Chers amis,
Vous le savez, nous allons vivre une séquence parlementaire assez réduite puisque les travaux s’arrêteront fin février donc je vais concentrer mon propos sur un seul sujet : les questions économiques et financières puisque l’essentiel des travaux parlementaires seront la loi de finances pour 2012 et la loi de financement de la sécurité sociale.
Aujourd’hui, l’actualité est au PS, mais ne vous faites pas d’illusion, les questions économiques et financières vont vite revenir sur le devant de l’actualité. L’euro, le budget, la performance de notre économie, ce seront les sujets des prochaines semaines. Tant mieux parce que ce sont aussi nos sujets.
Oui, ce sont nos sujets avec nos solutions. Même si, comme la règle d’or, elles sont d’abord dénigrées ou rejetées. Tant pis si une fois encore nous aurons eu raison avant les autres comme sur la nécessité du fédéralisme budgétaire européen, comme sur le rabotage des niches fiscales et sociales.
L’euro tout d’abord.
Tout le monde le sait, l’euro est en danger mais avec lui c’est toute l’Europe qui est menacée. Soutenir la Grèce aujourd’hui ce n’est donc pas dépenser pour un autre pays, c’est tout simplement nous protéger, nous Français, car abandonner la Grèce c’est mettre tout le système en danger qui risquerait de s’effondrer comme un château de cartes.
Que montre la crise de l’euro ? D’abord l’absence de structures efficaces. L’Europe n’a pas les institutions pour aller vite, pour avoir l’initiative, pour créer l’impulsion, pour proposer une solution.
Ce à quoi nous assistons en ce moment, je veux parler du ballet des limousines entre capitales européennes, ce n’est pas notre Europe. Un accord inter-gouvernemental, le plus souvent entre Paris et Berlin, qui devient ensuite un accord européen par cercles concentriques, c’est devenu la règle aujourd’hui. Nous devons plaider absolument pour une mécanique inverse. Une impulsion européenne qu’ensuite nous partageons à 27.
Ce ne sera pas simple car cela suppose de revoir l’architecture entre la Commission et le Conseil et plus largement, assumer que la Commission devienne un véritable gouvernement de l’Europe à partir des compétences que les Etats lui auront déléguées. L’Europe est aujourd’hui redevenue la somme des intérêts des Etats comme si la somme des intérêts particuliers aboutissait à l’intérêt général. Et on sait que ce n’est pas vrai.
En fait, l’euro supporte tous les vices de fabrication d’une monnaie unique qui n’a pas voulu devenir une monnaie commune. Une monnaie, ce n’est pas un simple outil technique destiné à améliorer le libre-échange entre Etats d’une même zone. C’est beaucoup plus que cela. Une monnaie c’est un instrument de puissance, ce que l’Europe n’est pas. C’est l’expression d’une politique économique, ce que nous n’avons pas.
Il nous faut à tout prix, si nous voulons sauver l’euro, une gouvernance économique et budgétaire commune et quotidienne, pas seulement une gouvernance pour temps de crise. La convergence fiscale et sociale est pour moi inéluctable. Convergence et pas harmonisation car la différence des niveaux de prélèvements obligatoires est beaucoup trop forte entre certains pays, sans compter les différences culturelles profondes qui font qu’il n’est juste pas imaginable de mettre la Suède et l’Irlande dans une même logique d’harmonisation fiscale.
Le niveau de prélèvements dans un pays est le résultat d’options socio-culturelles mais c’est aussi le résultat de politiques économiques et fiscales plus au moins réussies, comme par exemple le différentiel de 4 points que nous avons avec l’Allemagne.
Je crois néanmoins qu’il existe en Europe un bloc de convergence possible sur quelques grands impôts.
Une puissance économique européenne, cela veut dire enfin permettre à l’Europe de lever l’impôt et l’emprunt et d’avoir un budget européen digne de ce nom et pas le modeste 1% de la richesse européenne que nous avons aujourd’hui.
Notre situation n’est pas inédite.
Il suffit de regarder les Etats-Unis d’Amérique. Comme en Europe il existe des grandes différences de performances économiques entre les Etats, des sociologies différentes, des cultures différentes. Quoi de commun entre l’Alabama et la Californie ? Mais là-bas, vous avez justement un budget fédéral qui permet de compenser près de 60% des écarts de compétitivité. En Europe, nous n’avons rien d’équivalent à l’exception des fonds structurels. Tout le monde a aujourd’hui les yeux rivés sur la Grèce. Qui a noté la faillite de l’Etat du Minnesota cet été, réglé par un accord budgétaire avec l’Etat fédéral, chose impossible en Europe ?
