La barbarie terroriste a une nouvelle fois frappé la France et, plus spécialement Paris. Méthodiquement. Froidement. Elle a planifié et mis en œuvre un acte de guerre particulièrement meurtrier.
Tous les citoyens de France, et nous les premiers, sont sous le choc, comme sonnés. Le Président de la République, conscient de cet état de choc, a, avec justesse, décrété le Deuil National.
Ensemble, prenons le temps de la fraternité avec les familles des victimes et avec les blessés. A nous de faire les gestes les plus forts, les plus dignes pour leur dire notre décision farouche de les accompagner durablement dans l’épreuve.
Après l’horreur et après le deuil, que faire ? Voilà la question obsédante qui ne nous lâche pas depuis vendredi soir.
D’abord, il faut – c’est impératif – que la vie continue. La première victoire contre le terrorisme, c’est qu’effectivement notre vie, avec notre art de vivre, continue : écoles ouvertes, magasins ouverts, spectacles, stades, ouverts, tout ouvert. La vie qui continue en France, ce sera leur première défaite. Pour se donner du courage, nous pouvons, nous Français, nous rappeler du fameux « keep calm and carry on » (on reste calme et on continue) des Anglais seuls lors de l’été 40, écrasés sous les bombes nazies ou du non moins fameux « the show must go on » (le spectacle doit continuer) des artistes américains après le 11 Septembre 2001.
Après, il faudra agir. Il y a, en nous, et c’est – o combien – légitime la volonté de nous défendre. Mais, pour cela, nous allons devoir nous mobiliser, tous, chacun de nous pour mener, et à terme, gagner une guerre qui sera dure et longue.
Je vais peut-être choquer ou exaspérer certains de mes lecteurs. Mais les attentats de vendredi soir m’ont horrifié. Ils ne m’ont pas surpris. Le 13 Janvier, dans l’émotion créée par les attentats contre Charlie, j’écrivais une chronique « Nous sommes Charlie, les jours d’après ». J’y écrivais notamment :
« La France est en guerre avec le terrorisme et plus spécialement avec le terrorisme islamiste. Le mot "guerre" est encore discuté dans les médias à propos des évènements de ces derniers jours. Mais, cette dure réalité s’imposera. Resituons ces évènements dans la longue durée. La France est intervenue ou intervient depuis deux ans, en Libye, au Mali, en Irak et en Syrie. A chaque fois, nous le faisons – et nous avons raison, à mon avis, de le faire – avec notre armée, nos troupes d’élite contre différents groupes terroristes islamistes (Al Quaïda, DAESH, etc.). Cela porte un nom. Cela s’appelle faire la guerre. Et, la conséquence première de cette situation est qu’il faut se préparer à subir là où cela fait mal, c'est-à-dire sur notre territoire national, la réponse armée et sanglante de nos ennemis. Or le peuple français, à l’occasion de ces évènements, découvre que cet ennemi-là dispose de la capacité de nous frapper en France, à Paris, au cœur de la nation.
Et s’il le peut, ce n’est pas seulement qu’il dispose de bases d’entraînement, de financements importants à l’étranger, mais aussi et surtout parce qu’il peut s’appuyer sur des citoyens français en nombre relativement important – Mohamed Merah, les frères Kouachi, Coulibaly sont tous des citoyens français – pour en final perpétrer ces crimes. Soyons clairs. Une telle situation, par sa durée sur plusieurs années, par les forces humaines et matérielles considérables engagées aussi bien par la France que par ses ennemis, mérite qu’on ne fasse pas sur son compte de déni de réalité.
Cette guerre risque de durer longtemps. Aucune des raisons qui l’ont amenée – intégrisme anti-occidental dans les pays arabes et en France, rôle et responsabilités de la France en Afrique Occidentale, etc. ne va s’évanouir et disparaitre rapidement ».
L’acte héroïque de soldats américains à bord du Thalys, un défaut de préparation contre l’église de Villejuif nous avaient évité pendant quelques mois l’horreur. Mais nous sommes, depuis vendredi soir, rattrapés par l’affreuse réalité de la guerre.
Il nous faut nous mobiliser durablement, nous armer psychologiquement.
Pour cela, il nous faut d’abord comprendre les évènements qui vont percuter notre quotidien.
La guerre va se dérouler en Syrie (voir le bombardement de Raqqua en Syrie, ce soir même), en Irak, mais aussi au Sahel, notamment au Mali. La France va devoir construire les alliances militaires capables de détruire durablement les capacités militaires de DAESH et d’Al quaeda. Elle ne peut et ne veut pas le faire seule. La construction de ces alliances au sein des Nations Unies sera difficile et délicate. Mais elle est la condition sine qua non de notre efficacité militaire contre DAESH. Encore plus difficile sera la construction des solutions politiques de transition vers la paix pour et avec les peuples directement concernés, syriens, irakiens, maliens.
La guerre va se dérouler en France et en Europe. Il est malheureusement plus que probable qu’il y ait d’autres attentats terroristes sur notre territoire national. Nous devons donc intensifier la lutte anti-terroriste en France : renforcement de la surveillance sur les personnes fichées pour radicalisme religieux, fermeture des mosquées salafistes, vigilance dans nos quartiers sensibles et sur Internet. Il va falloir accepter de donner, pendant cette période de guerre, plus de moyens et plus de droits à ceux qui sont en première ligne de ce combat : armée, forces de police, justice. La mise en œuvre de notre défense intérieure dans ce conflit va elle aussi être conflictuelle et difficile.
A chaque citoyen, à côté des gestes de vigilance que nous allons devoir apprendre, de monter son niveau de culture général sur ce Moyen-Orient compliqué si nous ne voulons pas, parce que nous serons dans la peine et dans l’angoisse, être manipulés par tous les simplismes et les extrémismes de la terre.
Méfions-nous comme de la peste de tout ce qui déchirera l’unité nationale et notamment de ceux qui nous proposeront comme bouc émissaires nos concitoyens musulmans. Face aux intégristes musulmans, ils savent qu’ils vont avoir à faire une clarification très douloureuse à tous les niveaux théologique et politique. A nous de les aider dans ce combat décisif pour l’Islam de France et pour la France.
Enfin sur le long terme, soyons optimistes. L’islamisme radical est une impasse meurtrière, en aucun cas un projet politique d’avenir pour quelque peuple que ce soit, encore moins dans une société moderne. Il sera balayé par les démocraties et par les peuples qui le subissent aujourd’hui. A nous d’être costauds aujourd’hui et nous verrons demain les valeurs démocratiques triompher partout dans le monde y compris là où elles sont bafouées aujourd’hui.
A court terme, comme nos amis Anglais, on reste calme et on continue.