02.10.2019

Discours d'Hervé Morin - Congrès de Régions de France 2019 - Version écrite

 

Retranscription du discours de
Monsieur Hervé Morin,
Président de Régions de France, de la Région Normandie et de Les Centristes,
Au congrès de Régions de France 2019
Mardi 1er octobre, Bordeaux

Seul le prononcé fait foi.

 

Monsieur le Premier ministre,

 

Nous sommes très heureux de vous accueillir à Bordeaux. Permettez-moi de dire à ma vieille et jeune copine Jacqueline Gourault, compte tenu de notre passé commun, que nous aimons la qualité de la relation que nous avons avec elle, sa capacité d'écoute. Elle est peut-être une peu rugueuse mais je dois lui dire que nous sommes heureux qu'elle soit la ministre avec laquelle nous discutons tous les jours. Merci Jacqueline pour le travail que nous faisons ensemble.

 

Monsieur le Premier ministre, le thème du congrès de cette année c'est « ma région agit pour moi ». Et je voudrais, tous les congressistes le savent, dire aux journalistes de relayer à quel point nous agissons tous les jours et chaque instant de la vie de nos compatriotes, bien sûr aux côtés des communes et des départements. Je voudrais prendre quelques exemples. En Normandie, il y a quelques semaines, j’inaugurais un CFA de maintenance industrielle à Vire souhaité par un bassin économique extrêmement performant et qui rencontre une vraie problématique qui est celle de trouver les qualifications et les compétences. J'en profite pour dire que ce CFA a bien entendu a besoin du soutien de la Région, à la fois pour sa création mais aussi pour son financement puisque le prix national ne correspond pas aux effectifs dans une zone rurale. En Guyane, on a su mettre en place un système de formation des demandeurs d'emploi vers les métiers agricoles permettant à ces demandeurs d'emploi de pouvoir exploiter les terres qui leur sont confiées. En Martinique, on a mis en place un dispositif qui s'appelle Chrysalide pour permettre à des chômeurs éloignés de l'emploi de pouvoir aller vers l'entreprenariat.

 

En Bretagne. 1 400.000 prises sont aujourd'hui en cours d'installation à travers un immense plan de déploiement de la fibre optique quand dans le même temps, dans la Région Grand Est, on met en place le lycée 4.0 permettant notamment à l'ensemble des jeunes de cette région de pouvoir bénéficier de 115 000 ordinateurs facilitant l’accès à l'enseignement via le numérique. Et dans le même temps là aussi, sur la fibre optique, la Corse décide d'équiper aussi son territoire en installant 160 000 prises. Je peux continuer avec les autres régions : les Pays de la Loire ont créé un label permettant aux exploitants agricoles de pouvoir démontrer qu’Agriculture et développement durable, ça marche ensemble. La Région Centre finance un système de bus permettant aux zones rurales de pouvoir bénéficier du cinéma.

 

Et puis pour n'oublier personne, on pourrait évoquer l'Occitanie qui est en train de développer une politique massive en faveur de l'orientation quand dans le même temps, la Région Sud a su bâtir un nouveau modèle autour d’une COP d’avance en transformant ses politiques à partir d'une problématique qui est celle du réchauffement climatique.

 

Pardon à celles et ceux que je n’ai pas cités. Je souhaitais simplement pour vous dire que, tous les jours, les Régions agissent pour nos compatriotes et pas simplement pour des structures. Tous les jours, nous portons une partie de la transformation du pays, chacun avec sa sensibilité politique, chacun avec bien entendu son modèle. Et quand Alain Rousset évoque les questions économiques, j'ai encore en mémoire, lorsque j'étais ministre de la Défense et que je venais souvent dans la Région Aquitaine visiter des entreprises de la défense ou de l'aéronautique, cette tristesse -car il était dans l'opposition et moi j'étais dans la majorité- d’entendre des chefs d'entreprise me dire « honnêtement il est socialiste mais c'est un super bon Président de Région quand il s'agit de soutenir ses PME et ses ouvriers ».

 

On a tous en nous la volonté de porter nos territoires et on sait qu’en portant nos territoires, on portera une peu de la transformation et de la réussite du pays. Parce que derrière tout ça, monsieur le Premier ministre, il y a un sujet majeur : Nous avons des défis immenses que je vais résumer en quelques mots.

