12.09.2016

"Les 4 raisons d'être prudents avec Macron" par Jean Dionis

Cela n’a échappé à aucun des nôtres.
Emmanuel Macron a électrisé le petit monde centriste ces quinze derniers jours.
Il faut dire que, sur la forme, l’empressement montré par le Président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde à vouloir « discuter » avec lui, sans avoir saisi le moins du monde les instances légitimes de l’UDI, pose problème.

A juste titre, le Président du Nouveau Centre, Hervé Morin lui a rappelé que les Centristes étaient engagés dans une alliance politique durable et nationale avec les Républicains, qu’ils gouvernaient ensemble des centaines d’exécutifs locaux, bref que l’on ne changeait pas d’alliance politique comme on change de chemise.

Voilà, pour la forme.
Essayons de nous intéresser maintenant au fond et de répondre à la question simple : le Centre doit-il « travailler » avec Emmanuel Macron ?

Ne perdons pas de temps dans des négations de mauvaise fois.
Oui, Emmanuel Macron est jeune (38 ans) et doué (son parcours universitaire et professionnel est brillant).
Oui, encore, Emmanuel Macron intéresse l’opinion publique. Il a ce fameux charisme à l’alchimie mystérieuse.
Oui, enfin, dans ce qu’il a pu faire dans ce gouvernement Hollande, et Dieu sait si ce gouvernement a été erratique en matière de politique économique et fiscale, il y a des avancées indiscutablement positives : les fameux bus « Macron » dont la France était privée pour cause de monopole SNCF…

Faut-il pour autant s’emballer et se mettre à courir, comme l’a fait bizarrement Jean-Christophe Lagarde, après Emmanuel Macron ?

Après réflexion, je ne le pense pas et je propose au débat collectif quatre (bonnes) raisons d’être prudents que j’essaierai de vous présenter de la moins importante à la plus impérative.

  • La première raison est que l’on ne sait toujours pas ce que sont les convictions d’Emmanuel Macron sur les véritables sujets de fond imposés par notre époque : la sécurité et le terrorisme, l’Europe (n’oublions pas le BREXIT), l’emploi... et ceci même après son rassemblement fondateur de la Mutualité du 12 Juillet. Alors, certes Macron nous annonce un livre programme pour la fin du mois d’octobre. Nous verrons bien à ce moment là s’il coche les « bonnes cases » pour les Centristes, mais pour le moment, Macron est trop organisé pour ne pas avoir planifié à la fois ce calendrier de «stimulation» et cette ambiguïté médiatique. Prudence donc pour la 1ère fois.
  • La deuxième raison est celle sur laquelle a justement insisté Hervé Morin. On ne change pas d’alliance politique et d’alliance électorale comme de chemises ! Emmanuel Macron revendique un positionnement de gauche, gauche du réel, gauche non socialiste, tout cela est fort beau, mais gauche tout de même. Une alliance avec Emmanuell Macron est-elle compatible avec une alliance les Républicains ? Rien n’est moins sûr ni au niveau programmatique, ni même au niveau électoral. Prudence pour la 2ème fois.
  • La troisième raison, plus fondamentale, nous a été fournie par François Bayrou : quand Emmanuel Macron nous explique qu’il va à Londres pour caler le financement de son mouvement et de son parti, il s’expose à la critique de François Bayrou, à savoir qu’il est sous l’influence de milieux financiers généreux donateurs. Et ces milieux n’ont pas pour réputation d’être de parfaits philanthropes. Financeurs aujourd’hui d’Emmanuel Macron, ils seront bien placés pour lui réclamer de « justes retours » de leur soutien. La formule forte de François Bayrou, « je suis pour la séparation de l’Etat et de l’argent » a en tout cas fait mouche. Les partisans d’Emmanuel Macron vont crier au procès d’intention et essayer de nous convaincre de leur indépendance par rapport à ces forces financières. Peut-être, mais en attendant, Prudence pour la 3ème fois.
  • Enfin Emmanuel Macron a eu une phrase lourde de conséquence et de sens à propos de l’élection et de la démocratie. En septembre 2015, il affirme de manière ouverte lors d’un colloque : « être élu, c’est un cursus d’un autre temps ». Et de la part de quelqu’un qui n’a jamais été élu, ni même cherché à l’être, cette phrase est le signe de quelqu’un qui, au mieux a un vrai problème avec la démocratie, c'est-à-dire le pouvoir au peuple, et au pire un vrai mépris pour cette gouvernance où chaque femme, chaque homme, riche ou pauvre, en forme ou malade, participera de la même manière au choix de ses représentants. A partir de cette phrase, on peut soupçonner Emmanuel Macron d’une vraie tentation, et technocratique, et aristocratique: le pouvoir pour ceux qui savent et pour les meilleurs. Et bien non, pour tout un tas de raisons de fond, y compris churchilliennes («la démocratie est le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres»), nous centristes, nous sommes profondément démocrates et attachés à le rester. Emmanuel Macron va devoir nous rassurer sur ce point central. Prudence pour la quatrième et dernière raison.

Jean-Louis Bourlanges, le meilleur d’entre nous pour les bons mots, a eu la semaine dernière une phrase sévère pour Emmanuel Macron : « Bien sûr, rien n’est fini pour un homme si jeune et si doué mais Dieu, que c’est mal commencé ! ».

A tout le moins, les centristes seront bien inspirés de laisser à d’autres l’emballement passionné et d’adopter une saine prudence par rapport au jeune premier. En marche, les choses vont se décanter.

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