Hervé Morin élu président de l'Association Régions de France
L'association Régions de France (RF) est l'institution de représentation des régions auprès des pouvoirs publics français et des institutions européennes. La RF a été créée en décembre 1998 pour répondre au besoin de concertation étroite ressenti par les présidents des conseils régionaux, les élus et leurs services. Ils ont souhaité mettre en commun les expériences vécues dans les régions. Régions de France regroupe 18 membres : 12 régions métropolitaines, la collectivité territoriale de Corse, et 5 collectivités d'outre-mer. Philippe Richert, ancien patron de la région Alsace-Lorraine-Franche-Comté, l'a présidée jusqu'à sa démission, le 30 septembre dernier. Ce poste n'est pas seulement honorifique, il fait de celui qui l'occupe le partenaire privilégié du gouvernement et de Bruxelles au moment de négocier les subventions et les aides que les régions peuvent obtenir de Paris ou de Bruxelles.
Ancien ministre de la Défense, président de la région Normandie depuis janvier 2016 et centriste compatible avec Emmanuel Macron, Hervé Morin devra batailler avec l'État pour que les dotations ne soient pas brutalement diminuées. Au risque de déstabiliser des collectivités locales responsables des lycées, des routes, des transports régionaux, de beaucoup d'institutions culturelles et d'une partie de la formation professionnelle ou des aides aux entreprises. Hervé Morin retrouvera comme principal interlocuteur, dans les discussions qu'il mènera pour renforcer le rôle, l'importance et l'utilité des régions, le Premier ministre Édouard Philippe, normand comme lui, longtemps maire du Havre et qu'il connaît bien. Il donne au Point sa première interview en tant que président de cet influent cénacle.
Le Point : Quelles sont vos priorités à la tête de l'association Régions de France ?
Hervé Morin : Cette élection est une grande marque de confiance de la part de mes collègues présidents de région, et une grande responsabilité dans la mesure où, compte tenu de leurs champs de compétence, les régions ont un rôle-clé dans le redressement du pays. Tout d'abord, je veillerai à préserver la cohésion et l'unité des 18 présidents afin de bâtir un « pack » des régions fort et puissant. Avec ensuite deux priorités : la première, rédiger un document politique sur notre vision de la gouvernance publique et du rôle respectif de l'État, des régions et des autres collectivités. Que ce document soit notre référence dans nos discussions, notamment avec le chef de l'État et son gouvernement, afin de leur démontrer que le redressement du pays passe aussi par les territoires. Ma seconde priorité, plus immédiate, sera de faire comprendre au gouvernement qu'il fait fausse route sur l'apprentissage en voulant le confier aux branches professionnelles. Et proposer par ailleurs à l'État que nous ayons la compétence exclusive sur la formation des demandeurs d'emploi.
Emmanuel Macron et le gouvernement d'Édouard Philippe ont-ils la tentation de minimiser le pouvoir des régions ?
Le gouvernement se trompe en pensant qu'il réglera tout de Paris et des ministères. Le modèle de l'État planificateur, de l'État stratège ne fonctionne plus. Il est devenu un monstre de lourdeur impuissant, une machine à réagir à l'actualité, à produire des annonces sans lendemain. Quand le gouvernement prend une décision, il se passe des mois, voire des années entre les réunions interministérielles et les fourches caudines de Bercy, avant qu'elle puisse être opérationnelle. Et bien souvent, la mesure qui aboutit n'est pas celle annoncée au départ. Les régions ont au contraire la capacité d'agir vite. Elles ont la fibre de l'innovation, de l'expérimentation et savent adapter les politiques au plus près des problématiques de chaque territoire. Les pays qui fonctionnent en Europe sont tous des pays où l'initiative et l'autonomie locales sont extrêmement fortes. Soit parce qu'ils sont fédéraux, soit parce qu'ils font une large place aux régions.
Dans quels domaines les régions pourraient-elles se montrer plus efficaces que l'État ?
Je le répète, le modèle de l'État en France est usé jusqu'à la corde. Les collectivités, quant à elles, ont la mécanique pour concevoir et mettre rapidement en œuvre des décisions. En Normandie, quand un chef d'entreprise a besoin de mon soutien, je sais prendre la décision et l'appliquer en quelques jours. L'État doit se concentrer sur ses compétences régaliennes et sur le régalien économique, et laisser pour le reste une large place à l'initiative locale.
Voilà près de deux ans que vous êtes président de la région Normandie. Quel premier bilan tirez-vous de votre mandat ?
En deux ans, nous avons remis à niveau ce que j'appelle les fondamentaux du développement de la Normandie : nous avons été capables de proposer une initiative complètement nouvelle sur les trains, qui sortira la Normandie du Moyen Âge ferroviaire en 2020, nous avons créé des outils simples et réactifs pour aider les entreprises, une agence unique de développement, un fonds d'investissement, un dispositif d'aides aux entreprises en difficulté, rebâti une carte des formations en fonction des besoins des entreprises, territoire par territoire, et accéléré la digitalisation de l'économie. Les résultats semblent être au rendez-vous : la Normandie est la région française où la baisse du nombre des défaillances d'entreprises est la plus forte, et celle où les intentions d'embauche sont les plus importantes, et où nous constatons une croissance du chiffre d'affaires des PME, selon l'ordre des experts-comptables.
Les régions souffrent-elles d'un manque de financement ou sont-elles encore trop dépensières ?
Les régions ont déjà fait un immense effort. Le plan de réduction de la dépense publique de François Hollande s'était traduit uniquement par des efforts des collectivités et de la Sécurité sociale. L'État a quant à lui été incapable de faire la moindre économie. Nous faisons des efforts de gestion quotidiennement quand l'État ne cesse de charger la mule, par des normes supplémentaires, par des compétences transférées sans moyens nouveaux ou encore en prenant des décisions sur la fonction publique, alors que nous ne disposons pas de la souplesse juridique nécessaire pour s'adapter.