 

Tout d’abord, le défi démocratique. Aujourd'hui, plus personne n'a confiance en la parole publique. Nous évoquions cela tout à l’heure en parlant du drame et de l'accident de Lubrizol. Le sujet c'est que personne ne croit en ce que nous disons, que nous soyons politiques ou autorités administratives. Il y a donc la nécessité de rétablir la confiance entre les dirigeants et le peuple français. Il y a bien sûr également le défi climatique et environnemental. Et il y a, bien sûr, le défi économique. Certes la France va mieux, certes des centaines de milliers d'emplois sont non-pourvus. En même temps je continue à avoir des taux de chômage de 15, 16, 17% dans des bassins d'emploi où il est bien compliqué de ramener nos compatriotes vers le travail, vers une qualification ou une compétence.

 

C'est pour cela que nous demandons le changement de modèle. Parce que face à ces trois défis, nous estimons qu'une partie de la réponse appartient à nos territoires. On ne le fait pas pour nous, ce n'est pas une question de pouvoir. On le fait parce qu'on sait que les pays qui se sont engagés dans cette démarche ont eu des résultats. François Baroin a évoqué en quelques mots - je le disais à Jacqueline à l'instant - la France, qui est le pays d'Europe avec le niveau de dépenses publiques le plus élevé de l'OCDE, est le pays où la dépense publique issue des territoires est la plus faible. Si on prend les pays de l'Union européenne la moyenne est à plus de 35%. Nous sommes à 20%. Mais quand on regarde les pays qui marchent, ce sont des pays qui ont une très grande part de leurs dépenses publiques décentralisée. L'Allemagne c'est 40 à 45%. Le Danemark c'est 60%, la Suède, c’est 60%. La Belgique, c'est 50%. Si ces chiffres-là ne suffisent pas pour en faire une équation, prenons au moins en compte les études économiques qui ont été menées, pas par l’AMF, l’ARF ou l’ADF, mais par des organismes aussi sérieux que l'OCDE. Ils démontrent une corrélation scientifique économique, économétrique entre décentralisation et développement et croissance.

 

Deux études ont été menées à trois ans d'intervalle et les deux ont démontré que les pays les plus performants étaient des pays décentralisés et massivement décentralisés. J’ai encore en souvenir les mots de l'ambassadeur d'Allemagne le 5 juin dernier lors d’un dîner organisé en présence de Jean-Yves Le Drian à Caen à l’occasion du forum mondial Normandie pour la paix que la Région. « Mais il n’y a que la France qui n’a pas compris qu’il fallait être décentralisé pour que ça marche ». Et bien l'appel de Bordeaux, c'est celui-ci : construisons ensemble un pays qui marche, qui fonctionne, qui avance, qui progresse, qui innove, qui est capable de porter à travers l'expérimentation la transformation du pays !

 

Ce pari de la confiance, nous le voulons vraiment monsieur le Premier ministre. Je le disais la semaine dernière à l’un de nos interlocuteurs de l'Elysée – Alexis Kohler pour ne pas citer son nom-, « je ne comprends pas pourquoi on continue à ne pas bâtir ensemble le projet décentralisateur que nous voulons -vous me le dites, nous vous le disons-. Oui il y aura des élections en 2022. Mais avant 2022, il y 2020, il y a 2021 et nous voudrions qu’en 2020 et en 2021, le pays puisse progresser, que la France puisse réussir. Ce que nous demandons à travers ce congrès, ce que nous demandons à travers Territoires Unis, c'est de jouer la carte de la confiance entre les territoires et l'État. Je l’indiquais à un nouveau ministre qui est présent ce matin : nous ne sommes pas des opérateurs de l'État. François Baroin l’a dit à sa façon. Nous avons notre légitimité politique propre. Nous avons été élus au suffrage universel et notre bulletin de vote vaut aussi cher que celui des autres. Nous ne sommes pas les opérateurs de l'État mais nous avons envie de construire avec l'État et voilà les pistes vers lesquelles je vous propose que nous allions ensemble.