Pour avoir préféré une monnaie unique à une monnaie commune, nous sommes aujourd’hui face au précipice. Le seul mérite c’est que les choses sont devenues assez simples.
Soit nous allons vers l’intégration et le fédéralisme, soit l’euro s’effondrera. Il n’y a aucune autre alternative.
Et il faudra donc que nous, élus du Nouveau Centre, portions ce message devant les Français quand je l’espère la crise grecque sera derrière nous.
Malheureusement nous n’y sommes pas encore et j’avoue que j’ai un peu de mal à comprendre l’entêtement de la France et de l’Allemagne.
L’un de ne pas mettre les banques autour de la table pour qu’elles acceptent d’encaisser une partie de leurs pertes, l’autre de ne pas accepter la création d’euro-obligations permettant d’adosser la dette sur la puissance économique et commerciale de l’Europe.
Tout le monde sait que les grecs seront incapables de rembourser leur dette. Il leur faudrait presque 10 ans de PIB à 6% par an pour juste arriver à l’équilibre de leurs comptes publics. Pourquoi cette obstination ? Alors que d’ores et déjà les banques américaines ont dévalorisé de 50% le nominal de la dette grecque dans leurs bilans. Toutes les stratégies n’ont pas été étudiées comme il le faudrait - notamment celle qui consiste à mettre à disposition des grecs un fonds isolé et étanche qui leur permette de racheter progressivement leurs dettes sur le marché, ce qui reviendrait en réalité à réduire leur dette de 50 % puisqu’une obligation grecque s’achète sur le marché à la moitié de son nominal.
Deuxième sujet brulant et totalement lié au premier : la loi de finances 2012. Je crois que nous devons être les députés de la vérité et les députés du courage.
D’abord la vérité. La situation de nos comptes publics est grave mais les gens sur le terrain se demandent si parfois on ne noircit pas la situation. Ou alors ils pensent que de toute façon on finit toujours par trouver des solutions.
Ces deux idées sont fausses et il faut les combattre.
D’abord ce n’est pas vrai qu’on trouve toujours des solutions, et ça l’histoire nous l’a montré. Dans les milieux financiers, certains anciens banquiers se souviennent des premiers mois de 1958, et du directeur du Trésor qui faisait antichambre au FMI pour recevoir de quoi payer les fonctionnaires à la fin du mois. Les caisses du pays étaient totalement vides et non seulement on devait aller au FMI chercher des devises mais en plus on devait supplier les Américains de rééchelonner notre dette. Bonjour l’indépendance nationale quand on n’en est réduit à ce type de solutions.
Donc tout ça pour dire que les faillites d’Etat, ça n’arrive pas qu’aux autres et qu’il y a des moments où la pression des déficits est telle que tout explose.
La deuxième idée fausse, c’est l’idée que la situation n’est pas si noire que cela. C’est vrai que trente années de déficit, on finit par ne plus écouter les cassandres.
Quelquefois sur le terrain on me dit « mais monsieur Morin, vous parlez d’une dette qui représente une année de richesse, mais si on compare avec un particulier finalement ce n’est pas si énorme ? ». En soit ils n’ont pas tort mais ce qu’ils oublient, c’est que l’Etat endetté a toute la journée en face de lui des créanciers qui arbitrent en fonction des besoins de financement et de la qualité de la dette de plusieurs dizaines de pays. A la fin, c’est ce qui fait le niveau des taux d’intérêt et le fait que l’on a ou non une charge de la dette supportable. A ce sujet, vous avez peut-être lu dans la presse des éléments sur l’exécution du budget 2011, avec de bonnes nouvelles en termes de réduction de la dépense mais une charge de la dette qui s’est mécaniquement accrue de 3 ou 4 milliards et qui a ruiné nos efforts.
Disons-le clairement le budget 2012 n’échappe pas à la règle des budgets pré-électoraux. Le budget qui nous est proposé, c’est un budget de colmatage pour éviter la voie d’eau, un budget de rechapage pour éviter l’embardée ; en vérité, personne n’est dupe, c’est un budget pour 6 mois, un budget qui appellera obligatoirement une loi de finances rectificative au lendemain des élections législatives et ce quel que soit le futur président, comme en 1995, comme en 2002, comme en 2007.
