Le gouvernement se flatte d’exclure plus de la moitié des Français de l’impôt sur le revenu. Quelle est sa logique ?
Si l’impôt est juste, pourquoi alors en exonérer 54% des ménages et faire peser une charge toujours plus lourde sur les classes moyennes ? S’il est injuste, où est sa légitimité et comment justifier qu’il augmente à nouveau cette année de 2,7 milliards d’euros ?
Dans le but d’endiguer le "ras-le-bol fiscal" auquel il a pourtant largement contribué, le gouvernement multiplie les régimes dérogatoires, sapant le principe d’égalité devant l’impôt et réduisant celui de nécessité de l’impôt à un vulgaire vestige de la Révolution. Pire, le sentiment d’injustice, combiné à l’importance des efforts demandés aux Français et à l’absence de résultats tangibles, fragilisent le consentement à l’impôt.
Sortir d'une spirale de la défiance
Cette situation est en train de créer une rupture entre deux France qui seront bientôt irréconciliables.
D’un côté, il y a ceux qui acquittent l’impôt, sur lesquels repose largement l’effort de financement de la solidarité nationale, et qui n’ont le sentiment de ne bénéficier que marginalement de cette solidarité. De l’autre, il y a ceux, de plus en plus nombreux, qui ne paient pas l’impôt et qui bénéficient largement d’une solidarité à laquelle ils ne contribuent que marginalement.
Il est temps de sortir de cette spirale de la défiance : l’impôt sur le revenu doit devenir une cotisation d’adhérent au pacte républicain. C’est pourquoi tous les Français doivent payer l’impôt, du plus aisé au plus modeste, chacun à la hauteur de ses moyens, sans que personne ne puisse s’exonérer de cet effort, même si celui-ci ne dépasse pas 50 euros par an.
Parce que l’impôt est l’expression et la condition même du lien social, aucune réforme fiscale ne pourra aboutir sans intégrer tous les acteurs de la société. La création d’un impôt minimal obligatoire n’aurait pas vocation à générer des recettes mais de la cohésion sociale.
Un facteur de cohésion sociale
Dans un pays comme le Danemark, tous les habitants paient des impôts, y compris lorsqu’ils sont étudiants ou demandeurs d’emploi. Mieux, ces derniers se disent à une très grande majorité satisfaits de participer au financement d’un État providence qui leur fournit une scolarité gratuite et des aides sociales.
Ne l’oublions pas, l’impôt est indispensable pour garantir l’existence d’un système généreux et un accès équitable à des services publics de qualité.
Contribuer – même modestement – à l’effort collectif serait un moyen de redonner une dignité à ceux qui se sentent le plus éloigné de la vie publique. Certes, tous les Français paient la TVA, mais cette habitude plus ou moins indolore ne les distingue pas des touristes.
À l’heure où des millions de citoyens ont montré leur fierté et leur solidarité nationales, l’universalisation de l’impôt sur le revenu rappellerait que non, le peuple français n’a pas vocation à être un peuple d’assistés. Si la prise de conscience du coût des services publics est une nécessité, plus urgente encore est celle de donner à chaque Français l’opportunité de se sentir partie intégrante du contrat social.