 

Tout d'abord s'inspirant de l'Allemagne – je sais que nous ne sommes pas un pays fédéral. Il serait utile qu'il y ait, à raison d'une fois par trimestre, des comités État-Régions où nous puissions bâtir et réfléchir ensemble, à partir de nos grandes fonctions planificatrices et de coordination, à des éléments de politiques communes ou à des constructions communes ; où nous soyons en mesure aussi, lorsqu'il y a des crises de pouvoir apporter chacun à notre façon –et d’ailleurs avec les autres territoires- des réponses appropriées. Lorsqu’il y a la question du véhicule électrique et du plan batterie, et bien nous sommes heureux de nous retrouver face à Bruno Le Maire pour évoquer ces sujets. Il serait utile que nous puissions bâtir un modèle dans lequel État et Régions, à raison d'une fois par trimestre autour de vous-mêmes ou parfois autour du chef de l'État, que nous puissions à partir d'un observatoire et des indicateurs extrêmement précis –qui serait un travail permanent- bâtir des politiques que nous pourrions contractualiser au nom des Régions et de l'État, au-delà de la seule question du contrat de plan.

 

Par ailleurs, Monsieur le Premier ministre, il nous faut simplifier notre dispositif et nos systèmes tels qu'ils ont été bâtis par la loi NOTRe. Quand on évoque la question de la réduction de la dépense publique, cette question est essentielle. On ne peut pas continuer -j'ai déjà eu l'occasion de le dire à plusieurs reprises- à avoir d'un côté l'État ayant des services déconcentrés qui se sont réduits comme peau de chagrin RGPP après RGPP, et de l'autre avoir des territoires -qui ont d'ailleurs recrutés des hommes et des femmes issus de services de l'État- qui ont bâti des services sur les mêmes thématiques avec des niveaux de compétence qui valent largement ceux de l'État. C’est un ancien fonctionnaire de l'état qui parle. Ça, ça ne peut plus marcher.

 

Si on veut faire des économies sur la dépense publique, au nom de la confiance que j'évoque, on doit considérer que dès lors qu'on a transféré la compétence, on arrête d'avoir des doublons entre services de l'État et services de la Région. Et j'en profite pour dire à la Cour des comptes, qui en effet appelle à un nouveau train de décentralisation dans son rapport - ce qui par ailleurs indique qu’au bout du compte on n'a pas été si mauvais que ça tout en ayant des transformations considérables menées notamment dans le cadre de la fusion des région- j'en profite pour dire à la Cour des comptes qu’il n’y a pas une seule structure publique ou privée qui est capable de faire des économies dès l’année N de sa réorganisation. Si on me cite une entreprise du secteur privé qui a fait des économies dès l’année N de la fusion de deux grandes structures, je demande qu’on me l’apporte. Ce que je sais en revanche c'est qu'après des surcoûts liés notamment à l'harmonisation des régimes indemnitaires, on est aujourd'hui en capacité de pouvoir procéder à un certain nombre de rationalisations et d'économies qui fait qu’au bout du compte ce sera une affaire gagnante : Les achats en fournitures sont moins chers ; on en a souvent profité pour remettre l'ensemble de nos personnels aux 1607 heures auxquelles ils n'étaient pas toujours soumis ; et on a procédé à toute une série de réorganisations qui au bout du compte produira des économies. Mais il y a un effet retard qu'il faut souligner. Donc cette réorganisation, ce nouvel acte de décentralisation, c'est aussi un facteur d'économies pour l'ensemble de la collectivité nationale. C'est un facteur d'efficacité comme je l'évoquais et pour nous les pistes, elles sont assez simples. Je vous les résume rapidement puisque vous les connaissez depuis plusieurs mois.

 

Tout d'abord sur l'économie comme l'a dit Alain Rousset, il faut achever la décentralisation du soutien à l'économie aux PME, aux ETI, à l'exportation. Quand la Région Réunion crée un fonds de fonds pour améliorer les fonds propres des collectivités, comme quand la région Normandie rentre dans le capital de l'entreprise, et bien on le fait pour améliorer le haut de bilan et on est capable de le faire sur des délais de réaction qui sont sans commune mesure avec ce produisent les arbitrages de l'État. Oui, il faut que les pôles de compétitivité soient en totalité transférés aux régions.