L’hypothèse de croissance sur lequel est bâti le budget fait sourire tous les économistes. Comment imaginer toucher les 2% de croissance avec la contraction de la dépense, la contraction de l’offre de crédit, l’incertitude des acteurs, les anticipations rationnelles toutes orientées à la baisse ?
Charles a raison, il vaudrait bien mieux retenir une hypothèse de croissance moins favorable -inférieure à 1,5 %- et en cas de bonnes nouvelles, et bien affecter le bonus à la réduction de la dette.
L’objectif de réduction de dépenses, il est clair pour nous. C’est un point de déficit par an en moins sur 5 ans. Je vous rappelle que l’Allemagne est à 3 % de déficit seulement.
La méthode, elle est claire aussi. Nous pensons nous au Nouveau Centre que l’effort fiscal demandé aux Français ne sera acceptable que s’il repose sur un effort extrêmement significatif sur la réduction de la dépense.
Deux tiers sur les dépenses et un tiers sur les recettes, soit la proportion inverse de celle du gouvernement, comme l’a fort bien dit notre porte-parole. Donc pour nous ce n’est pas 11 milliards de moins qu’il faut voter, mais le double, soit 22 milliards.
J’ai bien vu au Ministère de la défense à quel point la sphère publique est capable de se réorganiser et de faire des économies. 1,6 milliard d’économies de fonctionnement au sein des armées sur un total de 10 milliards, le tout sans heurts, sans crise et sans que notre armée n’apparaisse affaiblie.
Le FMI a justement rappelé que la baisse des déficits devait se faire d’abord au travers de réformes structurelles. Il faut donc retrouver l’esprit d’origine de la RGPP, c’est-à-dire une diminution des postes totalement liés à des réorganisations en profondeur des services publics comme le Canada par exemple a réussi à faire. Une vraie RGPP et non ce qu’elle est devenue une vaste machine à supprimer des postes de policiers ou d’enseignants.
L’effort sur la dépense doit toucher l’Etat mais il doit aussi concerner les collectivités locales. Il faut être lucide et responsable, je crois que le temps de la dépense locale, en tout cas celle qui n’est pas imposée par des charges transférées, est en partie révolu. La croissance de demain elle sera plus dans les labos de recherche et dans les PME innovantes que dans les dépenses des collectivités locales.
Le gel de la dotation de l’Etat en valeurs pour 2 milliards d’euros que nous proposons va dans ce sens, même si nous sommes tous d’accord pour dire que la réforme des collectivités devra être remise sur le métier.
Je reste sur les dépenses et notamment sur les niches. Comme le bouclier fiscal, comme la règle d’or, là aussi nous avons eu raison avant tout le monde. Le rabot passé sur les niches fiscales et sociales n’est pas convainquant. Ni suffisant, ni équitable. C’est pourquoi nous proposons une économie de 10 milliards d’euros par an sur les 73 milliards de niches fiscales et les 42 milliards de niches sociales, soit un effort de presque 10 % sur trois ans. Et nous portons l’accent notamment sur les allègements de charges sur les bas salaires pour les grands groupes dont l’activité n’est pas délocalisable.
Côté recettes maintenant, nous nous heurtons à un dogme, le refus de parler de hausse d’impôt. On le fait mais on ne le dit pas ce qui est toujours la pire des choses. On nous sert des contributions exceptionnelles alors qu’on sait pertinemment qu’elles seront pérennes.
Nous en tous cas nous voulons parler le langage de la vérité. Nous proposons :
- la tranche d’imposition à 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 euros, ce qui nous rapproche du système fiscal allemand.
- Le relèvement du prélèvement forfaitaire libératoire pour les revenus du patrimoine pour rapprocher la fiscalité du travail et celle du patrimoine.
- Une convention fiscale franco-suisse permettant de taxer les revenus du patrimoine détenus par nos compatriotes en Suisse comme l’ont fait les Allemands et les Britanniques.
Notre deuxième outil c’est la TVA, c’est clairement l’outil de réduction de nos déficits et de retour à la croissance le plus efficace. Par exemple, le passage du taux de TVA le plus élevé à 20 % rapporterait immédiatement 4 milliards. Et les Allemands nous ont démontré qu’en période de faible croissance, cela n’engendrait aucune hausse des prix.
Autant de pistes qui créent de la justice entre le prélèvement sur le travail et le prélèvement sur le capital, justice entre prélèvements des hauts revenus et nécessité de trouver des recettes à hauts rendements.
