06.01.2021

Hervé Morin : Véran a échoué sur les masques, les tests et le vaccin

INTERVIEW. Le président de Normandie tire à boulets rouges sur la lenteur du plan de vaccination et propose que les collectivités locales prennent le relais.

Hervé Morin, président de la région Normandie déjà en première ligne pour dénoncer les incohérences des confinments et couvre-feux décidés sans concertation dresse le constat accablant de ces dernières semaines. Et désigne un responsable : Emmanuel Macron lui-même.

Le Point : Comment expliquez-vous le retard pris par la France en matière de vaccination ?

Hervé Morin : Le retard est lié au poids d'une bureaucratie envahissante qui finit par considérer que la méthode est plus importante que l'objectif. Or l'objectif devrait être simple, vacciner un maximum de monde dans un minimum de temps pour trois raisons : la première, chaque jour de retard, ce sont des morts en plus ; la seconde, plus on repousse l'immunité collective, plus on déclassera l'économie française quand sonnera l'heure de la reprise mondiale ; enfin, il y a un objectif social qui est celui de retrouver notre mode de vie et donc de retirer cette chape de plomb qui pèse actuellement sur le pays, de plus en plus insupportable.

À qui la faute ?

Après les échecs successifs sur les masques, les tests, le déconfinement, désormais celui sur les vaccins. On pouvait avoir l'excuse de l'absence de connaissance approfondie du Covid-19 sur les masques, on pouvait avoir l'excuse de nouvelles procédures sur les tests… Mais, sur les procédures vaccinales, que nous connaissons depuis plus d'un siècle, difficile de trouver un alibi. Derrière cela, il y a la centralisation et le manque de confiance envers ceux qui peuvent déployer des trésors d'ingéniosité et des capacités de mobilisation massives pour développer la vaccination.

D'ailleurs, la duplicité du chef de l'État, en faisant connaître à grand renfort de publicité dans les médias sa colère, est assez extraordinaire. Tout est décidé par lui et ses équipes. Tout passe par les moulinettes des collaborateurs de Matignon et de l'Élysée. Tout est décidé jusque dans le détail au sein du conseil de défense. Et, désormais, la lenteur serait de la faute des autres alors que c'est l'excès de bureaucratie et de centralisme qu'il a orchestré qui crée l'impuissance.

Faut-il revoir le protocole de vaccination, particulièrement le recueil du consentement ?

Ce vaccin étant un vaccin, la procédure doit être la même que pour tout autre. Le fait d'adopter une procédure particulière génère de l'inquiétude puisqu'on crée de la suspicion en appliquant un modèle complètement dérogatoire. Ce modèle bureaucratique est totalement hors sol : le consentement avec délai de rétractation, la consultation prémédicale, le consentement des descendants pour les personnes âgées en EPHAD incapables de consentir par elles-mêmes et bien sûr une gestion administrative

dans laquelle on oublie une nouvelle fois de mobiliser les professionnels de santé dans leur ensemble : professions libérales, médicales, paramédicales et les retraités qui pourraient venir en appui. Je rappelle tout de même qu'il y a 50 000 généralistes en France qui réalisent une vingtaine de consultations par jour, c'est un facteur puissant pour favoriser une vaccination de masse. Tout cela a été oublié et enfin, comme d'habitude, on a oublié les collectivités locales.

Nous, les régions, nous sommes prêtes.

Olivier Véran et Alain Fischer «le Monsieur Vaccin» du gouvernement, doivent-ils revoir de fond en comble leur stratégie ?

Oui, il faut le faire, il faut s'appuyer sur les collectivités locales. Je trouve ahurissant de ne pas s'appuyer sur les territoires. Les régions, les départements et les communes seraient en capacité de bâtir en quinze jours un modèle extrêmement opérationnel. Quand les chefs d'entreprise en Normandie ont indiqué qu'ils n'avaient pas de masques en mars et qu'ils ne pouvaient pas reprendre leurs activités, la région en a commandé 4 millions qui ont été distribués en moins de huit jours. Certes, le vaccin, c'est plus compliqué, mais nous avons tous les moyens pour mettre en œuvre rapidement une vaccination la plus large possible. Nous, les régions, nous sommes prêtes. Nous avons les locaux, les transports, un dialogue quotidien avec les organisations professionnelles et les ordres médicaux. Nous pourrions ainsi bâtir en quelques jours un système dans lequel chacun de nos compatriotes qui souhaite se faire vacciner puisse le faire autant qu'il y a de doses. Si nous en avions la possibilité, la région Normandie achèterait des vaccins et organiserait sa proprre campagne de vaccination en tenant compte évidemment des priorités sanitaires. Je continue à me demander comment, alors que 500 000 doses ont déjà été livrées à la France et que 500 000 nouvelles le seront cette semaine, on peut se retrouver avec un bilan aussi pitoyable. Dans quel état est notre pays, alors que nous sommes l'un des pays les plus administrés, avec un niveau de dépense publique le plus élevé au monde, pour que nous ne soyons même pas en capacité d'organiser une campagne de vaccination ?

Olivier Véran est-il encore légitime et crédible comme ministre de la Santé ?

La responsabilité est plus globale que celle de Véran, même s'il restera dans la mémoire collective comme celui qui aura échoué sur les masques, les tests et désormais le vaccin. En vérité, quand je vois ce fiasco général, je me dis que c'est la « 7e compagnie » qui combat la Covid-19 avec Pithivier en Véran et le chef Chaudard à l'Élysée…

(Interview réalisée par Jérome Béglé, publiée le 5/01/21 dans Le Point)

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