 

Second sujet que nous avons évoqué avec Élisabeth Borne et sa secrétaire d'État, sujet Monsieur le Premier ministre, qui relève d’un fatras absolument ahurissant, c'est bien les questions d'environnement et de développement durable. J'en profite pour vous suggérer, Monsieur le premier si vous me permettez cela, que l'État procède à une vaste clarification au sein de ses propres structures. Je l'ai dit aux différents membres du gouvernement et aussi au chef de l'État : il serait bon que les agences qui s'occupent d'environnement ne soient pas en pilotage automatique et que l'État puisse reprendre la main sur des structures qui aujourd'hui bien souvent donnent le sentiment d'être des structures extraterritoriales. Et c'est valable pour nous comme c'est valable pour le préfet de Région qui a bien du mal souvent à mettre la main sur des structures qui aujourd'hui ne sont pas forcément sous contrôle. Mais au-delà de cette nécessaire clarification, il faut que nous puissions procéder à quelque chose de simple : en vertu d'un principe qui serait celui de la subsidiarité, qui veut qu’il soit traité au niveau local en matière d'environnement et de développement durable pour qu’on soit efficace. Évitons de dire « on va vous transférer tel ou tel bout ». Au contraire, prenons chaque sujet chaque sujet et à chaque fois examinons-le en se disant « comment sera-t-il le mieux géré pour faire simple ? ». Je ne suis pas convaincu que la biodiversité puisse être gérée à partir de bureaux parisiens. L'économie circulaire, si on veut bien considérer que c’est de l’économie, que les régions ont les plans régionaux de déchets, que les régions sont en charge l'économie, devrait être une compétence complètement régionale. Le service public de la rénovation énergétique est un autre enjeu. C’est un vaste fatras là-aussi- avec -il n'y a personne dans la salle, on se parle franchement- des structures, Monsieur le Premier ministre, qui sont chargées de vendre vos produits et nos produits et qui, lorsque vous franchissez le pas de la porte, expliquent que ce qui est fait c'est mal foutu. Un service public de la rénovation énergétique qui soit confié au territoire avec une contractualisation avec l'État à partir d'objectifs communs et des politiques communes aurait du sens.

 

Les MAEC constituent notre grand malheur suite à l’arbitrage qui nous semble totalement contraire à la logique. Au moins, Monsieur le Premier ministre, dans les régions où un effort important a été effectué sur les budgets régionaux pour l'agriculture - et il y en a un certain nombre- au moins, et je parle sous le contrôle de Loïg Chesnais Girard qui s’est exprimé sur le sujet il y a quelques semaines- qu'on laisse à ces régions le soin de gérer la totalité du second pilier de la PAC quand elles ont démontré un attachement et une volonté considérables de mettre en œuvre des politiques qui ont tellement besoin d’être adaptées. Entre l'agriculture de Bretagne et l'agriculture d'Aquitaine, on n'est pas exactement sur les mêmes modèles et l’on voit bien qu’on a besoin de bâtir des systèmes qui sont co-construits avec les organisations traditionnelles à partir de problématiques liées à nos propres histoires.

 

Sur la formation, Monsieur le Premier ministre, troisième sujet, nous revendiquons François Bonneau, Alain Rousset, moi-même et peut être d'autres, qu'enfin on nous permette d'expérimenter la prise de contrôle sur le service public de l'emploi. Est-ce qu'un jour on va nous donner cette chance de pouvoir passer des consignes à des collaborateurs de Pôle Emploi sur de nouvelles méthodes pour s'adresser aux chômeurs dont nous avons la responsabilité ?

 

On ne demande pas de décentraliser Pôle Emploi. Nous avons très bien que cette idée-là provoquerait de tels remous. Cependant, qu’on nous donne l'autorité fonctionnelle pour être en capacité de faire en sorte que ceux qui financent des formations pour les demandeurs d'emploi soient en mesure de dire comment on va traiter les choses, comment on va faire en sorte que dans tel ou tel bassin d'emploi on puisse aller chercher celles et ceux qui aujourd'hui sont si éloignés de l'emploi. Je ne peux pas me satisfaire – je vais prendre un exemple normand Monsieur le Premier ministre- que près d'un emploi sur deux dans le bassin de Val de Reuil soit pourvu par des salariés qui viennent de la région parisienne avec des gens qui font la navette tous les jours parce que dans l'industrie pharmaceutique les niveaux de qualification et de formation demandés ne permettent pas de pouvoir donner un boulot à ceux qui vivent à Val-de-Reuil ou à Louviers.

 

Donc on a besoin de bâtir des modèles dans lesquels on nous laisse le champ de pouvoir intervenir. Je prends trois autres sujets pour terminer.

