LE FIGARO . >> Un sondage Ifop vous place en tête des régionales. Quelle lecture en faites-vous ?
Hervé MORIN.- J’y vois une reconnaissance du travail accompli. La réunification réussie de la Normandie est saluée dans toutes les études. Notre région est systématiquement sur le podium en matière économique, avec de meilleurs chiffres que la moyenne nationale. Nous sommes la première région industrielle de France. Les perspectives sont assez optimistes pour 2021. Nous avons su bâtir un système qui marche en nous emparant de sujets sur lesquels il n’y avait aucune perspective, comme le ferroviaire sur lequel nous avons investi 2,5 milliards d’euros. Les gens ont également constaté l’utilité de leur région durant la crise sanitaire. Ensemble, nous avons essayé de porter la fierté d’être normand, avec un imaginaire collectif extraordinaire que nous essayons de cultiver comme les Bretons savent si bien le faire. 66 % de nos habitants sont optimistes sur l’avenir de la région. J’ai voulu porter un projet au service de tous, quelles que soient les couleurs politiques, en faisant le contraire de ce qu’avaient fait les socialistes en Haute-Normandie.
>>Le Rassemblement national est à cinq points derrière vous au premier tour. Cela vous inquiète-t-il ?
Le socle RN sera le même que celui que nous constatons dans chaque élection. Il reste très haut car de nombreux Français sont en souffrance. Il existe des poches de chômage très élevées dans certains secteurs. Cette réalité correspond aux ressorts profonds de la France où les gens sont de plus en plus nombreux à prendre conscience du déclin de leur pays. Que le pays de Pasteur se soit retrouvé dans l’incapacité de produire un vaccin contre le Covid est sans doute le symbole récent le plus fort de ce déclin.
>>La gauche n’a pas réussi à se rassembler au premier tour. Quel est votre avis ?
Quand on est communiste et pour l’énergie nucléaire dans une région qui va accueillir le deuxième réacteur EPR, il est compliqué de rejoindre les Verts. Ce projet représente 15 milliards d’euros d’investissement et des milliers d’emplois. Il ne suffit pas de dire qu’on est à gauche pour être ensemble. Une unité ne peut se construire que sur des projets concrets. Mais je ne néglige personne car la gauche est traditionnellement forte en Normandie. Il faut beaucoup d’humilité face à une élection.
>>Sur quelles alliances appuyez-vous votre stratégie ?
J’ai soutenu des projets dans toutes les collectivités en fonction de leur utilité et non pas en fonction des couleurs politiques. Quand certains sondeurs notent que notre électorat s’élargit parfois jusqu’aux mélenchonistes, j’y vois le résultat d’une politique mise au service des Normands. Sur la liste que je présenterai, je compte des candidats LR, du Centre et du Parti radical mais aussi les grandes figures du MoDem normand. Des candidats très marqués sur les questions environnementales comme Stéphanie Maubé et même des adhérents LREM font cause commune. Certains membres de la majorité municipale du Havre me soutiennent également, notamment Jean-Baptiste Gastine, ancien maire par intérim d’Édouard Philippe lorsqu’il était à Matignon. Il a porté toute la politique mobilité de la région à mes côtés. Beaucoup d’élus reconnaissent simplement que nous avons fait le job depuis 2015. Le poids des appareils compte mais il n’est plus ce qu’il était.
>>Malgré les mots aimables que vous avez eus à l’égard d’Édouard Philippe, il préfère soutenir Laurent Bonnaterre...
J’ai de bonnes relations personnelles avec Édouard Philippe. Ayant fait partie des voix opposées à la politique d’Emmanuel Macron, dont il était le premier ministre, sa position, comme celle du ministre Sébastien Lecornu, me semblent normales. Comme tout premier ministre, il est en effet une figure nationale ayant démontré sa capacité à gérer le pays. Je l’ai dit aussi de François Baroin et de Valérie Pécresse ! Mais cela ne veut pas dire pour autant que je soutiens sa ligne politique, que je ne connais d’ailleurs pas. Quant au candidat des Marcheurs, je n’oublie pas que Laurent Bonnaterre fut le directeur de cabinet de Laurent Fabius durant des années. Donc, en Normandie j’affronte trois listes de gauche. Mais moi, je veux continuer à bâtir un projet régional, au-delà des étiquettes.
>>Pourquoi l’UDI a-t-elle décidéde faire cavalier seul ?
C’est l’expression de l’affection que le président de ce parti Jean-Christophe Lagarde peut me porter.
>>Quel est votre pronostic électoral pour les LR qui vous soutiennent ?
Ces élections peuvent être une bonne rampe de lancement pour ceux qui se voient un destin présidentiel.
>>Comment jugez-vous le plan sécurité d’Emmanuel Macron dévoilé lundi dans Le Figaro ?
Emmanuel Macron se trompe. Mettre plus de policiers et de gendarmes est nécessaire mais cela ne suffit pas car c’est toute la chaîne pénale qui est en panne en réalité. Il est au pouvoir depuis quatre ans et beaucoup de choses n’ont pas été faites. D’ailleurs, s’il porte un discours offensif sur ce sujet aujourd’hui, c’est bien parce qu’il a échoué.
Propos recueillis par Emmanuel Galiero et publiés dans Le Figaro du 20 avril 2021