Tribune parue dans Le Huffington Post
S'il est un secteur que l'on peut ajouter à la longue liste des renoncements et donc des déceptions provoquées par le gouvernement socialiste, c'est bien celui de la culture et de la communication. Après avoir, dans l'opposition, alterné blocages, postures démagogiques et promesses inconsidérées, le pouvoir actuel est aujourd'hui confronté là comme ailleurs à son impréparation : les rapports s'entassent et les moyens se réduisent.
Les chiffres sont éloquents : si l'on compare, hors dépenses fiscales et budgets annexes, le total des crédits de paiements alloués aux 7 programmes du ministère de la culture au budget 2014 (3,3 milliards d'euros) à ceux alloués par le budget de 2012 (4 milliards d'euro), on constate une baisse de plus de 16% ; certes ce calcul ne tient pas nécessairement compte des éventuels transferts de crédits d'un programme à l'autre, il n'en mesure pas moins l'affaiblissement spectaculaire du poids réel de ce ministère... Sans parler du gel de 7% qui empêche toute réelle programmation pour les acteurs concernés. Et sans doute cette évolution se poursuivra en 2015... Jamais aucun gouvernement n'aura osé une telle ponction.
Qu'en est-il de la priorité à la culture dont se prévalait naguère la gauche ?
Tous les secteurs sont concernés : le patrimoine dont l'entretien et la restauration se trouve sacrifiés au mépris de sa contribution avérée à l'emploi qualifié, les établissements publics condamnés à réduire leur programmation, le spectacle vivant dont l'ensemble de l'économie se trouve déstabilisée, les arts plastiques qui peinent à absorber les coûts induits par l'ouverture des nouveaux FRAC...
On pourrait poursuivre cette énumération, mais par delà une évolution que la ministre justifie par les nécessités budgétaires de l'heure, on ne peut qu'être frappé par l'absence de perspectives offertes : où va la politique culturelle ?
Trois grands sujets devraient aujourd'hui être prioritaires et donc s'inscrire dans l'agenda ministériel :
- la réorganisation de l'action culturelle publique, avec une clarification des rôles de chacun. On voit que la majorité actuelle avance masquée, voire improvise : retour à la clause de compétence générale, rapidement contestée par le président de la République lui-même, ouverture d'une possible délégation de compétence au demeurant sans portée juridique réelle dans la plupart des domaines culturels, discours ministériels confus, régions qui s'interrogent.
- l'enseignement spécialisé en matière de musique de théâtre, de danse ou d'arts plastiques notamment pour lesquels les maigres moyens accordés par l'État aux collectivités territoriale ont simplement disparus au motif sans doute de l'application de la loi de décentralisation de 2004, freinée par les régions tenues par le parti socialiste, et ce malgré des expérimentations concluantes en Poitou-Charentes et en Nord-Pas de Calais. Où en sont les priorités accordées à la jeunesse, à l'éducation artistique et culturelle, et à la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires, qui suppose l'existence de structures professionnelles compétentes et clairement confortées dans leurs missions ? Au delà des mots et des visites ministérielles pour "saluer" de multiples projets concrets réalisés par les acteurs de terrain avec l'appui des collectivités territoriales, le ministère parait bien absent. on est loin de l'approche impulsée en son temps, et avec de faibles moyens, par Marcel Landowsky
- l'irruption du numérique et des réseaux Internet, qui bouleverse les industries culturelles et la presse, met en cause toute l'économie de la création et les droits des auteurs, mais offre aussi en terme de diffusion, d'ouverture sur le monde, de possibilités de création des perspectives entièrement nouvelles : quels moyens pour numériser les images et documents qui sont notre patrimoine et sont autant de ressources potentielles pour la création de nouvelles œuvres ? Comment, autrement que le repli sur des attitudes défensives, accompagner vraiment les mutations de la presse et des secteurs de l'édition ? Quelles suites concrètes et opérationnelles au fameux rapport remis par Pierre Lescure au terme d'un travail de consultation des divers professionnels qu'il convient de saluer ?
Ces trois sujets nous semblent aujourd'hui prioritaires ; ils constituent les trois angles d'approche sur lesquels l'UDI va construire son projet de refondation de la politique culturelle de l'État, en lien avec les collectivités territoriales qui doivent être pleinement reconnues pour la place qu'elle tiennent déjà dans notre vie culturelle, mais aussi avec les artistes et les professionnels qui ont le sentiment de n'avoir plus affaire qu'à une bureaucratie sourde à leurs préoccupations et pour dépasser l'essoufflement actuel et la paralysie qui frappent le ministère de la culture.