Monsieur le Président,
Madame le Garde des Sceaux,
Mes chers collègues,
Le voile intégral est-il compatible avec les valeurs de la République ? Au terme d’un an de réflexion, d’écoute et de débats, c’est ensemble, majorité comme opposition, que nous, voici quelques semaines, tranché cette question en adoptant à l’unanimité la résolution de nos collègues du groupe UMP.
Oui mes chers collègues, le port du voile intégral constitue bien une pratique aux antipodes des valeurs qui fondent et structurent l’idée que tous ici, nous nous faisons de la République. C’est un déni de liberté lorsqu’il a lieu sous l’effet de la contrainte, que celle-ci soit patente ou diluée dans un environnement social ; une négation de l’égalité entre citoyens qui dépouille le femme de son identité quand ce n’est pas de son humanité ; un refus affiché de l’idéal de fraternité, une volonté de se soustraire au vivre-ensemble républicain.
La réponse au phénomène du voile intégral portait en elle l’exigence de l’unanimité et du consensus démocratique, mais sur une question impactant aussi directement l’idéal de société qui sous-tend le projet républicain, nous ne pouvions nous permettre de rester au milieu du gué. Une fois d’accord sur les principes, il nous fallait traduire ces valeurs et ce message au sein de notre ordre juridique pour mettre un terme à ces pratiques, pour mettre en conformité les paroles et les actes.
Le projet de loi dont notre assemblée a débattu constituait à ce titre un texte indispensable et attendu et je veux saluer, Madame le Ministre d’Etat, le fait qu’après avoir laissé son temps au travail parlementaire, le Gouvernement ait, sur ce point, pris ses responsabilités. Bien loin d’une disposition convulsivement insérée dans le Code pénal, ce projet constitue une réponse globale au port du voile intégral, équilibrée entre les besoins de répression, de pédagogie et de dialogue.
Ainsi, si les peines sanctionnant le fait d’imposer à une personnes de dissimuler son visage se veulent sévères et par là dissuasives, un an d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende et le double en cas de victime mineure, celle sanctionnant le fait de porter cette fois de son propre chef une tenue destinée à dissimuler son visage n’est s’élève pour sa part qu’à 150 euros, un stage de citoyenneté pouvant être prescrit sur décision du juge, en complément voire en substitution de cette peine principale. Autrement dit, c’est le dialogue et la pédagogie qui primera dans ce cas précis sur la sanction. De même, la période transitoire de 6 mois qui précèdera l’entrée en vigueur de l’interdiction de dissimulation volontaire du visage laisse, elle-aussi, sa place et sa chance au dialogue et à la pédagogie. Il ne s’agit donc pas, mes chers collègues, de s’en remettre à la seule force supposée de la sanction, mais bien de susciter, au terme d’un débat en bien des points exemplaire, l’adhésion à des valeurs ainsi qu’à un idéal et c’est pourquoi les députés du Nouveau Centre apporteront leur soutien à ce projet de loi.
J’en viens, mes chers collègues, au point qui a, progressivement, cristallisé l’ensemble des attentions, la viabilité juridique prêtée à ce texte, notamment après les avis formulés par le Conseil d’Etat. Au terme de ce débat, nous ne doutons pas de la constitutionnalité d’une mesure d’interdiction générale appuyée sur la théorie de l’ordre public immatériel. Il importait cependant, au regard du fiasco moral que constituerait pour la République une censure a posteriori dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, de lever le plus rapidement toute interrogation à ce sujet. C’est pourquoi enfin, je souhaite saluer la décision du Président de notre assemblée de saisir a priori le Conseil constitutionnel sur ce projet de loi.
Mes chers collègues, il est des débats parlementaires, il est des lois, qui plus que d’autres laissent leur empreinte dans la société, indéniablement ce projet en fera partie. Au terme d’un débat difficile et courageux car prompt à susciter les anathèmes de toute sorte, c’est bien l’honneur de notre assemblée que d’adresser au voile intégral le refus sans appel de la République.