Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Ministres, mes chers collègues,
Nous attendons beaucoup du Conseil européen des 24 et 25 mars : les Etats et les peuples européens, mais aussi les entreprises, les marchés, attendent de l’UE et de l’Eurogroupe qu’ils assument leur responsabilité européenne, qu’ils affirment que l’Union européenne est un continent compétitif et qu’ils présentent une solution solide et sans faille pour la stabilité de l'euro.
Au Nouveau Centre, nous attendons, au-delà, que l’Europe affirme sa détermination à progresser, sa volonté de repartir à l’offensive, de montrer qu’elle est résolument en état de marche et qu’elle a la capacité, au-delà des difficultés, à avancer et à consolider ses instruments.
L’enjeu de ce Conseil européen, c’est moins ce qui sera décidé que la mise en pratique concrète de ces décisions, la détermination à les mettre en œuvre en se fixant des objectifs de résultats. En effet, il y a eu depuis la fin des années 1990 une multitude de décisions en matière de compétitivité et de coordination économique, mais nul ne peut contester que cela a péché au niveau de l'application.
Aujourd’hui, les perspectives de croissance se renforcent et les données fondamentales de l'économie européenne sont saines. Les instruments de stabilité temporaires qui ont été mis en place en 2010 ont prouvé leur utilité, mais il ne faut pas relâcher la vigilance. Ainsi, la catastrophe qui a frappé le Japon peut avoir des implications boursières, économiques, monétaires, pour notre continent. Par conséquent, nous sommes de nouveau au temps des décisions, celles dont nous sommes en droit d’attendre qu’elles offrent à l’Europe de vraies stratégies pour le long terme. L’Union européenne ne peut plus se contenter de passer les uns après les autres les écueils, grec puis irlandais, en se préparant à affronter de nouvelles tempêtes.
L’Europe est au milieu du gué. Nous avons des politiques budgétaires nationales, que le pacte de stabilité et de croissance est censé contrôler. Ce pacte est de nature intergouvernementale et se révèle, à l’usage, trop peu contraignant. Or, nous pensons, au Nouveau centre, que l’exemple de la Grèce montre qu’on ne peut aider les Etats aux prises avec des difficultés budgétaires et économiques que s’ils font preuve d’un minimum de responsabilité et, disons-le, de rigueur.
Nous avons un budget européen dont les dépenses sont en principe de nature communautaire, mais dont les recettes restent pratiquement intergouvernementales, puisqu’elles sont votées à hauteur de 85 % par les parlements nationaux.
Certes, nous avons une politique commerciale et une politique de concurrence communes.
Nous disposons d’une monnaie unique, quant à elle parfaitement communautaire.
Mais tout cela ne fait pas une politique économique commune. Le traité de Maastricht, qui a porté l’euro, aura bientôt vingt ans. Il est donc temps d’aller plus loin. L’ambition de notre génération, construire une Europe solidaire, intégrée et élargie, doit dorénavant s’exprimer sur le terrain économique et financier, et trouver un équilibre, un point d’intersection, entre solidité d’une part et solidarité d’autre part. Cette solidarité ne doit pas s’entendre sans la responsabilité et doit être ressentie de façon réciproque. Les grandes divergences existant d’un Etat à l’autre doivent inciter les Etats à plus de cohérence en matière de politique économique. Et certes, qui dit « rigueur partagée » commence par dire « rigueur » : cette dernière va devoir être comprise et acceptée par tous les Européens.
Pour nous, la chose st entendue : la solution ne passe pas par une sortie de l’euro, qui aurait des conséquences tellement dramatiques pour les finances publiques et privées qu’elle est en réalité impossible à imaginer, à moins de vouloir entretenir dans la population des fantasmes dont le danger n’a d’égal que le populisme et l’irresponsabilité. La solution n’est pas la sortie de l’euro, disais-je, mais l’émergence d’un pouvoir économique et la reconnaissance de pouvoirs fédéraux là où il n’y en a pas aujourd’hui.
Qui dit responsabilité et convergence, dit aussi solidarité. C’est tout l’objectif du Mécanisme européen de stabilité, destiné à préserver la stabilité financière de l'ensemble de la zone euro. C’est aussi pourquoi nous approuvons totalement le pacte pour l'euro, qui instaure une coordination renforcée des politiques économiques pour la compétitivité et la convergence.
Dans ce contexte, le rôle de la France doit être notamment de souligner le besoin d’une Europe compétitive dans un monde qui change, et donc de faire valoir à nos partenaires que des divergences massives de compétitivité entre les Etats membres ne sont pas tenables sur la durée. Les implications ne sont pas minimes : cela signifie notamment une meilleure coordination de l’impôt sur les sociétés ou la nécessité d’adapter les systèmes de sécurité sociale et de retraite aux évolutions démographiques, ou encore d’harmoniser les régimes fiscaux. Il faut préserver les différentes cultures qui existent en matière économique et les rapprocher autant que possible.
La crise financière et monétaire qui a touché bien des pays européens ne doit pas signifier un point d’arrêt dans la longue marche de la construction européenne, mais doit au contraire être une occasion pour plus d’intégration et de convergence entre les Etats qui partagent cette même conviction d’un destin commun entre les peuples du Vieux Continent. C’est tout le sens que les députés centristes, fervents défenseurs de la cause européenne depuis plus de 60 ans, voient dans le pacte pour l’euro : une occasion pour renforcer le pilier économique de l'union monétaire, pour donner une force nouvelle à la coordination des politiques économiques dans la zone euro, pour améliorer la compétitivité et parvenir ainsi à un plus haut niveau de convergence entre les Etats.
Je veux ici rappeler les grands principes qui fondent notre attachement à la construction européenne : la détermination à ce que la France porte un message européen fort et assume ce qui est traditionnellement son rôle, c’est-à-dire pour la voie du progrès européen. Notre pays doit le faire non pas avec l’idée d’imposer, mais de partager, et à cet égard la manière dont notre politique extérieure a été conduite ces derniers temps, notamment concernant les pays arabes, n’est pas satisfaisante. Par ailleurs, cette politique doit être menée avec une coopération franco-allemande qui ne soit ni formelle ni soumise ; or, le pacte de compétitivité signifie une préférence donnée à la doctrine allemande de la stabilité monétaire sur la doctrine française de l’incitation au développement économique.
Les députés centristes considèrent que la France a un message particulier à porter à ce Conseil européen : trouver le bon équilibre entre l’autonomie budgétaire des États et une nécessaire discipline collective ; rappeler à tous que les difficultés financières d’un État sont désormais bel et bien devenues l’affaire de tous ; et enfin convaincre nos partenaires, au-delà du pacte, qu’il faudra bien accepter d’aller vers une souveraineté partagée, qui supposera des choix collectifs prenant en compte la conjoncture et la situation de chaque pays.
Responsabilité, solidarité, intégration : voilà quel est le contenu de la feuille de route que nous donnons à l’exécutif, au Président de la République et au gouvernement, singulièrement au Ministre des Affaires étrangères, pour conduire le bateau européen.