12.10.2010

Discours de Jean-Luc Préel à l’occasion du projet de loi organique relatif à la gestion de la dette sociale

Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Chers Collègues,
Soyons clairs d’emblée, ce projet de loi prévoit la reprise de la dette sociale par la CADES et Les CENTRISTES en approuve le principe.
Le projet du Gouvernement propose, pour financer cette dette, des prélèvements nouveaux et surtout de prolonger la durée de vie de la CADES et nous ne l’acceptons pas.
La CADES, caisse d’amortissement de la dette sociale, a été créée en 1996 par Alain Juppé pour reprendre la dette sociale, 140 milliards de francs de déficit soit               21 milliards d’euros. Le financement était assuré par une nouvelle contribution à base large, la CRDS, au taux de 0,50 %. Cette caisse devait avoir une durée de vie limitée. En effet, le remboursement devait être achevé en janvier 2009. Nous ne devrions plus en discuter.
Mais Martine Aubry en 1998, ce que les socialistes semblent avoir oublié, a confié à la CADES 13,3 milliards et courageusement, plutôt que d’augmenter les recettes, a prolongé sa durée de vie de 5 ans c’est-à-dire de 3 ans par année de déficit. Ce procédé a l’avantage d’être indolore pour nos concitoyens, mais revient à faire payer à nos enfants nos propres dépenses, ce qui est moralement inacceptable.
En août 2004, dans le cadre de la loi relative à l’Assurance Maladie, Philippe Douste Blazy, aussi courageux que Martine Aubry, nous a proposé de confier à la CADES 50 milliards supplémentaires sans augmenter davantage les recettes, ce qui revient là encore à prolonger la durée de vie de la CADES de 7 ans c’est-à-dire là encore de près de 3 ans par année de déficit. À ce régime, ce sont nos petits enfants qui paieront nos dépenses sociales.
De nombreux parlementaires ont dénoncé cette dérive. C’est pourquoi, au nom de l’UDF, j’avais été heureux avec notamment Yves Bur de me rallier à la proposition de Jean-Luc Warsmann. À l’occasion de la loi organique relative aux lois de financement de la Sécurité Sociale en mai 2005, nous avons voté un amendement très important prévoyant que tout nouveau transfert de dette à la CADES devait s’accompagner d’une recette correspondante afin de ne pas prolonger sa durée de vie et de mettre en pratique le principe auquel nous sommes tous attachés, ne pas faire payer par nos enfants nos propres dépenses.
En conséquence, la loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2009 a transféré à la CADES un nouveau déficit de 34 milliards ; une recette correspondante a été prévue, 0,2 % de CSG. Malheureusement, et au nom du Nouveau Centre je l’avais dénoncé à l’époque, en effet il s’agissait non pas d’une recette nouvelle, mais d’un transfert de 0,2 % de CSG finançant le FSV. Ce transfert a eu pour résultat, bien entendu, de mettre le FSV en déficit. C’était l’application du principe du sapeur camembert : je creuse un trou pour en boucher un autre.
Depuis sa création, la CADES a donc repris 135 milliards dont 48 seront amortis à la fin de l’année 2010. L’apurement est prévu aujourd’hui en 2021 avec quelques incertitudes liées à l’inflation et aux taux d’intérêt.
La situation actuelle est donc claire. Il reste à amortir 87 milliards financés par 0,50 % de CRDS et 0,20 % de CSG avec une échéance en 2021. La loi organique autorise de nouveaux transferts, mais à la condition qu’ils s’accompagnent d’une recette correspondante.
Malheureusement, les déficits de notre protection sociale demeurent et ont même tendance, du fait de la crise, à augmenter. Les déficits du régime général et du FSV se montent pour 2009 et 2010 à 51 milliards non financés. Ils sont pris en charge par l’ACOSS par des emprunts auprès de la caisse des dépôts, des avances à court terme de la même caisse mais qui ont atteint la limite du raisonnable, et de l’émission de billets de trésorerie.
La reprise de cette dette 2009 et 2010 par la CADES est donc la solution la plus raisonnable, la plus logique et, comme nous allons dans quelques jours discuter de la loi de financement de la Sécurité Sociale pour 2011 qui sera également en déficit, il est logique de faire reprendre par la CADES le déficit prévisionnel 2011 soit au total 68 milliards.
Au nom du Nouveau Centre, j’approuve le principe de la reprise par la CADES des déficits 2009, 2010, 2011.
À 2 conditions cependant, que ce transfert s’accompagne d’une recette correspondante respectant le principe de la loi organique de 2005 et si possible une recette simple pour ne pas complexifier ce qui aujourd’hui est clair, et d’autre part que chaque année nous nous engagions à voter des lois de financement en équilibre c’est-à-dire avec des recettes correspondant aux dépenses.
Si l’on en croit le projet de loi retraite, la CNAV sera équilibrée en 2018 et le déficit d’ici là sera financé par le FRR. Pour la maladie, nous devons rechercher l’efficience. Il y a du travail en perspective, mais il serait judicieux de prévoir une recette correspondant aux dépenses plutôt que de prévoir chaque année un déficit que nous transférons ensuite à la CADES en prolongeant sa durée de vie.
