Ce début d'année 2015 n'en finit pas de bouleverser. Le premier, le plus triste, celui qui nous touche tous, qui nous a rassemblé dans un même élan, c'est l'assassinat de 17 personnes en France. Mais l'actualité est impitoyable et un événement chasse l'autre, et nous voilà à commenter en France la victoire électorale de l'extrême-gauche en Grèce.
Étonnant d'observer que les partis de gauche français se sentent victorieux par procuration. Étonnant d'observer que ce vote est analysé, par les mêmes, auxquels s'ajoutent l'extrême-droite, le FN, comme un vote de révolte contre l'Europe. Étonnant cette coalition des extrêmes. Peut-être, ce rapprochement extrême-droite/extrême-gauche est-il la suite du soutien que le nouveau Premier ministre grec a apporté à Vladimir Poutine lorsqu'il a envahi la Crimée ?
Cependant, la guerre ouverte à l'Europe, "mère de l'austérité", peut-elle masquer la réalité de la dette grecque ? Les électeurs ont apporté leur soutien à celui qui leur a promis de les sortir de cette crise sans fin à laquelle le pays est confronté. Quoi de plus naturel. C'est un peu comme si, ayant tout essayé, le peuple grec confie son destin à une nouvelle politique, une piste encore inexplorée. Mais la vérité va s'inscrire dans les mois qui viennent. Quelle va être la capacité du nouveau gouvernement grec à tenir ses promesses ?
Lorsque la Grèce est entrée dans l'Union européenne en 1981 (juste avant l'Espagne et le Portugal, entrés en 1986), le peuple grec a bénéficié de financements européens considérables au titre de la convergence économique comme du développement régional. L'Europe a fait ce choix. Mais l'Europe n'est pas un ensemble froid, vide et abstrait. L'Europe est composée de citoyens et de gouvernements. Gouvernements qui, à l'époque, avaient encore la quasi-exclusivité du pouvoir décisionnel. Ce sont donc les États membres qui ont pris en commun cette décision. On parle souvent de la mainmise de l'Europe sur les politiques nationales, et il est utile de rappeler que les pays membres s'administrent pour l'essentiel (dans bon nombre de domaines) de manière autonome, la Grèce comme les autres.
En 2008, la crise financière née aux États Unis, devenue très vite une crise économique, a éprouvé les pays de la zone euro, mais pas seulement. La Grande-Bretagne n'a pas été sauvée de cette crise par sa monnaie. Et les pays européens de la zone euro ont plutôt bien résisté, même les plus fragilisés comme l'Espagne et le Portugal qui sont en train de sortir du plan de soutien de ce qui est appelé "la troïka" (UE-BCE-FMI) au prix de réformes drastiques, c'est vrai. Reste la Grèce, plus fortement touchée. La vie des Grecs a été bouleversée. Le chômage, les salaires divisés par deux, les soins qui ne sont plus correctement assurés... C'est avec un sentiment de désespoir et de révolte que les Grecs se sont rendus aux urnes. A ceux qui comparent la situation de la Grèce à celle de la France, je dis: quelle forme de mauvaise foi, quelle manière de faire peur à nos concitoyens, quel manque de responsabilité! L'espèce de chorus de la gauche "nous sommes tous Syriza" est déplacée et irresponsable.
Une dette est une dette. Et la Grèce devra s'en acquitter. Les modalités seront peut-être aménagées et l'obligation s'inscrira dans une période plus longue, mais le pays ne pourra pas renoncer à ses réformes. Les promesses du gouvernement évolueront, confrontées aux réalités. Les pays ne sont plus des îles séparées du reste du monde. Quel avenir a chacun de nos pays, individuellement, face à l'Inde, la Chine, le Brésil, la Russie, les Etats-Unis ? Sans l'Europe, quel avenir mondial pour un pays de 11 millions d'habitants, un PIB de 246 milliards d'euros, dix fois moins que celui de l'Inde et du Brésil, 40 fois moins que celui de la Chine ? D'ailleurs, la campagne grecque a débuté en affirmant vouloir sortir de l'euro et de l'Union européenne pour finalement se raviser et dire qu'il n'en était plus question.
Pendant la campagne des élections européennes, nous avons affirmé la nécessité de réformer l'Union européenne dont le fonctionnement est encore largement lié à celui des institutions du début de cette magnifique aventure. Faute de proximité avec l'Europe, les électeurs se sont majoritairement abstenus et 25 députés FN siègent désormais à Bruxelles et Strasbourg. Nous avons beaucoup à faire pour établir le lien entre les Français et l'Europe. C'est un défi à relever, parce que sans l'Europe, et y compris ses insuffisances, nous n'aurions pas pu faire face à la crise de 2008.
Je ne sais pas si nous aurons des lendemains qui chantent mais ce dont je suis sûre, c'est que nous aurons ceux que nous nous construirons. Et que ceux-là seront forcément différents de l'époque que nous avons connue, mais notre pays, nos régions et les Français ont toutes les possibilités pour y parvenir.