Donald Trump n’a pas attendu très longtemps pour s’atteler à la mise en œuvre de certains engagements concernant la nouvelle politique étrangère des Etats-Unis : décret pour la réalisation d’un mur avec le Mexique, décret interdisant l’accès aux Etats-Unis aux ressortissants de 7 pays du Moyen-Orient – contesté depuis par des juges fédéraux –, soutien au Brexit britannique, etc...
Nous sommes nombreux à être sincèrement choqués par ces décisions et ces positions.
Nous aimions et respections Obama. A défaut de mieux, nous espérions Hillary Clinton. Sauf que Donald Trump a gagné.
La déception européenne est palpable. Mais, en matière de politique étrangère, l’émotion est rarement bonne conseillère et puisque nous devons faire avec ce 45ème Président des Etats-Unis, alors nous devons impérativement faire un effort de réflexion et de pragmatisme pour comprendre les racines profondes des positions de Trump, pour anticiper leurs conséquences en faisant le tri entre les coups de menton électoraux et les changements profonds de la politique amricaine en cours.
Au-delà du personnage bien peu aimable, en matière de politique étrangère Donald Trump peut être rattaché à un des courants les plus forts, les plus stables et les plus anciens de l’opinion publique américaine : l’isolationnisme.
L'isolationnisme est une tendance de la politique étrangère des États-Unis promouvant une intervention américaine minimale dans les affaires du monde. Il a longtemps été l'un des fondements de la politique étrangère des États-Unis et érigé en doctrine par le président James Monroe en 1823. En effet, Le 2 décembre 1823, lors d'un discours au Congrès, le président James Monroe énonce le principe de ce qui deviendra la doctrine Monroe. Cette dernière annonce que le continent américain est dès lors fermé à toute tentative de colonisation européenne, qu'aucune intrusion dans la politique américaine de la part des États européens ne sera tolérée, et qu'en contrepartie, toute intervention américaine en Europe est inenvisageable.
Il est historiquement défendu par les deux extrêmes de l’échiquier politique américain. Et de nombreux présidents des Etats-Unis se sont faits élire sous le slogan efficace "Bring our boys back home et keep US out of war" (ramenez nos garçons à la maison et sortez les US de la guerre !).
Ce slogan, il nous faut le comprendre.
Les Etats-Unis ont payé un lourd tribut pour établir et assumer leur leadership mondial : 115000 morts dans la 1ère guerre mondiale, 416000 pour la 2ème guerre mondiale, 58000 morts pour la seule guerre du Vietnam. Et nous autres européens devons nous rappeler que toutes ces guerres se sont déroulées, pour l’opinion publique américaine, bien loin du sol américain.
L’attentat contre les Twin Towers de New York en 2001 a créé un choc terrible qui a ouvert une phase violente d’interventionnisme américain : Guerre en Irak, en Afghanistan, ...
Mais, même sous la présidence Obama, on sentait déjà poindre le repli isolationniste : repli en Afghanistan, refus d’intervenir en Syrie, …
Les lignes force – bien réelles, celles-ci – de la nouvelle politique américaine sont donc isolationnistes en matière d’intervention à l'étranger et protectionnistes en matière de commerce extérieur (hausse des tarifs douaniers, ...) et que cela nous plaise ou pas, elles vont s’imposer à nous.
Alors que faire? Notamment quand on est pro-européens, comme nous les Centristes.
D’abord, être lucides. Bien voir la politique étrangère américaine comme un curieux breuvage obtenu après passage dans des colonnes de distillation mystérieuses dans lesquelles se mêlent défense des intérêts américains et convictions universelles.
Ensuite, éviter la schizophrénie qui nous ferait vouloir faire jouer aux Etats-Unis un rôle de gendarme mondial (voir la demande de la France de bombardement américain sur la Syrie de Bachar) et en même temps critiquer l’interventionnisme américain.
Enfin, l’Europe, toujours et enfin l’Europe. La bonne réponse à un Président américain protectionniste et isolationniste, ce n’est certainement pas le Brexit avec une Grande-Bretagne qui ne pèse que 2% des fournitures achetées par les américains contre une Europe qui en pèse 19 % !
Trump est là, à priori, pour 4 ans. Il faut faire avec, en défendant le mieux possible nos intérêts. Ce n’est certainement pas en jouant chacun de son côté nos petites cartes nationales comme s’apprêtent à le faire les Anglais.
Le chemin du pragmatisme et de l’efficacité pour peser contre M.Trump passe par la poursuite de la Construction Européenne ! Et oui, n’en déplaise à tous les pleureurs et les pisse-vinaigre anti-européens !