Tribune de notre députée européenne Nahtalie Colin-Oesterlé sur les atermoiements d'Emmanuel Macron sur l'ouverture des négociations pour l'élargissement de l'Union européenne en pleine crise du Covid-19.
À l’heure où l’Union européenne connaît la plus grande crise sanitaire de son histoire, son avenir est toujours l’objet d’intenses débats. Le dernier en date concerne la possibilité d’élargissement de l’UE à l’Albanie et la Macédoine du Nord.
Il y a quelques mois, lors de la campagne pour les élections européennes, la tête de liste En Marche soutenue par Emmanuel Macron affirmait bec et ongles son opposition à l’ouverture de toute nouvelle négociation d’adhésion. Plus récemment encore, en octobre dernier, le Président de la République justifiait également cette orientation pour des questions de forme, faisant de la réforme de la procédure d’adhésion un prérequis nécessaire à toute inflexion de la position française.
Il s’agissait, pour la France, de rendre réversible ce processus afin qu’il puisse être remis en cause à tout moment. Depuis, ce souhait a été entendu, entraînant ainsi un virage à 180 degrés du Président de la République.
Pourtant, cet énième reniement ne peut occulter le fond. En effet, alors que sur certains sujets comme celui, crucial, de la santé, il est déjà difficile d’harmoniser les politiques des 27 États membres, la question de l’élargissement de nos frontières pose question.
Il me semble en premier lieu incompréhensible que les ministres des Affaires européennes aient approuvé, avec la voix de la France, en catimini et en pleine crise du COVID-19 l’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE de la Macédoine du Nord et de L’Albanie. Cette attitude est le signe d’une inquiétante déconnexion de la réalité.
Par ailleurs, le revirement d’Emmanuel Macron sera bien difficile à justifier, alors même qu’il s’interrogeait il y a encore quelques mois sur la situation paradoxale de l’Albanie, pays reconnu suffisamment sûr pour intégrer l’UE, mais restant l’un des plus pourvoyeurs de demandeurs d’asile en France ! Ce en « même temps », si cher au Président se révèle une nouvelle fois inaudible et complément contre-productif.
Au contraire, si nous voulons renforcer politiquement, économiquement et diplomatiquement l’Union européenne, nous devons être clairs et cesser tout élargissement. C’est la bonne décision à prendre, au risque de rester l’espace de coopération et de libre-échange certes le plus intégré au monde, mais trop hétérogène pour parler d’une même et unique voix.
« L’Europe ? Combien de numéros de téléphone ? » avait l’habitude de moquer l’ex-secrétaire d’État américain, Henry Kissinger.
Deux de plus dans l’annuaire européen ne renforcerait pas l’unité dont nous avons pourtant tant besoin aujourd'hui.