02.06.2015

"Tripartisme : pourquoi cela va durer" par Jean Dionis du Séjour

Vous avez été nombreux à réagir à la chronique que j’ai publiée au sujet du tripartisme dans notre lettre du 30 Mars 2015 et à me demander de continuer à creuser ensemble cette réflexion sur la fin du bipartisme et à l’avènement du tripartisme, avec toutes les conséquences que cela entraîne.

J'accède bien volontiers à cette demande, car elle est centrale pour la période politique qui s’ouvre devant nous.

Pour résumer, plusieurs d’entre vous m’ont posé, sous des formes diverses, la même question : « le tripartisme – en France (Front National, Droite et centre, Union de la Gauche – est-il un feu de paille ou va t-il durer ? ».

A cette question, je réponds sans ambiguïté : cela va durer. Commençons par une pincée d’humour : non, Monsieur cela ne va pas durer. Cela dure depuis trente ans. Et oui, le Front National commence à être une vieille histoire puisqu’il a été fondé en 1972 et que son émergence électorale date des élections Européennes de 1984 (10,9%).

Mais, plus sérieusement, je vous propose de ne pas être obsédé par le FN Français, de «dézoomer» au niveau Européen pour essayer de refonder notre réflexion sur le tripartisme. Commençons comme toujours par la lecture des faits, en l’occurrence des derniers faits électoraux :

- Elections législatives Britanniques (Mai 2015) : Conservateurs : 36,9%, travaillistes : 30,5%, UKIP (extrême-droite) : 12,7%, libéraux : 7,8%, Scottish National Party (Indépendantistes Ecossais) :4,7%, Ecologistes : 3,8 %

- Elections Législatives Grecques (Janvier 2015) : Syriza (gauche alternative) :36,34%, Nouvelle Démocratie (Centre Droit) : 27,81%, Aube Dorée (Extrême droite) : 6,28%, To Potami (Centre Gauche : 6, 05%), Communistes : 5,47%, Droite souverainiste :4,75%, Parti Socialiste (PASOK) :4,68%

- Elections municipales Espagnoles (Mai 2015) : Parti populaire (Droite) : 27,03%, Parti Socialiste (PSOE) :25,03%, Ciudadanos (Centre) : 6,55%, Podemos (Extrême Gauche) : 4,73 %

- Elections cantonales Françaises (Mars 2015) - Voix au 2ième tour : Droite : 45,03%, Gauche :32,12 %, FN : 22,23%

Que conclure de ces dernières mesures électorales ? D’abord, bien sûr que les situations nationales restent à la fois très différentes et déterminantes. Il y a un monde entre la Grande-Bretagne où le taux de chômage se situe à 5,5% et la Grèce et l’Espagne où il dépasse 25 %.

De même bien évidemment, les lois électorales nationales, plus ou moins favorables à l’expression de l’opinion publique dans sa toute sa diversité ou au contraire au fait majoritaire, jouent un rôle. Mais la tendance de fond est bien présente : partout les deux grands partis de gouvernement qui structurent l’alternance démocratique dans les différents partis reculent, voir s’effondrent (les socialistes en Grèce : 4,68% !!!!!).

Partout, émergent à côté de ces deux grands partis (la Droite et la Gauche pour simplifier), des forces politiques nouvelles qui rassemblent des parts considérables de l’électorat : Syrisa : 36,3% en Grèce, Front National : 22, 2% en France, etc…

Le temps du bipartisme, partout en Europe, est bel et bien fini. Mais, au fait, d’où venait-il ce bipartisme en Europe ? Et pourquoi craque-t-il de toutes parts en Europe ?

Depuis les années 1970, Le bipartisme Européen oppose en France et en Europe, une droite républicaine, conservatrice sur les enjeux sociétaux et d’inspiration libérale en économie à une gauche plus ou moins social-démocrate ou marxisante, favorable à des changements sociétaux profonds ainsi qu’à une gestion régulée plus ou moins lourdement de l’économie.

Cette vie politique binaire s’est imposée parce que les extrêmes droites – française et européennes - sont sorties durablement discréditées par leur collaboration avec l’occupant Nazi pendant la deuxième guerre mondiale et que les extrêmes gauches (communistes ou non) ne le sont pas moins par l’échec patent du socialisme réel dans en Russie.

Sans alternative crédible sur leurs extrêmes, les deux grands partis de gouvernement et leurs alliés ont pu ainsi occuper un espace politique considérable et gérer, en leur sein, la multitude de conflits, de sensibilités qui se font jour au cours de la vie politique. C’est bel et bien fini. Et pour comprendre ce constat, il faut aller à la racine de la vie politique actuelle de notre époque et se demander quelles sont les deux questions de fond de cette génération que les politiques seront forcés de prendre à bras le corps.

Pour ma part, je pense que la vie politique dans notre pays et en Europe s’organisera autour de 2 questions centrales :

1. La question de la souveraineté : Qui commande, et cela compétence par compétence ? L’Union Européenne ? Les Nations ? Où les Régions ? Derrière cette question, arrivent tous les enjeux de la poursuite de la construction Européenne, de nos appartenances, de nos cultures. Vertigineux…

2. La question sociale et fiscale : depuis 1980, partout en Europe, les inégalités sont reparties à la hausse et les politiques fiscales peinent à sortir de l’archaïsme et de la confusion. Ceci est d’autant plus insupportable dans un contexte de croissance quasi nulle. Potentiellement explosif.

Relisons maintenant les derniers résultats électoraux cités en début de chronique:

- Syrisa, Podemos : renaissance de l’extrême Gauche autour de la question sociale et du bras de fer avec l’Union Européenne

- Front national, UKIP : l’extrême droite française et anglaise se reconstruisent autour du nationalisme et du populisme social

Cela confirme la reconstruction des extrêmes gauche et droite autour des deux questions brulantes de la souveraineté et des inégalités sociales. Voilà pourquoi le tripartisme va durer. Nous devons être lucides.

Notre pays et l’Europe rentrent dans des périodes politiquement instables et donc dangereuses, à cause de ce multipartisme qui monte et qui déstabilise tout à son passage. Ce paysage idéologique nous donne une responsabilité particulière aux Centristes, pro-européens et démocrates sociaux.

Attention, avis de gros temps.

Centristes mous et tièdes s’abstenir.

Le temps des centristes de conviction est venu.

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