Otage des frondeurs nostalgiques des années 1980 et des archaïques de tous bords, la réforme du travail est symptomatique d’un gouvernement s’enfonçant chaque jour un peu plus dans l’impuissance publique.
Sur une question aussi cruciale que le chômage, j’avais choisi de soutenir une majorité de progrès, faisant fi des considérations politiciennes. Sans être l’alpha et l’oméga, le texte de Myriam El Khomri allait dans le bon sens, avec des avancées notamment sur les indemnités de rupture définies par les prud’hommes, les difficultés de licenciement, la souplesse dans l’organisation du temps de travail ou l’introduction des référendums en entreprises.
Mais voilà que l’exécutif fait machine arrière en décalant l’examen du projet de loi d’un mois et demi pour fuir le débat parlementaire. C’est à se demander si François Hollande – celui-là même qui promettait d’inverser la courbe du chômage – a pleinement conscience que notre pays s’enlise dans une situation dramatique, alors que toute l’Europe a déjà renoué avec la croissance en menant des réformes ambitieuses.
En Allemagne, la négociation en entreprise est monnaie courante. Au Royaume-Uni, les indemnités sont limitées à une semaine de salaire par année d’ancienneté. En Italie, le CDI à protection croissante pensé par Matteo Renzi facilite le licenciement pendant les premières années. En Espagne, les employeurs peuvent revoir les conditions de salaire et de travail en cas de difficultés économiques.
Pour que la prochaine réforme du droit du travail ne soit pas une occasion manquée de plus dans la lutte contre le chômage, nous devons passer la vitesse supérieure, en particulier sur 4 thèmes, qui sont autant de tabous pour cette majorité : le temps de travail, le contrat de travail, la couverture syndicale et le salaire minimum. Je propose par conséquent l’assouplissement des conditions de rupture du contrat de travail afin de favoriser l’emploi dans les TPE et PME, la suppression pure et simple des 35 heures à travers la mise en place d’accords d’entreprises, l’engagement d’une réflexion pour améliorer la démocratie sociale et la fixation d’un salaire minimum branche par branche.
Avant la reculade, je saluais une volonté louable de préciser les motifs du licenciement économique et de plafonner les indemnités aux prud’hommes suivant un barème fondé sur l’ancienneté. Cela devait permettre de limiter le coût des licenciements et de dynamiser l’embauche. Ne nous arrêtons pas là : avançons vers la mise en place d’un contrat de travail unique, qui aurait l’intérêt de mettre fin à la précarité du CDD pour les salariés et à la rigidité du CDI pour les entreprises.
Par ailleurs, il était proposé d’assouplir la fixation de la durée du travail et de consacrer le principe selon lequel toute heure de travail effectuée au-delà de 35 heures ouvre droit à majoration, dont le montant serait fixé par un accord. Il faut aller plus loin ! Puisque les Français acceptent d’ores-et-déjà de travailler plus de 35 heures par semaine – comme le reconnaît le premier ministre – pourquoi s’obstiner à leur imposer une durée légale inférieure ? Fixons dans la loi une durée maximale du temps de travail et laissons la question de son organisation – et notamment du déclenchement des heures supplémentaires – à la négociation collective, seule à même de définir le juste équilibre entre performance économique et épanouissement personnel.
En outre, un accord d’entreprises devrait être approuvé par des syndicats ayant recueilli au moins 50% – et non plus 30% – des suffrages exprimés lors des élections professionnelles. Ça ne sera hélas pas suffisant. Notre pays compte en effet 1,8 million de travailleurs syndiqués, soit 8% seulement de la population active – là où le taux de syndicalisation moyen dans l’Union européenne avoisine les 25%. Dès lors, les salariés se voient imposer des négociations auxquelles ils n’ont pas participé… Rappelons pourtant qu’il existe une corrélation positive entre le taux d’emploi, le taux de syndicalisation et des relations professionnelles coopératives. Nous devons donc accroître les incitations à la syndicalisation afin de faire naître des adhésions qui légitimeraient la démocratie sociale.
Enfin, la question de la rémunération, et notamment celle du salaire minimum, n’est pas abordée dans l’avant projet de loi. Alors qu’il existe encore des inégalités salariales élevées entre secteurs d’activités, osons instituer un salaire minimum branche par branche.
Dix articles audacieux suffiraient à poser les contours d’une loi réussie, concise et claire. Il ne reste plus qu’à espérer que le gouvernement ne cède pas face aux pressions de sa majorité, alors que les arbitrages ministériels n’ont pas encore été rendus. La France n’a pas besoin d’un nouveau coup de communication mais d’une réforme courageuse du droit du travail.