 

Le premier est le sport. Les trois collectivités -communes ou intercommunalités, Départements et Régions, financent à peu près 80% du mouvement sportif. Je trouve très justifié qu’il y ait des sujets dans ce domaine qui demeurent du domaine de l’État : la lutte contre le dopage, les très grandes structures telles que l’INSEP, les sportifs de haut niveau qui vont participer aux championnats du monde et aux Jeux Olympiques. Le reste mérite d’être totalement transféré aux collectivités compte tenu, en vérité, de la très faible capacité d'action des administrations déconcentrées au vu des volumes de crédits qui sont les leurs.

 

Sur le champ de la culture, immenses sont les structures que nous cofinançons, ministère de la Culture, régions et collectivités. Là aussi on pourrait procéder à des toilettages qui ne seraient pas absolument inutiles. Je sais très bien quelle va être la réaction du ministère de la culture, : Que l’on puisse confier aux « incultes et aux ploucs » que sont les élus locaux des champs de la politique culturelle sans qu’ils ne soient sous le contrôle de l'État est en effet quelque chose qui est assez compliqué à penser.

 

Mais en vertu de quoi les FRAC sont-ils cogérés par l'État et les Régions quand aujourd'hui ce sont les régions qui financent 70 ou 80% de leur fonctionnement ? Il y a sur le champ culturel des schémas de contractualisation extrêmement compliqués. Monsieur le Premier ministre, je prends un seul exemple : la loi prévoit que l'enseignement artistique supérieur puisse être confié aux collectivités. La Normandie en a fait la demande sous la houlette de Catherine Morin-Desailly il y a deux ans. La ministre de l'époque, Madame Nyssen, était venue signer une lettre d’intention en ce sens. Depuis plus rien. En bref, 75% des crédits accordés à la culture sont issus des collectivités. Il y a donc là un champ où on pourrait largement simplifier les choses et régler un certain nombre de points.

 

Et je termine par un point de détail - Dominique l’a évoqué - ce sont les gestionnaires des collèges et des lycées. Tout d'abord ce serait bien que les ministres en charge de ces questions n’évoquent pas des plans dont en vérité la mise en œuvre appartient totalement aux collectivités. On a eu cette conversation avec Jacqueline Gourault. Quand il est indiqué que l’objectif est de favoriser les filières courtes, le bio dans les lycées ou dans les collèges, je réponds tout d’abord que l’on n’a pas attendu un ministre pour pouvoir le faire et, en second lieu, que c’est ce sont nos collectivités qui le font parce que ce sont des structures qui relèvent de notre compétence.

 

Sur les gestionnaires des collèges et des lycées, il serait cohérent que ces hommes et ces femmes, dont l'essentiel de la responsabilité est de gérer nos crédits et nos personnels, soient sous l'autorité des Départements et des Régions. Quand moi je fais mon plan « je mange normand dans mon lycée » pour que 80% des produits consommés dans les cantines soient issus des filières courtes, là où le gestionnaire et le patron de la restauration ont joué le jeu, on le fait. Quand, toutefois, le gestionnaire a décidé de ne pas jouer le jeu, ça ne se fait pas. La logique serait donc que ces gestionnaires soient transférés aux collectivités pour simplifier largement l’organisation et le fonctionnement quotidien des collèges et des lycées.

 

Derrière tout ça, il y a là un socle et puis il y a ce besoin absolu qui celui d'aller vers une vraie différenciation. Cela ne va pas remettre en cause l'unité de la France. Ça ne va pas remettre en cause la place éminente de l'État dans l’imaginaire collectif du pays mais faisons en sorte qu’on puisse faire ces expérimentations. Ce que nous demandons à travers ce troisième acte de décentralisation, au-delà des problématiques que nous connaissons sur certains territoires comme le statut de la Corse, est que nous puissions avoir réellement des politiques différenciées territoire par territoire. Parce qu'il y a à la fois des priorités politiques, des problématiques de territoires qui sont différentes.

 

Monsieur le Premier ministre en fait, ce que nous demandons, c'est simplement ce qu'a décrit Fernand Braudel dans « L'identité de la France ». Braudel nous a enseigné une chose extrêmement simple. C'est que la construction de la France, c'est ce dialogue singulier entre cette aspiration en l’État et cette culture infinie de la diversité, de la culture infinie jusqu'à l’expression des territoires et de nos différences. Et bien c’est ce chemin-là que nous voulons mener ensemble. Pas l’un contre l’autre. Nous ne sommes pas vos ennemis, nous ne sommes pas contre l'État. Nous voulons simplement que la France et les Français réussissent. C’est tout. Je vous remercie

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