01.10.2020

Discours Hervé Morin - Forum mondial Normandie pour la Paix - 1er octobre 2020

Discours d'Hervé MORIN

« Forum Mondial Normandie pour la Paix »

Abbaye aux Dames - Caen

Jeudi 1er octobre 2020 

(seul le prononcé fait foi)

Mesdames et Messieurs, 

Cela fait maintenant trois ans que Normandie pour la Paix a été créé et je dois vous dire que j’éprouve toujours la même émotion au moment d’ouvrir cette nouvelle édition.

Émotion parce que nous traitons durant ces deux jours des enjeux parmi les plus graves de l’existence humaine : la vie, la mort, le don de soi, les bouleversements des équilibres naturels, les déplacements de populations, les atteintes aux droits de l’homme et de la femme, les menaces sur la démocratie.

Émotion à cause des visages que je vois dans cette salle. D’habitude j’ai en face de moi des vétérans qui côtoient de jeunes élèves de notre académie. Les derniers témoins du 6 juin ne sont pas avec nous aujourd’hui, compte tenu des risques qui étaient trop grands pour leur santé. J’imagine bien qu’ils étaient prêts à braver le virus car quand comme eux on a débarqué à Omaha ou Utah sous le feu des mitrailleuses et qu’on en a réchappé, on doit se dire que ce n’est pas cette menace virale qui vous enlèvera la vie. En tous cas nous pensons très fort à eux et à leurs familles. 

Mais les jeunes eux sont là. En tous cas il me semble. Levez la main les élèves !!! Vous pouvez même vous applaudir.

Vous voyez, Normandie pour la Paix c’est votre événement. Vous en êtes les dépositaires. Vous êtes les héritiers de nos vétérans, de ces gamins pas beaucoup plus vieux que vous qui, un matin de juin 44, sont venus sur nos plages pour libérer notre pays et l’Europe. Des milliers y ont trouvé la mort et beaucoup aussi, heureusement, ont survécu pour ensuite raconter le courage extraordinaire de leurs camarades mais aussi transmettre un message de liberté et peut-être plus encore de responsabilité. 

 

Comme la flamme de la Résistance, vous devrez faire en sorte que la flamme des héros de 1944 ne s’éteigne jamais. 

Oui, les vétérans comptent sur toi Margaux, sur toi Théo, sur toi Fatoumata. Oui John, Michael, Jeff ou Kerry, tous ces héros anonymes, comptent sur vous tous qui êtes ici présents. Ils savent que grâce à vous, ils resteront vivants, debout comme ces milliers de croix blanches du cimetière de Saint-Laurent. 

Emotion donc de prendre la parole devant vous à cette occasion mais aussi fierté.

J’ai été élu président de la région Normandie réunifiée il y a un peu plus de cinq ans. Et avec mon compère François-Xavier Priollaud, l’une des grandes fiertés de notre mandat, c’est Normandie pour la Paix et le Prix Liberté. Camus disait : « La paix est le seul combat qui mérite d’être mené ».

Ce combat que j’ai souhaité mener à travers Normandie pour la Paix, nous l’avons mené tous ensemble et nous pouvons en être fiers.

Chaque année, notre forum est plus grand, plus fort, plus nourri, plus mondial. Avec toujours plus d’invités, d’ateliers, de débats... Je remercie l’ensemble de nos partenaires médias très impliqués dans le programme de ces deux journées. 

Après nos grands Normands, après Tocqueville, Bernardin de Saint Pierre et son traité de paix perpétuelle, Aristide Briand le « pèlerin de la paix », après Mendes France le « décolonisateur », nous avons voulu nous aussi avancer sur le chemin de la paix qu’ils avaient tracé. Nous l’avons à notre tour pavé pour que les générations à venir puissent l’emprunter et poursuivre sur la même voie.

Même cette année, malgré la crise sanitaire, Normandie pour la Paix est là. Nous avons adapté l’évènement aux règles sanitaires, mais pour rien au monde nous n’aurions déclaré forfait. Il n’y a pas d’année blanche pour construire la paix.

Merci donc aux organisateurs et aux participants du forum mondial Normandie pour la Paix.

Merci de ce travail accompli dans des conditions évidemment très particulières. Vous n’avez rien lâché parce que Normandie pour la Paix ça compte aujourd’hui.

Merci enfin à la centaine d’agents de la Région qui participent à la réussite de cet événement et à la Direction des affaires Européennes et internationales emmenée par Julie Miclot.

La Normandie était connue comme un haut lieu par qui la paix était revenue à travers la guerre. Nous sommes en passe d’être reconnus comme un haut lieu où l’on travaille et réfléchit à la construction de la paix. 

Cette année, vous avez constaté que le thème de nos travaux porte notamment sur les nouvelles menaces, les menaces climatiques, sociales et technologiques notamment. Toutes ces externalités négatives d’une croissance trop souvent irrespectueuse de l’homme et de l’environnement. Ce travail sur les menaces est une thématique totalement en ligne avec notre objectif de départ, objectif qui n’a jamais varié : comprendre la guerre pour mieux construire la paix. 

 

Quelques mots si vous le permettez sur l’un des sujets que nous allons traiter : les menaces liées à l’environnement. La menace climatique, on le sait, est un sujet tout à fait crucial. C’est un truisme.

Il n’y a que Donald Trump pour ne pas les voir. C’est peut-être parce que la visière de sa casquette rouge est un peu trop baissée et lui gène la vue. 

