22.02.2016

"Les misérables raisons du dernier remaniement" par Jean Dionis

Jeudi 11 février, François Hollande annonçait en fin à la France « son » nouveau gouvernement.  Un nouveau gouvernement? Pourquoi faire?

En général, un nouveau gouvernement est construit pour accompagner une inflexion politique après une consultation électorale nationale.

Il y a bien eu les élections régionales et une nouvelle défaite pour le Parti Socialiste. Mais le Président Hollande a déclaré « rester droit dans ses bottes » et n’envisager aucune inflexion à la politique gouvernementale. Et pourtant, il remanie. Bizarre? Vous avez dit bizarre?

Essayons de comprendre ensemble les raisons profondes et cachées de ce remaniement.

Commençons par les faits et regardons de plus près comment il est construit :

Trois écologistes entrent au gouvernement :

  • Emmanuelle Cosse devient ministre du logement, poste qu’avait occupé Cécile Duflot avant de quitter le gouvernement. Cette décision a provoqué  une nouvelle crise à Europe Ecologie-Les Verts, dont elle était la secrétaire nationale. Dans un communiqué, le parti avait averti dès mercredi soir que ceux qui rejoindraient le gouvernement le feraient « à titre personnel », rejetant toute collaboration avec l’équipe de Manuel Valls. Mme Cosse a immédiatement annoncé dans un communiqué qu’elle se mettait « en retrait » du parti écologiste.
  • Jean-Vincent Placé, qui ne fait plus partie d’Europe Ecologie-Les Verts, devient secrétaire d’Etat chargé de la réforme de l’Etat.
  • Barbara Pompili, qui a également quitté le parti à l’automne, devient secrétaire d’Etat chargée de la biodiversité.

Trois ministres quittent le gouvernement, outre Laurent Fabius :

  • Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication, remplacée par Audrey Azoulay, jusque-là conseillère de François Hollande pour les questions culturelles.
  • Sylvia Pinel, qui était ministre du logement, de l’égalité des territoires et de la ruralité. Elle est donc remplacée, pour son premier portefeuille, par Emmanuelle Cosse.
  • Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique, remplacée, dans un nouveau portefeuille nommé « aménagement du territoire, ruralité et collectivités territoriales » par Jean-Michel Baylet.

Sortons tout de suite les mouvements de « bas étage » comme le remplacement de Fleur Pellerin par Mme Audrey Azoulay qui a, pour elle, d’être une proche de Julie Gayet, actuelle compagne du Président. Pas très élégant, tout cela, mais admettons que l’on est à la marge

Reste la grande affaire de ce remaniement : c’est la candidature de François Hollande à sa réélection, contrairement à l’affirmation du Président de la république.

J’ai passé dix ans l’hémicycle en même temps que François Hollande. Celui-ci n’est pas devenu Président de la République par hasard. C’est un tacticien hors pair. Ce qu’il fait avec les écologistes et les radicaux de gauche signe sa  déclaration de candidature malgré toutes ses dénégations cyniques.

L’entrée des écologistes au gouvernement n’a vraiment qu’un seul but : isoler les écologistes « radicaux » des écologistes raisonnables, qui, eux, vont travailler en harmonie avec François Hollande et son gouvernement. Il s’agit tout simplement d’isoler la « décidemment déraisonnable » Cécile Duflot.

On pourrait en sourire si ce genre de petites combinaisons n’avait pas un prix exorbitant pour l’intérêt général de la nation. Or ce n’est pas le cas.

Le prix à payer, la couleuvre à avaler pour François Hollande et le pays, c’est cette incroyable histoire de référendum local sur l’Aéroport de Notre-Dame des Landes. 160 décisions de justice favorables à l’aéroport, des dizaines de délibérations de collectivités locales légitimes, des dizaines de millions d’euros déjà dépensées et on organise un référendum contestable au niveau juridique, illégitime au niveau politique pour décider? Que fait-on de  l’Etat dans tout ça?

Mais ce n’est pas fini. La rentrée de Jean-Marie Ayrault au gouvernement n’a vraiment comme raison profonde que de gêner Manuel Valls, potentiel rival du Président dans une primaire à gauche.

Et enfin, la rentrée de Jean-Michel Baylet dans cette « dream team » relève du même art de la neutralisation de familles politiques proches – en l’occurrence – les radicaux de gauche, avec en bonus, un groupe de presse influent « la Dépêche » qui portera dans sa zone d’influence la bonne parole présidentielle.

Vous me direz que je suis un grand naïf et que cela a toujours été la norme des remaniements ministériels. Et bien non.

Que la politique soit un savant mélange entre intérêt général de la nation et petits calculs tactiques, je vous le concède bien volontiers. Mais dans ce remaniement, l’intérêt général de la France est tout simplement absent de toutes les raisons profondes de ce remaniement.

Et, c’est cette absence totale qui est simplement misérable.

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