06.04.2016

Lutte contre la prostitution : intervention de Charles de Courson

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes, monsieurle président de la commission spéciale, madamela rapporteure, mes chers collègues, je suis très heureux que notre Assemblée puisse enfin adopter la version définitive de cette proposition de loi à la fois nécessaire et juste visant à lutter contre le système prostitutionnel.

Depuis la Libération, la France a toujours défendu une position abolitionniste, refusant de voir une fatalité dans ce que certains qualifient improprement de « plus vieux métier du monde ». Il est du devoir du législateur de combattre toutes les formes de violence faites aux femmes – et aux hommes d’ailleurs !

Cette proposition de loi marque le début d’un changement de regard indispensable sur la prostitution et les prostituées. En effet, le texte inverse l’approche de la lutte contre le système prostitutionnel.

En supprimant le délit de racolage, la représentation nationale reconnaît que la prostituée est avant tout une victime prise au piège d’une situation d’une violence extrême et non plus une délinquante. Pendant de cette reconnaissance de la personne prostituée comme victime : la responsabilisation du client.

Mes chers collègues, avec cette loi, le client sera enfin reconnu comme l’un des éléments essentiels du système prostitutionnel. Sans clients, pas de prostitués! L’article16 tel qu’issu de notre commission spéciale crée une infraction de recours à la prostitution sous forme d’amende, qui devient un délit en cas de récidive – c’est à mes yeux l’avancée la plus importante.

Le client a sa part de responsabilité dans le développement des réseaux prostitutionnels et il faut lui faire prendre conscience que son comportement contribue à la souffrance des 20 000 à 40 000 personnes prostituées en France, dont on estime qu’au moins 6000 sont mineures.

J’aurais préféré que nous allions plus loin et que nous considérions dès la primo-infraction qu’il s’agit d’un comportement délictueux, mais procédons par étape...

Mes chers collègues, j’insiste sur ce point : la lutte contre la prostitution passe par un changement complet de regard sur la prostitution et sur les prostituées. Cette étape essentielle est illustrée depuis plus de deux millénaires par le célèbre passage de l’Évangile selon saint Jean où Jésus sauve une femme adultère en disant à ceux – tous des hommes ! – qui voulaient la lapider : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il lui jette la première pierre. ». Le texte ajoute : « Ils s’en allaient l’un après l’autre, en commençant par les plus âgés. ».

L’évolution des mentalités passe bien évidemment par la sensibilisation de la société, l’éducation des jeunes générations constituant un volet essentiel de la lutte contre la prostitution. Ce texte propose d’ailleurs une information des collégiens et lycéens sur les réalités de la prostitution, suite à un amendement que j’avais proposé et qui a été adopté en première lecture par notre assemblée. Le Sénat a d’ailleurs enrichi le texte en ajoutant les enjeux liés aux représentations sociales du corps humain.

Deuxième message que je voudrais faire passer : la lutte contre la prostitution doit également s’adapter aux nouvelles formes de proxénétisme et d’exploitation des femmes et, aussi, des hommes.

Je me réjouis que ce texte prenne en compte les nouvelles réalités de la prostitution, qui s’organise aujourd’hui en réseaux dont la grande majorité – autour de 90 % – concerne des personnes étrangères, parfois en situation irrégulière. La prostitution de rue, traditionnelle, disparaît peu à peu, au profit de réseaux usant d’internet et des moyens les plus modernes de communication.

Je regrette cependant que nos travaux ne soient pas allés assez loin pour créer des outils permettant de lutter contre ces réseaux dématérialisés. Contraindre les fournisseurs d’accès à internet à bloquer l’accès aux sites hébergés à l’étranger qui contreviennent à la loi française contre le proxénétisme et la traite des êtres humains est certes une première étape mais elle n’est pas suffisante.

En conclusion, mes chers collègues, je réitère donc mon soutien à cette proposition de loi qui repose sur une approche humaniste et équilibrée. J’ajoute que je m’exprime ici à titre personnel car le groupe UDI auquel j’appartiens préconise sur ce sujet, comme sur tous les sujets de conscience, la liberté de vote. 

 

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