Les premiers mois du travail parlementaire 2016 seront notamment marqués par le débat et le vote sur le projet de loi de révision constitutionnelle visant à inscrire la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français ainsi que l’état d’urgence dans notre Constitution. Le texte est connu depuis fin décembre et comme chacun peut le voir les discussions pour ne pas dire les polémiques sont nombreuses et vives.
Je ne sais pas encore quel sera le sens de mon vote. Je doute et m’interroge sans trouver une réponse qui me satisfasse. En novembre, j’ai voté comme l’immense majorité des parlementaires la prolongation de l’état d’urgence et les modifications de la loi de 1955 qui le régit. Et si c’était à refaire, mon vote serait le même. Sans état d’âme.
Sur la déchéance de nationalité, je suis instinctivement favorable à ce que les français binationaux qui commettent des crimes contre la nation à travers des actes terroristes perdent notre nationalité et je mesure la force du symbole attaché à une telle décision.
Pour autant je sais aussi qu’elle ne dissuadera nullement ceux qui pourraient être potentiellement concernés d’accomplir leurs actes. Dans la réalité de la vie judiciaire, elle sera rarement prononcée et dans un avenir lointain. En outre, j’entends certains qui se demandent pourquoi ceux qui commettraient de tels crimes mais auraient uniquement la nationalité française échapperaient à ce titre à cette mesure. La question n’est pas illégitime mais notre droit nous interdit heureusement de « fabriquer » des apatrides.
J’ai lu avec l’attention qu’il mérite l’avis du Conseil d’Etat sur le projet de loi que le Gouvernement a choisi de rendre public. Je retiens cette remarque qui me trouble : « Le Conseil d’Etat considère que si devait être instituée la déchéance de la nationalité française pour des binationaux condamnés pour des faits de terrorisme, le principe de cette mesure devrait être inscrit dans la Constitution, eu égard au risque d’inconstitutionnalité qui pèserait sur une loi ordinaire. » Ainsi l’inscription de la disposition dans la Constitution ne servirait qu’à la protéger du risque d’inconstitutionnalité : c’est une justification à la révision qui me semble à méditer et je redis ma conviction de l’utilité limitée de cette mesure.
Les débats polémiques et partisans qui se développent sont une autre source d’interrogations et me semblent entourer la révision constitutionnelle de la même ambiguïté qui dimanche matin marquait la cérémonie organisée Place de la République à Paris. On ne pouvait alors que noter avec une certaine tristesse et gêne que la première syllabe des mots commémoration et communication était identique. Je ne voudrais pas que dans quelques semaines, la réunion du Congrès pour adopter la révision constitutionnelle ne soit à son tour qu’une opération de communication politique au mépris du sens même de la Constitution dans notre République.