Jean-Christophe Lagarde, le président de l'UDI, appelle à dialoguer avec Emmanuel Macron. François Bayrou et vous-même dites vous en méfier. L'ex-ministre de l'Economie a-t-il semé la zizanie chez les centristes?
Au-delà du fait qu'il s'exonère de quatre années de bilan calamiteux - en tant que conseiller à l'Elysée, puis ministre à Bercy - et qu'il a laissé en plan toute une série de dossiers industriels capitaux, on ne connait pas son projet. Un partenariat avec lui, qui serait un changement d’alliance, est aujourd’hui une erreur, d'autant que, chez les parlementaires centristes, l'immense majorité reste attachée à une alliance avec Les Républicains. La politique girouette, c'est fini.
Allez-vous soutenir un candidat à la primaire de droite?
Dans le cadre de la primaire, chacun a fait son choix. Certains refusent de prendre parti, d'autres soutiennent Alain Juppé, Nicolas Sarkozy ou Bruno Le Maire. Pour ma part, je me prononcerai vers le 10 octobre, car je trouve nécessaire de s'engager. Ne pas choisir revient à s'absenter du débat public. Pour autant, il n'y aura qu'un seul candidat à l'issue des primaires et, au bout du compte, tout le monde le soutiendra.
La primaire de droite a-t-elle volé un espace médiatique à l'UDI?
La primaire occupe le devant de la scène, mais très franchement, l'UDI a été absente des grands débats du printemps et de l'été, que ce soit sur le Brexit ou sur les questions identitaires post-attentats. Les Français ne savent pas ce que l'UDI pense. Le parti centriste a souvent été une planète éloignée du soleil médiatique.
L'UDI est-elle morte?
La question n'est pas celle de l'UDI, mais de la famille centriste. Je demeure persuadé qu'elle doit jouer un rôle dans le nécessaire rassemblement au soir du premier tour de l'élection présidentielle. Marine Le Pen sera qualifiée pour le second tour et il faudra face à elle l'émergence d'une force centrale. Il faudra alors construire un grand parti moderne face aux conservateurs et poujadistes. Jacques Chirac aurait pu le faire en 2002, quand il était face à Jean-Marie Le Pen au second tour. Nicolas Sarkozy l'a esquissé avec les ministres d'ouverture comme Jean-Pierre Jouyet et Bernard Kouchner, avant d'abandonner. François Hollande aurait dû le faire, alors que François Bayrou lui a tendu la main. Le président socialiste n'a même pas su saisir la chance de construire une alliance avec le centre, puisqu'il a tué François Bayrou aux législatives. Or aujourd'hui, la Ve République et son système bipolaire a atteint ses limites.
Cette force centrale, il faudra bien quelqu'un pour la porter…
Il y a, à droite comme à gauche, des évolutions. Une partie du PS, portée, entre autres, par le Premier ministre Manuel Valls, devrait pouvoir travailler avec le centre-droit pour établir un socle politique large. Une personnalité pourrait-elle porter cet ensemble? Alain Juppé le dit d’ores et déjà et tous les autres candidats seront amenés à aborder la question s'ils sont au second tour de la présidentielle.
Nicolas Sarkozy, qui insiste sur les questions identitaires, a pourtant lancé une campagne clivante. Ne craigniez-vous pas que l'opposition droite-gauche ne prenne le dessus sur un possible rassemblement de partis modérés?
Le séisme politique lié à la présence du FN au second tour forcera à un rassemblement. Quant au clivage, il existe déjà au sein même de la droite et de la gauche. Au PS, les lignes Valls et Montebourg s'affrontent directement, Valls et Hollande sur l’identité, tandis qu'un Juppé s'oppose à un Sarkozy à droite.
Vous ne parlez pas des partis centristes. Ont-ils encore leur place sur la scène politique?
Bien sûr qu'une force centrale ne peut se faire sans les centristes. Nous allons être un des ciments majeurs pour lier les modernes face aux archaïques. Les centristes continuent de faire 10 à 15% à toutes les élections. La sensibilité, la famille centriste existe encore chez les Français. Même si, il est vrai, elle a dû mal à se faire entendre dans le fracas du terrorisme.
En 2012, lors de votre discours au congrès fondateur de l'UDI, vous évoquiez déjà l'idée de force centrale. L'UDI aurait-elle pu porter le rassemblement?
Avec Jean-Louis Borloo, oui. Les gens ne cessent de me demander des nouvelles de Jean-Louis. Il est encore très présent dans le cœur des électeurs et, s'il n'y avait pas eu les aléas de la vie, il aurait pu changer la donne. Comme François Bayrou, il avait réussi à personnaliser les valeurs de son parti, ce qui est nécessaire dans le jeu politique.
Vous-même, n'êtes-vous pas intéressé par le leadership de la famille centriste?
Je ne suis ni candidat aux législatives, ni à un poste de ministre. Je suis à la tête de la région Normandie et j'entends en faire un laboratoire politique pour démontrer que la politique peut encore changer les choses. Par exemple, sur le dossier du rail, j’espère que nous allons débloquer la situation en moins d'un an, d'ici fin octobre, en proposant des solutions innovantes, alors que ça faisait 20 ans que rien n’avançait. En contrepartie de la prise en main des trains intercités par la région, l’Etat s’est engagé avec la région à un vaste plan de rénovation ferroviaire en Normandie : 720 millions pour du matériel roulant neuf, 500 millions d’investissement sur les voies et 140 millions pour la maintenance. Plus important, la Normandie, région de droite a réussi à travailler avec un gouvernement de gauche sans aucun problème sur cette question. Comme quoi, les modernes peuvent bosser ensemble.