Tribune de Vincent LÉGLANTIER, Secrétaire national Les Centristes en charge de la viticulture, et de Quentin ESTRADE, Secrétaire national Les Centristes en charge de la santé :
Le mois de janvier étant synonyme de bonnes résolutions, le Dry January tente de s’imposer comme un rendez-vous mettant au défi nos habitudes par rapport au vin. Né au Royaume-Uni, dans un pays qui a un rapport au vin très différent du nôtre, ce concept suscite des débats animés en France, car il ne s’insère pas spontanément dans notre culture :
- Celle de la modération puisqu’une très grande majorité des français a intégré le message de modération prôné tant par le Ministère de la santé que par nos vignerons, à savoir de ne pas consommer plus de 10 verres d’alcool par semaine avec des pauses dites « hépatiques ». De ne jamais boire seul mais en partageant un repas ou un moment convivial en famille ou entre amis. De ne pas mettre la vie des autres en danger.
- En second lieu, celle du temps social et du vivre ensemble que revêt le mois de janvier dans notre pays qui consacre dans chaque commune, chaque association, chaque entreprise, les vœux partagés autour souvent d’un verre de vin produit localement.
La sensibilisation aux effets nocifs d’une consommation excessive d’alcool est indispensable et elle est largement relayée par la filière viticole qui répond toujours présente aux sollicitations et à ses responsabilités. Mais plutôt que de condamner de manière catégorique la consommation d’alcool, qui soit dit en passant est souvent celle de la diabolisation de la consommation du vin et non des alcools forts comme le gin, la vodka, le whisky et autres mélanges avec des boissons énergisantes, nous nous devons d’encourager une approche plus équilibrée.
Pour ce faire, il est indispensable de considérer attentivement l'évolution de nos habitudes de consommation. De noter qu’en France, la consommation d'alcool a baissé de 120 à 40 litres par personne et par an entre les années 1960 et 2020, soit une baisse de presque 70% en 60 ans (Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies). Ces statistiques illustrent bien la prise de conscience collective des enjeux liés à la modération et mettent en évidence les changements positifs dans nos habitudes françaises de consommation, sans qu’il soit besoin de faire appel à un concept anglo-saxon très hypocrite, celui de s’abstenir un mois et qui ,en creux, permet donc d’hyperconsommer les onze mois suivants sans subir d’anathèmes ! Une approche mature de la consommation d’alcool ce n’est pas de se déculpabiliser durant un mois mais c’est de se responsabiliser pour la vie !
En 2022, force est de constater que les plus jeunes n’ont pas du tout intégré le vin dans leur consommation d’alcool ou le consomme de manière occasionnelle. Le nombre de consommateurs de vins en France continue de baisser, alors que le nombre de consommateurs de bière a augmenté de 3% par rapport à 2015 (Enquête sur la consommation de vin en France en 2022, Ipsos Observer pour CNIV et FranceAgriMer). La déconsommation de vin est enclenchée mais elle n’a pourtant pas été synonyme d’arrêt de la consommation d’alcool chez les jeunes. Sans parler des produits licites ou illicites additifs… qui démultiplient les effets nocifs… cette augmentation de prise de psychotropes et de drogues, bien loin de la problématique de notre culture viticole française.
Le vin transcende la simple fonction de boisson alcoolisée et festive. Il incarne l'histoire, la tradition, le terroir…l'art de vivre à la française. Les viticulteurs, garants de ce patrimoine, s'efforcent de produire des vins de qualité, respectueux de l'environnement, contribuant non seulement à la prospérité économique de nos territoires, mais aussi à la beauté de nos paysages et à la préservation de nos terroirs. Ce travail acharné, qui tente déjà de s’adapter aux changements climatiques, mérite reconnaissance et soutien plutôt qu’une mise à l’index, pour ne pas dire une mise à mort organisée.
La modération, promue par les professionnels de la viticulture, est la clé. Au lieu d'adopter une approche radicale confinant à la prohibition (dont nous connaissons les effets dévastateurs), encourageons une consommation responsable et informée. C’est le choix qu’ont déjà fait 90% des Français qui déclarent boire moins de 10 verres d’alcool par semaine, en accord avec les repères de consommation à moindre risque (Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies). La très grande majorité des Français pratiquant déjà la modération, le Dry January risque, en fait, de masquer la véritable problématique des consommations excessives sans venir en aide et proposer de véritables solutions aux personnes souffrant d’alcoolisme, alors que nous devons redoubler d’efforts sur les publics à risques.
Il faut également souligner que l’activité du secteur vitivinicole ne se limite pas à la production du vin. La viticulture génère plus de 500 000 emplois non-délocalisables et contribue de manière significative à l'économie nationale, en particulier à la balance commerciale de la France. Porter atteinte à cette filière, déjà soumise à des défis structurants comme le réchauffement climatique, la transition agroécologique, ou justement, la déconsommation, c’est aussi prendre le risque d’aggraver la situation sociale et économique des territoires où la viticulture constitue le cœur battant de nos villes et villages.
Les Centristes appellent à une approche plus équilibrée et nuancée que le concept dogmatique et caricatural qu’est le Dry January. Plutôt que d’encourager l’abstinence à échéance, éduquons et encourageons une consommation modérée, responsable et informée. Soutenons nos viticulteurs français, préservons nos traditions de modération et continuons de célébrer le vin comme l’héritage multiséculaire culturel et inestimable qu’il est pour notre pays.