01.09.2016

Désertification médicale : interview de Philippe Vigier dans la Croix

Député centriste (UDI) d’Eure-et-Loir, Philippe Vigier est certainement un des députés les plus motivés dans la lutte contre les déserts médicaux. En 2012 et 2015, il avait déposé deux propositions de loi sur le sujet, qui ne furent pas adoptées. Il en présentera une troisième en octobre.

La nouvelle convention, signée entre l’assurance-maladie et les syndicats de médecins, prévoit une aide forfaitaire de 50 000 € pour les praticiens qui iront s’installer dans un désert médical. Pensez-vous que des incitations financières de ce type sont efficaces ?

« Non. Cela fait des années que des incitations financières sont mises en place par l’assurance-maladie, les collectivités territoriales ou les gouvernements. Et on a pu voir que ces aides ne marchent pas. Ce sont des emplâtres sur une jambe de bois. D’abord, cela sous-entend que la médecine n’est qu’une affaire d’argent alors que l’installation d’un médecin libéral, c’est d’abord un projet de vie, un idéal de carrière. Ensuite, un médecin qui a envie de travailler gagne très bien sa vie et très vite dans un désert médical. S’il s’installe, il aura tout de suite trente patients devant sa porte, tellement l’attente est forte dans la population.

Je crois qu’on ne se rend pas compte de la gravité de la fracture médicale en France. Dans ma région, Centre Val de Loire, pratiquement toutes les communes en dehors de Tours sont en zones sous-dotée. Aujourd’hui, une personne qui vient habiter dans cette région, ou en Picardie ou Auvergne, n’a pratiquement aucune chance de trouver un généraliste qui accepte de le prendre comme médecin traitant. Les cabinets refusent tout nouveau patient car ils sont débordés. Et le problème commence à gagner certains quartiers de Paris

Êtes-vous favorable à des mesures coercitives qui remettraient en question la totale liberté d’installation des médecins libéraux ?

Je n’aime pas utiliser ce mot de coercition qui, d’emblée, braque tout le monde. Je préfère parler de régulation douce. Ainsi, je pense qu’il faudrait demander à tout jeune médecin, une fois son diplôme obtenu, de rester exercer 3 ans en zone sous-dotée dans la région où il a été formé. Au bout de ces 3 ans, il serait libre d’aller ailleurs, mais peut-être que ces premières années d’exercice lui auront donné envie de rester dans la région.

Ce système existe déjà pour d’autres professions sans que cela ne choque personne. Les énarques ou les polytechniciens doivent dix ans de leur vie à l’État. Et vous pensez que les notaires, les commissaires-priseurs ou les pharmaciens sont libres de s’installer là où ils veulent ?

Quelles autres mesures préconisez-vous ?

Je vais proposer une régionalisation de l’internat pour remplacer l’actuel examen classant national (ECN) qui permet d’orienter les internes (à la fin de la sixième année de médecine). Le système actuel classe les internes de la 1re à la 7 500e place. Si vous êtes bien classé, vous pouvez choisir la spécialité et la ville de votre choix. Si vous êtes mal classé, on va vous proposer des postes dans des spécialités et des lieux souvent jugés moins attractifs. Et bien, souvent, des internes préfèrent redoubler pour avoir un meilleur choix l’année suivante plutôt que de prendre un poste de médecine générale dans une région peu attirante.

Il faut en finir avec ce système pour instaurer un concours régional à l’issue duquel l’interne devra choisir un poste dans la région concernée. Pour donner un peu de souplesse, on laisserait la possibilité aux étudiants de passer le concours dans deux ou trois régions différentes.

Pourquoi si peu de jeunes praticiens s’orientent-ils vers la médecine générale ?

Bien souvent parce qu’ils ne connaissent pas la réalité de cette médecine. Les études de médecine sont, pour le côté pratique, très axées sur l’hôpital. Aujourd’hui, un interne doit, dans son cursus, faire un stage de médecine générale de minimum six mois. C’est insuffisant. Il faudrait passer à 12 ou 18 mois. C’est de cette manière que les étudiants pourront découvrir ce beau métier qu’est la médecine générale »

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