A l’heure où j’écris cette chronique, Dimanche soir, nous sentons tous que l’on approche du point de dénouement et de l’heure de vérité. (Depuis, nous avons appris l'annonce d'un accord à l'unanimité ce Lundi matin. Nous le recevons avec un bonheur mesuré car il ne change pas en profondeur les données de la crise grecque).
L’heure de vérité d’abord pour la Grèce. Cette fois, les postures, les jeux de rôle, voire même les stratégies politiques pour renforcer la position du Premier Ministre Tsipras (Référendum, vote solennel au Parlement Grec…) cèdent le pas à une négociation dure, âpre entre une nation souveraine, mais en faillite et ses créanciers (BCE, FMI, Union Européenne….)
L’opinion publique, nous tous, découvrons avec stupeur combien ces négociations sont incertaines et tendues comme elles le sont classiquement entre une banque et un mauvais payeur. La confiance, valeur clé de tout accord entre personnes ou entre états, n’y est pas, n’y est plus. Dès lors, la parole des uns et des autres est suspectée de duplicité et pour couvrir ce risque de duplicité, des mesures de plus en plus dures sont clairement envisagées.
Essayons d’y voir clair dans ce qui s'est joué, cette nuit, à Bruxelles et ensuite de construire une position politique centriste en fonction de nos valeurs fondatrices :
A Bruxelles, il s’agit d’abord de négocier un nouveau plan d'aide financier pour la Grèce pour lui permettre de payer ses prochaines échéances. L’Eurogroupe s’est accordé pour estimer qu’un troisième plan d’aide à la Grèce devrait peser entre 82 et 86 milliards d’euros.
Pas de rééchelonnement de la dette dans l'immédiat, mais possibilité dans le cadre d’un accord global. En revanche, ce soir, il n’y a pas encore de consensus sur l’épineuse question de la soutenabilité de la dette Grecque et d’une éventuelle restructuration de la dette grecque, la proposition de l’Eurogroupe peut se résumer de la manière suivante: « Dans le contexte d’un éventuel programme (…), l’Eurogroupe se tient prêt à envisager de possibles mesures additionnelles pour adoucir le service de la dette grecque, si nécessaire » par un rééchelonnement. En revanche, une réduction pure et simple de la dette est exclue.
En contre partie, l’Etat Grec se voit imposer des mesures urgentes. L’Eurogroupe demande à Athènes de légiférer d’urgence sur certains dossiers chauds, d’ici mercredi, pour « reconstruire la confiance », entre les créanciers et Athènes. Il s’agit notamment de légiférer sur la TVA, les retraites, la procédure civile, l’indépendance de l’Office grec des statistiques. Ces nouvelles lois seront un préalable à la reprise des discussions pour un plan d’aide.
Des abandons de souveraineté nationale imposés en cas de situation de faillite d’un Etat-membre. L’Eurogroupe exige d’Athènes des abandons de souveraineté et demande à la Grèce de soumettre aux institutions créancières certains projets de loi avant de les passer au Parlement. « Le gouvernement doit consulter et obtenir l’accord des institutions sur tout projet de loi dans certains domaines importants (…) avant de le soumettre à une consultation publique ou au Parlement », selon le texte de l’Eurogroupe.
Voilà donc l’enjeu du compromis adopté.
C’est clairement l’heure de vérité pour la Grèce. Elle ne peut pas à la fois demander à nouveau l’argent de l’Europe et ne pas se doter d’un véritable Etat capable de lever l’impôt équitablement, de lutter contre la corruption ainsi que d’une politique budgétaire respectant les règles communes européennes.
Et voila bien le nœud gordien de ce qu’il faut bien appeler le drame grec : d’un côté, une nation démocratique souveraine, Etat-membre de l’Union Européenne; de l’autre, l’Euro, monnaie commune de 19 Etat-membres. L’Euro est de fait la copropriété de ces 19 Etats-membres et le règlement intérieur de cette copropriété est le fameux traité de Maastricht de 1992 qui fixe les règles budgétaires à respecter par chaque membre. Plusieurs membres - dont la France - ne les respectent pas. La Grèce est clairement le plus mauvais élève de la classe.
Qui commande en cas de conflit entre un Etat-membre souverain et l’Eurogroupe ? Qui sanctionne ? Quelles sont les sanctions ? Voilà les très lourdes questions posées par la crise grecque.
Pour la Construction Européenne, aussi, le drame grec sonne l’heure de vérité:
Ou bien , comme souvent dans sa tumultueuse histoire, l’Union Européenne rebondit sur cette crise pour prendre la main et poser les fondations d’une gouvernance monétaire et budgétaire fédérale commune. Elle devra impérativement veiller à la légitimité démocratique de cette gouvernance (responsabilité devant le Parlement Européen).
Ou bien, l'Europe se montrera incapable de relever ce défi d'une gouvernance monétaire et budgétaire, partagée et démocratique. Alors, irrémédiablement, la zone Euro d'abord, l'Union Européenne ensuite, se déferont.
Oui le drame grec sonne bien l'heure de vérité pour l'Euro et pour l'Europe.