent "petit" et "grand" lorsque la retraite de base moyenne s'élève à 1300 € pour un homme, à 961 € pour une femme, et que le revenu moyen des plus de 60 ans ne dépasse pas 916 € ? Gardons en mémoire que la majorité des retraités ne sont pas des nantis. Ils le seront d'autant moins que la natalité diminuera en France.

L'ajustement des finances publiques doit-il se réaliser par la réforme de la protection sociale des deux extrémités de la vie ? Rien n'est moins sûr.

 

Muriel Boulmier,

secrétaire nationale du Nouveau Centre en charge des seniros et de l'évolution démographique

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