LE FIGARO. - Quelle analyse faites-vous des rapports entre Emmanuel Macron et les régions ?
Hervé MORIN. - Ils révèlent un immense gâchis et une grave erreur. Lorsqu’il était candidat à la présidentielle, Emmanuel Macron promettait une approche moderne du pouvoir reposant sur la fin du centralisme et de la verticalité. Il vantait l’horizontalité comme facteur d’innovations et de richesses et la modernisation des relations sociales par le dialogue. Or, depuis trois ans, le chef de l’État et le gouvernement créent les conditions pour empêcher la confiance entre les collectivités et l’État par un excès de centralisation. Cela freine la transformation du pays car si l’on veut donner de la réactivité aux pouvoirs publics, favoriser l’intelligence collective et restaurer - je dis bien restaurer - la démocratie, cela passe, comme on l’observe chez nombre de nos voisins, par davantage de pouvoirs de proximité. Les déboires de la gestion de la crise sanitaire ont montré les limites du système centralisé et bureaucratique.
Après cette crise inédite, le président peut-il changer ?
Je n’y crois plus et de toute évidence, lui qui fait appel au général de Gaulle n’a pas son inspiration de 1969 ! À l’époque, après un besoin d’État central pour la reconstruction du pays, de Gaulle expliquait que la place était à la régionalisation et non plus à la centralisation jacobine. Emmanuel Macron nous avait déjà promis un changement au moment des «gilets jaunes» mais ses promesses n’ont été suivies d’aucun acte, sinon d’une vague loi qui n’est pas à la hauteur des enjeux.
La situation économique des collectivités régionales ne les expose-t-elle pas à un contrôle plus serré de l’État ?
Nous verrons quel sera l’état d’esprit de l’exécutif face à l’équation financière des collectivités en 2021. Nos recettes s’effondrent. Nos dépenses explosent à cause de la crise liée au Covid-19. Et nous, contrairement à l’État, nous sommes tenus à l’équilibre budgétaire. Si l’État veut nous vassaliser complètement, il lui suffit de nous étrangler financièrement. Quand un pouvoir perd la main, il est susceptible de commettre de telles erreurs.
Quel sera l’enjeu politique des régionales ?
Ces élections pourront être un tremplin pour un président de région candidat putatif à la présidentielle. Elles peuvent aussi révéler la fin de certaines illusions et l’élimination d’éventuels rivaux pour le chef de l’État. Mais un échec des listes En Marche! aux régionales compliquerait encore un peu plus la candidature d’Emmanuel Macron en 2022. «
Un chef ne doit pas parler en permanence, à tort et à travers», ni «se préoccuper de sa popularité». En citant de Gaulle, Xavier Bertrand vient de signer une tribune au vitriol.
C’est exactement ce que disait Emmanuel Macron en parlant de François Hollande, en 2017.
© Source : Emmanuel Galiero du Figaro.