Tribune parue dans Le HuffingtonPost
On ne mesure pas le courage des Pères de l’Europe : dans la haine qui suivit la 2e guerre mondiale, ces hommes surent transcender les hostilités entre Nations pour faire renaître quelques principes fondamentaux de la civilisation européenne, malgré trois guerres en 70 ans dont deux mondiales.
C’est qu’ils voulaient restaurer une valeur simple : privilégier la négociation civilisée à l’affrontement bestial pour chaque sujet de conflit. Grâce à cet élan, on mit sur pied la CECA, le Marché Commun, l’Acte Unique, la Monnaie unique, la protection alimentaire des consommateurs et de leur santé et récemment encore, l’Union bancaire, pour éviter que les contribuables n’aient à renflouer quelques folies bancaires mises à jour par la crise de 2008.
Ce que l’Europe a réussi à construire aussi, c’est un Continent sourcilleux pour la protection des libertés individuelles et collectives, grâce à la Charte des Droits Fondamentaux. Après les attentats de Madrid en 2004 et ceux de Londres en juillet 2005, les libertés des citoyens européens ont été moins altérées que celles des citoyens américains par leur « Patriot Act ».
Parallèlement à cet exercice des libertés regardées avec envie dans le monde entier, les européens ont défendu bec et ongles, l’idée que les cultures des nations qui composent l’Union ne pouvaient pas être une valeur marchande puisqu’elles avaient accouché des systèmes politiques des Etats membres. Ces deux notions, respect des libertés et protection des cultures créent une zone originale dans la mondialisation.
Mais ces réalisations européennes, et les principes qui les ont gouvernés, m’apparaissent aujourd’hui dangereusement remis en questions. D’abord parce que la construction européenne n’en est qu’à son adolescence politique, et parce que des vents dangereux de replis nationalistes peuvent balayer l’édifice et nous replonger dans l’instabilité chaotique. Quand on regarde le monde, on comprend que quelques grandes questions qui conditionnent notre avenir, ne seront résolues que dans l’espace du continent européen, parce que les Etats membres de l’Union sont trop petits pour venir à bout de ces problèmes. C’est le cas du chômage massif des jeunes qui nécessite un emprunt pour les métiers d’avenir (biotechnologie, nanotechnologie, industries informatiques et satellitaires, recherche cognitive). Il en va de même de la convergence des économies européennes, de la mise en chantier d’un « serpent fiscal » pour stopper progressivement les délocalisations intra-européennes. L’Europe a bien réussi la circulation des hommes, des produits et de l’argent mais elle n’a que faiblement esquissé la protection sociale de ceux qui produisent la richesse : c’est maintenant une obligation. L’Europe a également besoin d’ouvrir le débat sur l’immigration et sur le droit d’asile. Elle doit aussi s’équiper d’une politique énergétique globale. Enfin c’est devenu une évidence, grâce à Monsieur Poutine : l’Europe doit mettre sur pied une politique de sécurité et de défense. On finira par faire « citoyen d’honneur » ce Monsieur Poutine, tellement ses dangereuses ambitions nous montrent plus que tout discours, que l’Europe a des voisins instables où des apprentis sorciers veulent redessiner les frontières de certains pays souverains.
Il faut achever la construction de l’Europe en commençant par l’organisation politique de la Zone Euro, renforcer le contrôle démocratique des Institutions. Mais ceci n’arrivera pas si vous, les citoyens, n’allez pas massivement aux urnes afin de montrer aux dirigeants nationaux et européens que seule une Europe achevée protègera les Nations qui la composent et que vous n’êtes pas décidés à vous laisser abuser par les discours isolationnistes des marchands de peur. L’abandon des urnes est un poison qui se paiera cher car il ne s’agit pas le 25 mai de voter pour une grogne nationale. Il s’agit seulement de penser à cette adolescence du Continent de paix dans lequel nous vivons depuis 70 ans, afin de le transmettre à nos propres adolescents.