À l'occasion du centenaire de l'armistice qui vient de se dérouler, Raymond Nègre, fidèle adhérent du Nouveau Centre, tenait à nous faire part de son témoignage d'enfant d'ancien combattant qui a pu longuement discuter de cette période avec son père.
Quelques mots sur la guerre de 14-18
Les célébrations du centième anniversaire de la guerre de 14-18 sont terminées mais la grande oubliée de ces commémorations a été la cause principale de cette guerre : L’annexion par les Prussiens en 1871 de l’Alsace Lorraine. Une Nation qui veut être respectée ne peut pas accepter qu’un État voisin lui vole une Province. Elle est obligée de tout faire pour la récupérer, y compris la guerre...
Bon, la semaine de devoir mémoriel est passée. Les blessés, les invalides, les gueules cassées, leurs camarades morts au champ d’honneur vont hélas pouvoir retourner à l’oubli.
On peut se demander pourquoi un petit vieux de 75 ans s’exprime sur ce sujet, la réponse est assez simple, je suis le fils d’un combattant de la grande guerre. Quelques explications préalables sont nécessaires, pour lever le doute sur ce qui pourrait être que divagations d’un vieux con.
Mon Père est né en 1889 et je suis né d’un deuxième mariage alors qu’il avait 55 ans (car dans ces temps là, Monsieur, si les gens ne divorçaient pas, les veufs se remariaient). J’ai donc, enfant, accompagné mon Père aux cérémonies du 11 novembre et aussi au repas des anciens combattants, sans oublier le verre de l’amitié des médaillés militaires.
Qu’ai-je retenu de tout ça ? D’abord, mon Père était un engagé volontaire car lors de la déclaration de guerre en 1914, il avait 25 ans, vivait à Cuba, gagnait très bien sa vie et pour des raisons d’activités commerciales avait obtenu la nationalité cubaine. De plus, il avait vécu en Allemagne et connaissait très bien les Allemands et ne faisait pas de différence entre le peuple Français et le peuple Allemand. Un boulanger français ressemble beaucoup à un boulanger Allemand, de même qu’une mère Française ressemble beaucoup à une mère Allemande. Pour conclure sur ce sujet, il avait eu des amis et des amies en Allemagne.
Alors pourquoi s’était-il engagé volontairement pour la durée de la guerre ? Je lui ai, il y a bien longtemps, posé la question. Il m’avait répondu qu’à cette époque, "La France était un des pays du monde où on vivait le mieux » Un pays qui traitait le mieux ses enfants en matière d'éducation avec la possibilité d’accéder aux charges et fonctions les plus élevées (évidemment si on avait quelques savoirs et mérites) et aussi un pays où on payait très peu d’impôts.
Voilà, mon Père s’était engagé pour défendre un modèle de civilisation.
Sur la guerre, et sa conduite, j’ai retenu lors de ses conversations avec ses camarades anciens combattants (quand il avait un peu trop bu) qu’il n’arrivait pas à oublier ce jour de la première bataille de la Marne où, lors d’une contre offensive, il avait tué un jeune soldat Allemand d’un coup de baïonnette et il entendait encore ce pauvre garçon très jeune qui le suppliait : "Camarade ! Camarade !!!". Tuer lors d’un corps-à-corps un jeune type qui aurait pu être votre copain est beaucoup plus difficile à faire et à digérer que de larguer une bombe atomique à partie d’un B29.Il faut reconnaître sur ce point que la guerre a fait beaucoup de progrès.
En conclusion, mon Père pensait que si un Français peut avoir des amis Allemands, et vice versa, l’amitié ne peut pas exister entre deux États. Les rapports entre États reposent sur des intérêts et des conflits d’intérêts. Si les Prussiens ne nous avaient pas piqué une Province, cette guerre n'aurait pas eu lieu. Mon Père n’avait pas fait Science-Po, mais lui et ses potes disaient des choses sensées.
Pour conclure, au-delà des six ou sept blessures physiques qu’il avait subies, j’ai le souvenir d’un homme qui regretta toute sa vie d’avoir embroché un gamin avec les conséquences qu’on peut imaginer. Le jeune globe-trotter, énergique et distingué, doté d’un fort désir de réussite sociale, était devenu après quatre ans de guerre un homme cassé, brutal et passablement alcoolisé. Comme beaucoup de ses camardes de combat, la guerre l’avait dégoûté de la vie, et fait douter de tout.
Ma conclusion est que ceux qui déclarent les guerres ne sont pas ceux qui les font. Et qu’il faut tout faire pour éviter la guerre, et pour cela : Il faut qu’un pays soit bien armé et, lapalissade, qu’il ait des « soldats » et si possible des redoutables, afin de décourager les éventuels adversaires…….
Raymond Nègre.