Le 3 novembre, Philippe Vigier a prononcé un discours sur l'électrification de l'Afrique à la tribune de l'Assemblée nationale.
En vous écoutant, monsieur le président Nkodo Dang, je songeais au fait que chaque année, nos deux continents, l’Afrique et l’Europe, se rapprochent d’un centimètre, et qu’un jour ils se toucheront. Je me réjouissais que nous ayons pris ensemble un peu d’avance en faisant entrer aujourd’hui l’Afrique à l’Assemblée nationale !
Je voudrais vous dire que votre présence dans cet hémicycle nous honore, et qu’elle est précieuse pour faire vivre la relation si singulière qui unit la France à l’Afrique. (Applaudissements.)
Votre présence nous amène à nous souvenir que l’Afrique est le nom du lien immuable entre l’homme et la terre, que nos peuples sont, à jamais, liés par l’humiliation et la douleur de l’esclavage, que sous la plume de Chinua Achebe, « Le monde s’effondre » avec la blessure de la colonisation.
Votre présence nous rappelle que le français est aussi la langue de l’Afrique, et qu’avant moi Biaise Diagne, premier député africain élu à la Chambre des députés, est monté à cette même tribune et que l’armée d’Afrique, conduite par le maréchal de Lattre de Tassigny, a versé son sang pour notre liberté. (Applaudissements.)
Monsieur le président, votre présence engage la responsabilité de la France pour l’avenir.
Car l’Afrique, dont les côtes sont à quatorze kilomètres de l’Europe, est en ébullition. Réfléchissons-y une seconde : elle compte aujourd’hui 1 milliard d’habitants et sa population – la plus jeune au monde – aura doublé d’ici à 2050 !
Ce bouleversement démographique, inédit dans l’histoire de l’humanité, constitue une chance pour ce continent. Pour autant, il mettra inévitablement l’Afrique sous une tension sans précédent car 1 milliard de jeunes africains devront être nourris, logés, soignés, formés et employés !
Relever ce défi ouvrira les portes de l’avenir à ce continent. Échouer entraînerait des déséquilibres en chaîne et, aux portes de l’Europe, des crises d’une violence inégalée.
Monsieur le président, nos destins sont intrinsèquement et irrémédiablement liés. Comment relever ce défi démographique, alors même que les deux tiers de la population africaine n’ont aujourd’hui accès ni à l’électricité ni à la lumière ? La COP21 doit nous permettre d’apporter, enfin, une réponse concrète à ce défi.
L’accès à l’énergie, à l’électricité et à la lumière n’est pas une question théorique ; c’est la clé de l’accès à l’eau, à la santé, à l’éducation, à l’emploi, à la sécurité, à l’amélioration des conditions de vie, à la lutte contre la pauvreté et au développement économique.
Cet accès est essentiel pour faire en sorte que les femmes africaines n’aient plus à marcher 400 milliards d’heures par an pour aller chercher de l’eau ou à accoucher à la lumière de la bougie. Il est essentiel aussi pour que les enfants puissent, en rentrant de l’école, faire leurs devoirs sans lampe torche ou à la lumière d’un lampadaire et pour que les vaccins puissent être conservés et utilisés grâce à la réfrigération.
Cet accès peut devenir une réalité, car les projets qui permettront au continent d’atteindre 80 % d’accès à l’énergie en moins de dix ans existent. Mais ils ne peuvent aboutir que si deux obstacles sont levés. Ces obstacles sont dérisoires – vous avez, monsieur le président, prononcé ce mot à plusieurs reprises – au regard des enjeux.
Premièrement, il faut unifier les efforts des États africains en créant une agence régionale, dirigée par eux et capable de mobiliser les ressources humaines et financières indispensables à la réalisation de projets d’infrastructures énergétiques.
Deuxièmement, nous savons que les financements nécessaires pour mener à bien et rapidement ces projets représentent un montant d’environ 250 milliards de dollars. Or 200 milliards sont déjà disponibles : il n’en manque, mes chers collègues, que 50 ! Les pays développés sont-ils capables, en une décennie, d’apporter ces 50 milliards à l’Afrique ? La réponse est oui.
Une méthode a été proposée par Jean-Louis Borloo, grâce à l’initiative de sa fondation « Énergies pour l’Afrique ». Cette initiative est soutenue par les États africains ainsi que par votre parlement, monsieur le président. Elle est donc soutenue par le peuple d’Afrique.
Merci à Jean-Louis Borloo d’avoir fait voler en éclats les immobilismes, d’avoir fédéré les acteurs pour qu’ils travaillent ensemble, d’avoir tissé, patiemment, un lien entre leurs intérêts, parfois contradictoires, pour les faire s’engager, ensemble, vers une mutation irréversible.
Mes chers collègues, le monde, l’Europe et la France sont face à leurs responsabilités. Nous n’avons pas le droit à l’échec. Si la COP21 ne permet pas de trouver un accord sur ce plan d’électrification, alors autant démonter, sans attendre, les tréteaux du théâtre et éteindre les lampions.
Pour que la COP21 réussisse, la France doit parvenir à arracher cet accord international, car l’accès à l’électricité, à la lumière non seulement en Afrique, mais aussi dans d’autres pays du monde – je pense à Haïti ou au Bangladesh – n’est pas un simple enjeu : c’est la clé du XXIe siècle.
Le plan urgent d’accès à l’électricité et à la lumière pour le continent africain est vital pour l’essor de l’Afrique qui deviendra le premier continent entièrement soutenable de l’humanité. C’est aussi un relais majeur de croissance pour une Europe vieillissante.
Il est également vital pour permettre au progrès d’irriguer des territoires dans lesquels la progression des fanatismes et de la criminalité, l’accaparement et le trafic de matières premières, la faim, la pauvreté, menacent la paix, provoquent l’effondrement des États et jettent des populations entières sur les routes. Ce plan est vital car la déstabilisation de l’Afrique entraînerait celle du monde entier.
Chacun l’aura compris : il s’agit d’adopter un véritable plan pour la paix.
Ce plan énergie et lumière pour tous doit être l’expression de notre aspiration humaniste, car si rien ne change, la jeunesse africaine sera arrachée à son continent sans que nous puissions l’accueillir dignement.
Monsieur le président, nous avons entendu votre appel et nous sommes prêts à y répondre. Mes chers collègues, il nous appartient, à nous tous, de préparer le grand destin commun qui attend la France, l’Europe, l’Afrique et le monde, car si l’Afrique est le berceau de l’humanité, elle est aussi le chemin qui la conduit à son avenir. Merci à Jean-Louis Borloo de baliser ce chemin.