Le premier ministre a désigné un médiateur chargé de "réfléchir à des solutions" pour sortir du conflit qui divise taxis et voitures avec chauffeur depuis plus de cinq ans.
Je doute fort qu'une énième tentative de conciliation satisfasse les deux camps, pas plus qu'une amplification des contrôles. Depuis le temps que le gouvernement "amplifie", "renforce" et "accélère", on se demande comment la France n'est pas devenue première de tous les classements internationaux.
Le sujet est bien connu. D'un côté une licence hors de prix, de l'autre une simple formation suffisant à l'obtention d'un agrément. Si on ajoute à cela des applications permettant de passer commande en contournant le monopole de la maraude, on entend aisément la colère des taxis.
Ces derniers avaient obtenu un encadrement des VTC via le fameux délai de 15 minutes entre la réservation et l'accueil du client. Parce qu'il engendrait des distorsions de concurrence, le décret a été annulé par le Conseil d'Etat. En effet, on ne peut pas régler un problème de police - la lutte contre la maraude - par une restriction de concurrence.
Pas plus qu'on ne peut rajouter au régime des VTC de nouvelles conditions restreignant leur activité. Quand va-t-on perdre l'habitude d'ajouter des règles à chaque fois qu'une nouvelle entreprise arrive sur le marché ? Si le lobbying se transforme en réglementation, quid des nouveaux entrants qui n'ont pas de lobbyistes ?
La vie économique va toujours plus vite que la vie juridique : une réponse tardive a donc finalement été apportée par la loi Thévenoud. On sait pourtant d'expérience qu'aucune bataille juridique n'a jamais empêché la disruption.
Les applications ne disparaîtront pas : elles vont dans le sens de l'évolution technologique. Le géant Kodak a eu beau déposer des brevets, il a été concurrencé par la photographie numérique. De même Uber n'a fait que contourner la barrière à l'entrée.
Les VTC, en observant la demande, ont créé un business model et lancé un nouvel univers. Ils ont transformé notre manière de consommer en diversifiant l'offre, en introduisant la certitude sur les prix et en démocratisant l'accès aux transports.
Le gouvernement ne peut cependant abandonner les chauffeurs de taxis à leur sort. Le premier rôle de l'Etat n'est-il pas d'être juste et de poser les termes d'une concurrence saine ? Il est impératif de rendre plus harmonieuses les conditions d'obtention des licences.
Par ailleurs, sur le long terme, il faudra veiller à assurer la période de transition sans spolier les chauffeurs. Les économistes ont fait nombre de propositions en ce sens, à commencer par le rachat progressif des licences. Pourquoi ne pas prélever un euro sur chaque course afin de constituer des caisses de compensation ? Une réflexion sur le cadre fiscal de l'économie collaborative devra également s'engager.
A Montréal et à Berlin, les taxis peuvent devenir chauffeurs pour Uber quand ils ont fini leur service. Le gouvernement fera-t-il un jour le choix de la souplesse ? Cela supposerait qu'il accepte d'anticiper - ce qui demande le courage de fuir les propositions court-termistes destinées à flatter de futurs électeurs.