Il y a longtemps que je voulais prendre du temps pour réfléchir et refonder mes convictions sur ce problème de l’immigration clandestine vers l’Union Européenne tellement les drames survenus en Méditerranée nous bousculent au plus profond de nous-mêmes. Les jours fériés à répétition de notre Mai m’ont donné cette opportunité. Je me propose donc de partager avec vous le fruit de ma réflexion sur ce sujet o combien passionnel et sensible.
L’agence Européenne Frontex qui administre pour l’Union Européenne ses frontières extérieures estime à 230 000 immigrés clandestins ayant rejoint l’Union Européenne en 2014. Environ 170 000 d’entre eux l’ont fait à partir de la Libye à destination de la Sicile (Italie), 50 000 à partir de la Turquie à destination de la Grèce, 43 000 à partir des Balkans à destination de l’Autriche, les autres « sources » : Maroc, Afrique de l’ouest étant numériquement marginale.
L’Agence des Nations Unies en charge des Réfugiés (l’UNHCR) estime que le nombre de victimes en Méditerranée est passé de moins de 500 par an au début des années 2000 à 3000 pour la seule année 2014.
Après les faits qui parlent d’eux-mêmes, il ne reste qu’une question : et maintenant que faire ?
Et d’abord à court-terme, dans l’urgence, la politique actuelle de l’Union Européenne qui a de fait choisi de réduire considérablement ses moyens de sauvetage avec l’arrêt en 2014 de l’opération Mare Nostrum se solde (comme le dit justement Jean-Pierre Denis, dans la Vie) par un double échec policier (l’immigration clandestine continue à progresser) et moral (les noyades en Méditerranée explosent). Churchill, à propos des accords de Munich, était prophétique en affirmant le 7 novembre 1938 : « Ils devaient choisir entre le déshonneur et la guerre. Ils ont choisi le déshonneur, et ils auront la guerre ».
Il est facile de le paraphraser en affirmant qu’ en Méditerranée l’Europe devait choisir entre la Honte et l’Immigration. Elle a choisi la honte et elle aura l’immigration clandestine.
Il nous faut donc d’urgence rétablir les moyens de sauvetage en Méditerranée et l’opération Mare Nostrum. Dans cette tâche urgente, l’Europe ne peut plus se détourner et laisser l’Italie seule. Et s’il vous plait, que devant un tel échec collectif, on nous épargne les critiques faciles d’angélisme. Le rétablissement de notre capacité de sauvetage est un enjeu moral.
Rappelons-nous les paroles terribles du Pape François dans l’Ile de Lampedusa : « Où sont nos larmes ? » Mais il n’exclut en rien la fermeté avec tous les trafiquants d’êtres humains.
Hervé Morin proposait une action militaire internationale pour couler les bateaux vides des passeurs dans leurs ports d’attache libyens. Aucune action réduisant la capacité de trafic de ces criminels ne doit être exclue à priori.
A moyen-terme, aucune politique publique à la fois ferme et généreuse ne pourra être fondée si on ne commence pas par prendre la mesure du drame des réfugiés à l’échelle mondiale : l’ONU estime qu’il y a environ 52 millions de réfugiés dans le monde : guerres entre Etats, génocides, guerres civiles sont les causes premières de cette vague sans précédent au niveau mondial. A elle seule, la guerre en Syrie a provoqué l’exode – intérieur et extérieur - de plus de 7 millions de réfugiés.
C’est d’abord ce réservoir de misère et de souffrance humaine qui alimente de manière tellement compréhensible l’immigration clandestine. La communauté internationale n’arrivera à réguler l’immigration clandestine que si elle s’attaque plus sérieusement à l’intégration des réfugiés dans leurs pays d’accueil et à la résolution de ces crises régionales. Pour le moment l’Union Européenne fait l’inverse en faisant passer son programme Solidarité et gestion des flux migratoires d’une enveloppe de 5,8 Milliards d’euros pour la période de 2007-2013 à 3,13 Milliards d’euros pour la période 2014-2020. Dramatique contresens à corriger tout de suite.
Enfin, à long terme, reste la racine des racines : le développement économique et Jean-Louis Borloo, Président d’ «Energies pour l’Afrique », avec le talent intuitif qui est sa signature, a raison de nous secouer en affirmant que : « Si nous échouons dans le développement économique de l’Afrique, ce ne sera pas quelques bateaux qui s’échoueront sur l’Europe, mais ce sera une véritable submersion».
Mais là encore, arrêtons de vivre ces enjeux de manière angoissée. L’Afrique a aussi le potentiel pour être le moteur de la croissance mondiale du XXième siècle et donc par répercussion de la croissance française qui a de solides atouts à jouer dans ce continent, en grande partie, de culture francophone. A nous de choisir : soit la honte de l’indifférence et l’explosion de l’immigration clandestine, soit le bon cocktail d’humanité, de fermeté et de développement économique.
Il est temps d’ouvrir nos yeux et nos cœurs.