 

De son côté, la Région Normandie est totalement mobilisée sur ce sujet à travers la création d’un GIEC normand composé des plus grands chercheurs de notre région qui rendront en décembre les résultats de leurs travaux qu’ils mènent depuis un an desquels nous tirerons tous les enseignements pour bâtir la Normandie de demain.

Les phénomènes climatiques violents, la ressource en eau qui diminue, le désert qui gagne chaque jour ; avec bien sûr derrière ces catastrophes climatiques, des populations.

Depuis 2008, on estime qu’en moyenne 24,6 millions de personnes ont été déplacées chaque année à cause des phénomènes climatiques soit deux à trois fois le nombre de déplacements liés aux conflits armés et à la violence. C’est comme si un tiers des Français devait quitter son lieu de vie chaque année ! J’ajoute que ces peuples qui souffrent du dérèglement climatique sont les moins responsables de ce dérèglement et qu’ils sont souvent les plus pauvres. 

La moitié de la population vivant dans ce qui est appelé les Zones côtières basses, celles qui risquent la submersion, appartient aux pays les plus pauvres du monde. 

Femmes, enfants, groupes autochtones forcés de quitter leur foyer, leur lieu de vie : voilà le coût humain et l’injustice profonde du changement climatique. Ces « climato- déplacés » sont et seront les nouveaux damnés de la terre.

Ils perdent leur sécurité mais plus encore ils sont coupés de leur culture, parfois de leur civilisation. Les nouveaux « harkis du climat » doivent trouver une nouvelle terre, un nouveau toit, attendus par personne, souhaités par personne, bien souvent rejetés comme indésirables.

 

De là peut naître le conflit, intérieur et civil si c’est au sein d’un même pays ou interétatique si les réfugiés climatiques ont passé la frontière. Guerre civile dans un premier temps mais qui amène ensuite la participation au conflit des États voisins et enfin celle des grandes puissances. On va très vite du local au régional et du régional à l’international, du déplacement pour raison climatique au conflit militaire voire aux persécutions ethniques.

Même si les causes sont multiples, le Darfour est un bon exemple. 

Les pâturages se transforment en désert, les puits s’assèchent et les sociétés pastorales sont forcées de se déplacer, se disputant avec les communautés agricoles l’accès et le contrôle aux pâturages et aux points d’eau.

Au-delà de la lutte contre le réchauffement climatique et le respect des accords de Paris et derrière cela l’ardente obligation du multilatéralisme, un sujet est à régler :

- C’est d’aboutir à un statut de réfugié climatique puisque nous en aurons plusieurs centaines de millions d’ici 2050. La convention de Genève ne considère pas les déplacés environnementaux comme des demandeurs d’asile car personne ne les persécute. Il faut très vite combler ce vide juridique qui empêche ces nouveaux déplacés d’être accueillis dignement et légalement. 

Les colibris de l’environnement sont aussi les colibris de la paix. 

L’exemple de la menace environnementale montre que la sécurité au sens classique du terme ne suffit pas à garantir la paix. Je suis même convaincu que les dépenses militaires en forte croissance ne sont pas le meilleur moyen des nations qui investissent tant et tant dans l’armement pour garantir leur tranquillité.

La sécurité doit obligatoirement se conjuguer avec le développement durable, avec la santé, le respect des structures sociales ancestrales facteur de stabilité.

Nous devons les encourager à investir dans le savoir, lutter contre l’ignorance, plus que sur le feu nucléaire, sur les écoles et les universités plus que sur les camps militaires.

Voici pourquoi, les jeunes sont au premier plan de Normandie pour la Paix, ces deux jours de conférences et d’ateliers n’étant que la partie immergée d’un travail mené tout au long de l’année avec leurs enseignants que je salue et remercie également. 

 

Nous accueillons aussi une invitée de renom, Barbara Hendricks. C’est un très grand honneur pour nous de l’accueillir comme artiste bien sûr, marraine du Prix Liberté, mais aussi comme défenseuse de la cause des femmes. 

Le concert qu’elle a donné hier au profit des soignants qui mènent le combat du Covid­19 a été je crois un grand moment dont nous nous souviendrons longtemps. Merci à elle.

 

La situation des femmes sera l’un des temps forts de nos débats. Les conflits étant de plus en plus intérieurs et civils, les femmes sont par dizaines de centaines – peut-être de milliers – des victimes parfois invisibles, souvent silencieuses de ces guerres. Il était important de braquer les projecteurs sur leur situation et je me félicite que la lauréate du Prix Liberté soit à nouveau cette année une femme engagée pour les droits humains.

Les femmes sont victimes mais elles font aussi bouger le droit et les constitutions pour plus de démocratie comme en Tunisie, en Jordanie ou en Algérie. Chacun sait à quel point si la Tunisie n’a pas sombré c’est beaucoup grâce à la place des femmes dans la société tunisienne.

C’est le sens du combat porté par le Docteur Denis Mukwege, Prix Nobel de la Paix 2018, que nous avions eu l’honneur d’accueillir l’année dernière ici-même. Permettez-moi d’avoir pour lui une pensée toute particulière alors que sa vie est de nouveau menacée depuis qu’il a dénoncé cet été la poursuite des massacres en RDC.

 

Après ces quelques mots, place désormais aux débats et aux échanges.

 

Vive la Normandie, vive la France, Vive le monde et vive la paix.

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