Or, le projet de loi qui nous est présenté propose de prolonger la durée de vie de la CADES de 4 années permettant d’amortir 34 milliards. 4 années pour 3 ans de déficit, c’est moins pire que ce qu’avaient réalisé Martine Aubry et Philippe Douste Blazy, mais c’est inacceptable !
Les commissions des affaires sociales et des lois ont d’ailleurs rejeté l’article 1 qui prévoit cet allongement de 4 ans.
Pour Les CENTRISTES, notre position est claire. Nous refusons toute prolongation. Si le Gouvernement réintroduit cet article, nous voterons contre la loi. Mais je ne peux imaginer que le Gouvernement veuille contraindre le Parlement et passer outre à la décision de 2 commissions.
Nous n’acceptons pas le principe de faire payer à nos enfants nos propres dépenses !
De plus, nous souhaitons garder un financement simple, compréhensible, comme le réalise la CRDS.
La logique voudrait que l’on augmente cette contribution à base large de 0,75 %. Certes, cette augmentation n’a rien d’agréable, mais 0,75 % pour financer notre protection sociale n’a rien de scandaleux, rapportant 9 milliards d’euros, et avec un peu de pédagogie cette mesure pourrait être comprise par nos concitoyens.
Je vous entends bien Monsieur le Ministre, j’entends bien certains membres de l’UMP, dont Dominique Dord qui est pourtant très intelligent, nous dire qu’une telle augmentation pèserait sur le pouvoir d’achat. Les services de Bercy ont calculé que l’incidence serait de 0,05 % du PIB, donc négligeable. Une telle remarque concernant le pouvoir d’achat serait recevable si tous les prélèvements directs et indirects étaient gelés. Or, ce n’est pas le cas. Nos concitoyens sont soumis tous les jours à des augmentations d’impôts locaux dont le Gouvernement n’est pas responsable, mais nous subissons aussi l’augmentation des tarifs EDF sans doute justifiés, des augmentations diverses, forfait journalier, franchises médicales, déremboursement de médicaments etc. Le Gouvernement propose de raboter les niches sociales et fiscales pour 10 milliards. Le coup de rabot est justifié. Mais il faut dire la vérité. Il s’agira d’une augmentation des prélèvements de 10 milliards. Soyons clairs si nous voulons retrouver la confiance de nos concitoyens.
Dans ce projet de loi, 3 mesures de financement sont prévues dont l’une concerne la taxe sur les contrats dits solidaires des complémentaires santé qui avaient pour but de conforter le parcours de soin. Or, 95 % des Français ont une complémentaire. Les mutuelles et assurances envisagent d’augmenter de 8 % leurs contrats. Cette augmentation ne pèsera-t-elle pas sur le pouvoir d’achat des Français ? Où est la logique ?
Alors, Monsieur le Ministre, ou bien vous gelez toute augmentation pendant quelques mois pour ne pas peser sur le pouvoir d’achat des Français, pour conforter la reprise, ou bien vous acceptez de financer les déficits transférés à la CADES par la recette adaptée c’est-à-dire la CRDS.
Enfin, les 2 autres ressources proposées ne sont pas pérennes notamment la taxe sur la réserve de capitalisation des compagnies d’assurances. Si elle doit rapporter 850 millions en 2011 et 2012, elle ne rapportera plus rien en 2013. Dès lors, il faudra trouver une nouvelle recette.
Il reste une mesure que Les CENTRISTES accepte, c’est le financement par le fonds de réserve des retraites des déficits prévisionnels de la CNAV et du FSV d’ici 2018. J’ai déjà eu l’occasion de le dire lors du débat sur la réforme des retraites. Je comprends très bien que, puisque nous avons un fonds de 33 milliards et que le régime de retraite est déficitaire, il serait curieux de garder ce « trésor » et d’emprunter par ailleurs. Par conséquent, 62 milliards seront financés par un versement annuel de 2,1 milliards provenant du FRR. Cependant, j’ai émis une réserve majeure au nom du Nouveau Centre, à savoir que l’équilibre soit réellement obtenu en 2018 et que nous nous engagions avec volontarisme dans une réforme systémique à points ou à comptes notionnels pour assurer l’équité et à terme l’équilibre financier de nos retraites. Mais nous avons quelques doutes sur l’équilibre de nos retraites en 2018. En effet, les données économiques sur lesquelles le Gouvernement s’est basé nous paraissent optimistes et la réforme prévoyant        19 milliards d’économie et 4 milliards de recettes nouvelles nous semble éloignée des travaux du COR qui estiment les besoins de financement à 48 milliards.
Pour conclure
Les CENTRISTES :
- approuve le principe d’un transfert à la CADES des déficits 2009, 2010, 2011,
- approuve le principe de l’utilisation du FRR pour financer les déficits prévisionnels de la CNAV et du FSV d’ici 2018 avec la réserve d’un équilibre effectif en 2018 et l’engagement vers une réforme systémique,
- demande que dorénavant chaque année les dépenses d’assurance maladie, après des progrès vers l’efficience, soient équilibrées par des recettes correspondantes afin de ne pas avoir à reprendre de nouveaux déficits,
- rejette par avance l’éventuelle réintroduction par le Gouvernement, par amendement, d’une prolongation de la durée de vie de la CADES, auquel cas Les CENTRISTES voterait contre le projet de loi,
- souhaite un financement simple de la CADES basé essentiellement sur la CRDS.

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