Donc des solutions pour les dépenses, des solutions pour les recettes mais nous devons aussi proposer des solutions pour la croissance.
Le sujet qui reste entier, c’est le décrochage de l’économie française.
Quel est le constat ? En une décennie, nous avons perdu 30 % de parts de marché à l’exportation contre 15% pour les autres pays de l’OCDE.
Le décrochage de l’économie française ne s’explique pas seulement par la montée en puissance des émergents, Chine ou Inde : les parts de marché de la France régressent y compris au sein de la zone euro.
Notre déficit commercial atteint des sommets et pas seulement avec l’Allemagne – 3 milliards avec l’Italie ou les Pays-Bas, 7 milliards avec la Belgique, 500 millions avec la Suède - à part le Royaume-Uni et la Grèce, nous sommes en déficit avec quasiment tous les pays importants de la zone euro.
Nous avons depuis 20 ans bâti notre croissance sur la consommation, et en plus une consommation à crédit, alors que les pays du Nord de l’Europe construisaient un modèle de croissance fondé sur la production. En 2007, le gouvernement s’était engagé dans cette voie, mais il est clair que l’élan n’a pas été suffisant et qu’après 2012 nous devrons porter une politique économique et fiscale résolument tournée vers les PME, concentrée sur l’entreprise.
Oui nous devons donner aux PME les moyens de leur développement avec par exemple un mécanisme fiscal d’investissement très puissant comme peuvent en avoir deux grands pays d’innovation comme l’Allemagne ou Israël.
Nous ne devons pas relâcher notre pédagogie sur la TVA sociale, seul moyen de réduire massivement les charges sociales qui empêchent d’augmenter les salaires et de restaurer notre compétitivité.
Pour améliorer le pouvoir d’achat des salariés et restaurer la compétitivité des entreprises, je le répète, c’est l’outil qui nous faut. Mais cette baisse des charges sociales ne doit pas être seulement un cadeau fait aux entreprises mais être discutée au lendemain des élections de 2012, dans le cadre d’un « Grenelle » économique et fiscal, avec l’ensemble des partenaires économiques et sociaux pour construire ensemble les modalités de ce nouveau contrat fiscal et social.
Pour améliorer le marché du travail, il nous faut aussi aller vers le contrat de travail unique à droits progressifs qui efface la barrière si pénalisante entre CDD et CDI. Nous avons tellement rigidifié le droit du travail que nous sommes arrivés au résultat inverse de celui que nous recherchions, la précarisation de plus en plus forte du salarié français au lieu de sa protection.
Il faut avoir le courage de le dire : 80% des déclarations uniques d’embauche sont des CDD de moins d’un mois. Et encore, au mieux des CDD car combien d’artisans, de commerçants et d’entreprises n’embauchent tout simplement pas, ne voyant pas comment ils pourraient gérer un éventuel licenciement dans l’hypothèse d’un carnet de commandes un peu moins bon.
Enfin, la rigidité, la complexité, et surtout l’instabilité de nos textes juridiques et fiscaux est aussi un incroyable frein à la croissance.
Les Français, quels qu’ils soient n’en peuvent plus des modifications incessantes de la règlementation et de la législation. Dans mon Tour de France, j’ai dû entendre des dizaines de fois de la part des chefs d’entreprise comme d’ailleurs des acteurs du champ social ou de la réinsertion, cette critique sur ces lois et ces textes qui changent tous les jours.
La stabilité législative et règlementaire doit reposer sur un engagement simple : quand la loi a été changée une fois, elle ne le sera plus jusqu’à la fin de la législature, sauf circonstances exceptionnelles bien entendu.
Je m’arrête là mais le sujet est immense avec à la fois la question de la formation et je pense à notre proposition d’universités des métiers ou celle du développement de l’entreprenariat familial c'est-à-dire le capitalisme de Bernay ou Agen, pas celui des îles Caïman ou des Barbades.
Bon vous voyez nous avons les solutions pour ne pas être seulement les « déclinologues » de service mais au contraire la boîte à idées de la majorité.
Certes, les défis sont immenses, certes ils sont inédits, mais un New Deal du XXIe siècle, un new deal à l’envers en termes de dépenses publiques bien sûr, un new deal aussi de courage, de solidarité et d’innovation peut nous permettre d’y faire face. C’est sur ce chemin vertueux que je voudrais que tous ensemble nous nous engagions.