Gestion de la crise sanitaire par le gouvernement, déconfinement région par région, mobiilités des citoyens entre les régions... Hervé Morin a accordé un entretien au journal Le Parisien.
Comment jugez vous la gestion de la crise et du déconfinement par le gouvernement ?
Le déconfinement tel qu’il nous est présenté aujourd’hui, c’est ni plus, ni moins que le stade 2 de début mars avec une grande différence : nous aurons à priori des masques et des tests. Or, c’est tout ce dont nous aurions eu besoin au début de l’épidémie, en février-mars ! Cela nous renvoie donc à l’absence d’anticipation du Gouvernement quand le Coronavirus est apparu en Chine. D’où le sentiment de beaucoup de Français que la stratégie sanitaire du Gouvernement a d’abord été construite à partir de nos insuffisances. L’autre erreur qui a été commise, c’est l’absence de contrôle aux frontières alors que de nombreux pays européens l’instaurait. La comparaison avec l’Allemagne est terrible pour le gouvernement Français.
Vous estimez donc qu’ils ont agi tard, mais qu’ils font désormais le job ?
Il fallait réagir et ils l’ont fait. Surtout, ils ont fini par entendre que tout ne pouvait pas se décider à partir de bureaux de l’administration centrale. J’ai été choqué par l’hostilité ou le mépris avec lesquels ont d’abord été accueilli les initiatives des grandes collectivités locales. Les maires ont fait un boulot gigantesque, et les grands élus régionaux et départementaux ont aussi su se rendre utile, pour que chacun rende service à la nation au-delà même de leurs prérogatives habituelles. Il semblerait que l’Etat évolue sur ce point.
Vous avez connu une crise épidémique, au gouvernement en 2009. Les choses avaient été mieux gérées ?
En 2009, Nicolas Sarkozy a tout piloté de façon extrêmement étroite. Nous avions quasiment tous les matins, une réunion à l’Elysée, où des consignes extrêmement claires étaient données. L’autre reproche que l’on peut faire à ce gouvernement, c’est une communication chaotique et qui plus est contradictoire. Trop de monde parle.
A quoi devrait ressembler le plan de déconfinement, selon vous ?
Il faut un déconfinement qui repose sur des grands principes nationaux – les mesures de sécurité dans les transports, dans les écoles, les interdictions de regroupements - pour éviter de nouveaux foyers de contamination. Mais il faut ensuite qu’il soit différencié par région, où au niveau infrarégional, avec un dialogue entre le préfet et les élus locaux. On ne peut pas imaginer traiter de la même façon la ville de Mulhouse durement frappée par le Covid et un département comme la Charente où la circulation du virus a été très faible ! En clair, il faut un déconfinement régionalisé.
Concrètement, qu’est ce qui changerait d’un endroit à un autre ?
On doit permettre, selon des règles de bon sens définies collectivement, la réouverture d’un certain nombre de lieux ou la pandémie a été faible. On ne peut pas geler toute la vie pendant des mois et des mois ! Le cœur du sujet, c’est toujours et encore d’éviter la thrombose des systèmes hospitaliers pour que chaque français puisse être soigné mais aussi autant que possible la reprise de la vie économique et sociale. On ne peut pas attendre que nous ayons acquis une immunité collective. On ne peut pas traiter le bar restaurant d’Epaignes, ma commune natale, de la même façon qu’un établissement sur l’avenue des Champs Elysées ! On ne peut pas appliquer les mêmes règles à Paris et à la Réunion ou pour un restaurant dans un village du Tarn-et-Garonne où le virus a peu circulé.
Que se passera-t-il si ce n’est pas le cas ?
Eh bien on va continuer à asphyxier toute l’économie nationale, même dans des zones où on pourrait la faire repartir sans grand danger, tant que les mesures de sécurité sanitaire y sont prises. Les lieux de culture devraient aussi pouvoir réouvrir là aussi sur le même principe. Le rythme de déconfinement doit être différent entre les régions. Tout faire à l’échelle nationale, sans discernement, c’est une erreur qui empêche une partie du pays de repartir.
Mais n’est-ce pas trop compliqué à mettre en place ? N’y aura-t-il pas une rupture d’égalité sur le territoire ?
Oui c’est possible. il faut faire confiance aux préfets et aux élus locaux. On l’a bien fait sur la question de l’ouverture des marchés. On a besoin de redonner de l’espoir, et ceux qui peuvent recommencer à bosser, il faut leur donner cette chance-là.
Faudra-t-il interdire, un temps, la circulation entre régions dans ce cas ?
Non je ne dis pas ça. Il doit y avoir une discussion entre l’Etat et les régions. J’ai demandé au Ministre des Transports que nous nous mettions autour de la table, Présidents de Régions et Etat pour mettre en place des plans de transports intelligents qui prennent en compte tous ces éléments.
Qu’avez-vous mis en place dans votre région pour répondre à la crise ?
Nous faisons notre maximum pour faire en sorte de répondre aux différents besoins. On est ainsi en train de consacrer un total de 70 millions d’euros pour venir en aide aux entreprises les plus fragiles. Dans le secteur du tourisme, le naufrage est tel que le risque est que beaucoup ne réouvre jamais. On met également en place un fonds d’urgence de plusieurs millions d’euros pour accompagner les secteurs de la culture et du sport, qui eux aussi subissent de plein fouet cette crise. On a acheté près de 8 millions de masques pour équiper le personnel soignant, les entreprises, les collectivités et demain nos agents qui reprendront le travail…
Que pensez-vous de l’idée d’un gouvernement d’union nationale ?
L’union nationale s’est faite sur le terrain. Tout le monde cherche à faire le mieux possible – les maires, les présidents de région, de département… tout le monde. Mais un gouvernement d’union nationale, c’est créé les conditions pour que la seule alternative possible devienne Marine Le Pen.
Source : Le Parisien