Tribune parue dans le Huffington Post
Mois après mois, les chiffres s'égrènent. La montée du chômage semble inexorable. Ce gouvernement, comme d'autres, reconnaissons-le, dans le passé, a conduit une politique en faveur de l'emploi qui ne répond pas aux besoins de l'économie française.
Les emplois d'avenir n'offrent pas des emplois pérennes pour les jeunes, les 35 heures n'ont jamais été réellement remises en cause, le travail autorisé quelques dimanches de plus par an ne peut constituer une panacée, la baisse des cotisations sociales manque de simplicité, les mesures en faveur de l'apprentissage avancent beaucoup trop lentement, les procédures de licenciement restent couteuses et risquées pour les entreprises si elles s'effectuent en dehors de la rupture conventionnelle...
Le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi en cours d'examen au Parlement fait du surplace et ne rénovera pas en profondeur le dialogue social. C'est le cas également des dernières mesures annoncées par le Premier ministre qui constituent certes un signal positif en faveur des TPE/PME, mais qui ne correspondent pas à de vraies réformes structurelles.
Disons-le aussi : le dialogue social interprofessionnel est en panne avec l'échec des dernières négociations de janvier et de la conférence sociale de juillet 2014, lié à la faiblesse et à la division des partenaires sociaux. Quant aux 2 ANI (sécurisation de l'emploi de janvier 2013 et formation professionnelle de décembre 2013), elles n'ont pas été à la hauteur des enjeux pour favoriser les reconversions professionnelles, préserver ou créer des centaines de milliers d'emplois.
Aujourd'hui, le constat est sans appel: laisser les partenaires sociaux réformer le code du travail ne produit pas les résultats escomptés pour permettre le retour progressif au plein emploi et le gouvernement n'en tire pas les conclusions qui s'imposent, en engageant une réforme en profondeur du marché du travail.
On perd totalement espoir.
Ce dont la France a besoin, c'est de faire table rase, d'une refonte totale du mode de fonctionnement du marché du travail. C'est dans cette optique que je veux me situer et que je ferai des propositions dans les prochains mois. Je veux en proposer ici d'ores et déjà quatre.
Premièrement, face à un code du travail "obèse" qui s'est retourné contre ceux- là mêmes qu'il était censé protégé, le manque d'efficacité des accords interprofessionnels et l'inertie du gouvernement, je propose une révolution copernicienne du code du travail et de l'ordre juridique actuel qui ne fonctionne absolument plus. Il est de la responsabilité du législateur de la mener. Faisons ainsi primer l'accord de branche ou l'accord d'entreprise sur la loi, dans la mesure où ces mesures respectent les normes internationales de l'OIT et l'ordre public social. Nous avons été les premiers à proposer au centre en 2013 de faire descendre le dialogue social dans l'entreprise ou dans la branche. Cette approche est aujourd'hui plébiscitée dans la classe politique, des Républicains aux réformistes même classés plutôt à gauche (comme le propose Badinter/Lyon Caen récemment). Passons maintenant à l'action. Cette primauté se traduira, j'en suis convaincu, par une mobilisation de toutes les entreprises.
Prenons deux exemples concrets. D'une part, cela permettra de revenir sur les 35 heures en posant comme principe un partage entre la loi (pour les règles concernant la santé et la sécurité des travailleurs : normes OIT) et la négociation collective (dans les contreparties du travail il y a la durée du travail et la rémunération). D'autre part, cela rendra à nouveau possible l'indispensable souplesse dont ont besoin les entreprises de moins de 200 salariés. Ces accords collectifs conclus par le comité d'entreprise ou le délégué du personnel², en l'absence ou non de représentant syndical, pourront être rendus opposables dès lors que ces accords ne sont pas contraires aux droits fondamentaux des salariés et qu'ils sont approuvés par référendum, en tant que consultation directe des salariés.
Deuxièmement, je préconise la mise en place d'un contrat de travail unique à droit progressif qui remplacerait les autres formes de contrat (CDD, CDI) et qui constituerait une réponse à un double besoin : besoin de flexibilité des entreprises et besoin de protection des salariés = un système gagnant pour les employeurs et les salariés. C'est un contrat à durée indéterminé qui donne aux travailleurs plus de protections au fur et à mesure qu'ils restent dans l'entreprise (accumulation de droits progressifs dans le temps). Les 2 premières années est versée une prime de précarité de 10%, comme les CDD actuels en cas de départ du salarié. Pour l'entreprise le montant des charges (chômage) est dégressif en fonction de la durée de l'emploi, ce qui signifie la fin du caractère fixe des cotisations et son remplacement par un système de modulation des cotisations patronales.
Ce système privilégie les entreprises qui licencient peu, avec un coût du travail qui diminue, tout en garantissant la flexisécurité.
Troisièmement, je propose de rebâtir notre fiscalité autour de l'objectif prioritaire nationale, la restauration de l'emploi (tout en maintenant bien entendu les grands fondements de la redistribution fiscale). Cette nouvelle politique fiscale convergera par ailleurs vers la moyenne européenne. Cette convergence est nécessaire pour éviter les disparités trop fortes avec nos voisins et nous permettre de redevenir compétitifs.
Voici 4 leviers simples à mettre en œuvre :
- baisser le taux de l'IS à 15%. Ce taux sera un taux plancher pour restaurer une équité entre toutes les entreprises, notamment les ETI et PME trop souvent soumises à des taux effectifs plus élevés que les grandes entreprises,
- revenir à l'imposition forfaitaire avec un plafonnement à 30 % sur les revenus du capital,
- aligner le taux de CSG/CRDS des revenus du capital sur celui des revenus du travail
- appliquer l'ISF sur les biens de jouissance (hors résidence principale et hors détention d'action cotées ou non cotées.
Quatrièmement, cette réforme du code du travail et de la fiscalité, qui aura un impact immédiat, doit se conjuguer à une réforme en profondeur de la formation professionnelle des individus.
Je propose des actions majeures, comme d'ores et déjà alimenter en euros le Compte Personnel de Formation avec un système d'abondement inversement proportionnel au niveau de formation initial du salarié afin de corriger les fortes inégalités d'accès à la formation entre qualifiés et moins qualifiés. Ce mécanisme dégressif favorisera l'accès à la formation au profit des salariés à faible niveau de formation initiale et au profit des salariés des PME-TPE. Dans la même veine, pourquoi ne pas Introduire un crédit d'impôt pour les salariés qui abondent eux-mêmes leur compte formation au titre de leur choix de carrière ?
Bien d'autres mesures fondatrices d'un véritable Jobs Act devront être mises sur cette table rase dans le cadre du grand débat d'idées à venir, auquel je compte prendre ma part, dans le contexte du primaire de la droite et du centre fin 2016. Je pense par exemple à la décentralisation dans la gestion de la formation professionnelle, en lien avec l'apprentissage et les branches professionnelles dont le nombre devra d'ailleurs drastiquement diminuer. Un seul principe me guidera: privilégions l'emploi et non l'individu au nom justement du droit de toute personne à aspirer à un emploi.