Interview du 18 mars 2016 parue dans le Monde.
Alors que le congrès de l’Union des démocrates et indépendants (UDI) se tient dimanche 20 mars à Versailles, Hervé Morin, le président du Nouveau Centre (l’une des composantes de l’UDI), juge « naturel et normal » que le parti centriste « refuse, pour l’instant, de participer à la primaire » des Républicains pour la présidentielle, tant que les deux formations ne se sont pas accordées sur un pacte programmatique et législatif.
Opposé à une candidature à la primaire de son rival Jean-Christophe Lagarde, M. Morin désigne Jean-Louis Borloo comme « le candidat naturel du centre à la primaire ».
L’ex-ministre de la défense, aujourd’hui président de la région Normandie, appelle par ailleurs à l’émergence d’« un rassemblement, qui irait de Valls à Sarkozy ou de Macron à Juppé » en 2017.
Appelez-vous les militants centristes à « refuser de participer à la primaire » de la droite en vue de la présidentielle de 2017, comme l’a fait le président de l’UDI, Jean-Christophe Lagarde ?
Il est naturel et normal que l’UDI refuse, pour l’instant, de participer à la primaire. J’ai écrit en ces termes aux militants du Nouveau Centre.
Quelles sont les conditions pour que l’UDI participe à la primaire ?
Dès le mois de décembre, j’ai demandé à Jean-Christophe Lagarde d’engager une discussion préalable avec Les Républicains (LR) pour nouer avec eux un pacte législatif reposant sur une déclaration de nos valeurs communes et sur les priorités programmatiques partagées (réduction des déficits, réécriture du projet européen, liberté d’entreprise…).
Ce pacte doit intégrer un contrat de législature pour que le centre dispose d’un groupe parlementaire capable d’être un acteur majeur de l’alternance. Nous ne devons pas revivre ce qu’il s’est passé de 2007 à 2012, quand le groupe Nouveau Centre à l’Assemblée n’était pas respecté par l’UMP, car il n’était pas nécessaire au vote de la loi.
J’ai encore en souvenir le combat que nous avons mené pendant quatre ans sur la TVA sociale, repoussée par l’UMP avant qu’elle ne trouve grâce aux yeux Nicolas Sarkozy fin 2011, c’est-à-dire beaucoup trop tard !
Fermez-vous définitivement la porte à une participation de l’UDI à la primaire ?
Non, nous restons ouverts à la discussion. Nous avons largement le temps de trouver un accord avec LR. La messe n’est pas dite. D’autant que tous les leaders de LR se disent prêts à dialoguer avec le centre. Notre congrès, prévu dimanche, sera l’occasion de définir les conditions de notre participation à la primaire.
Etes-vous favorable à l’idée de Nicolas Sarkozy de créer un groupe de travail entre LR et les centristes afin de parvenir à un accord ?
Tout à fait. Ce groupe de travail, côté centristes, devra être composé des principaux représentants des composantes de l’UDI (Les CENTRISTES, le Parti radical de Laurent Hénart, l’Alliance centriste de Jean Arthuis) et des présidents des groupes parlementaires (le président du groupe UDI à l’Assemblée, Philippe Vigier, et celui au Sénat, François Zocchetto).
Combien de circonscriptions revendiquez-vous pour les centristes aux législatives de 2017 ?
Il est naturel que les circonscriptions où il y a un élu UDI sortant soient réservées pour l’UDI, comme le demandent, je l’imagine, LR.
Ensuite, LR doivent faire preuve de souplesse pour nous permettre de disposer d’un groupe parlementaire significatif à l’image de ce que représente notre famille de pensée. Nous ne pouvons pas gagner l’un sans l’autre.
Que doit faire l’UDI ? Participer à la primaire, soutenir un candidat LR dans la primaire ou concourir à la présidentielle sous ses propres couleurs ?
La seule certitude que j’aie à ce stade est que l’UDI n’a pas à s’enfermer dans l’investiture unique d’un seul candidat représentant le parti à la primaire. Rien ne serait pire qu’un candidat mandaté par l’UDI faisant un mauvais score ! La présidentielle est en effet une élection reposant sur un imaginaire collectif, dont les paramètres ne sont pas seulement le poids électoral de chaque famille politique.
Après, tout est ouvert : on peut avoir plusieurs candidats de l’UDI dans la primaire ou soutenir un candidat LR dont on est le plus proche. Pour ma part, je n’envisage pas d’être candidat à la primaire ou à la présidentielle. Je préfère me concentrer sur ma mission à la tête de la région Normandie.
Faut-il que Jean-Louis Borloo soit le candidat de l’UDI à la primaire pour mettre tous les centristes d’accord ?
Jean-Louis Borloo a une vraie place dans la vie politique française et c’est lui le candidat naturel du centre à la primaire. Il sait que, s’il en exprimait le désir, les centristes seraient derrière lui.
Le centre a-t-il un avenir, alors qu’il paraît en voie d’implosion aujourd’hui ?
Cette présidentielle permettra, je l’espère, aux centristes de se retrouver. J’estime nécessaire de bâtir une nouvelle formation centriste au lendemain de la présidentielle, qui regrouperait l’ensemble des sensibilités du centre, dès lors qu’ils auront fait le même choix pour l’alternance.
Elle doit regrouper dans un même parti le MoDem de François Bayrou, l’UDI, ainsi que des centristes des Républicains qui le souhaiteraient. Jean-Louis Borloo avait bien réussi à intégrer des élus UMP lors de la création de l’UDI, en septembre 2012.
Appelez-vous par ailleurs à une recomposition politique, qui verrait les modérés de droite et de gauche gouverner ensemble ?
Oui, il est indispensable de construire une force centrale regroupant tous ceux qui estiment que l’économie de marché doit se développer dans un système régulé. Au soir du premier tour de la présidentielle, celui qui sera face à Marine Le Pen — ce qui est la probabilité la plus forte — aura la responsabilité historique de faire émerger cette force politique centrale regroupant tous les « modernes » dans un même parti politique, afin de mener les réformes indispensables à la modernisation du pays.
Ce rassemblement, qui irait de Valls à Sarkozy ou de Macron à Juppé, rassemble en fait près de 60 % des Français. C’est d’ailleurs le rêve originel des centristes ! L’émergence du FN permet paradoxalement cette recomposition politique que n’ont pas su faire François Mitterrand en 1988, ni Jacques Chirac en 2002, ni Nicolas Sarkozy en 2007.
Ce serait donc une sorte de gouvernement d’union nationale, à l’allemande ?
Non, plus que cela. Une recomposition politique, que les institutions de la Ve République empêchent, devient une évidence et une nécessité. Une grande force capable, grâce à son assise politique, de porter la transformation du pays. Une force se situant entre, d’un côté, la droite poujadiste du repli mortel et de l’autre, une gauche refusant l’évidence de la mondialisation et contestant l’autre modèle.