Madame la présidente, monsieur le haut commissaire, mesdames les rapporteures, mes chers collègues.
Je vous prie d’abord de bien vouloir excuser l’absence de mon collègue et ami Jean Dionis du Séjour. Il est retenu dans sa circonscription par une visite ministérielle, mais il sera présent cet après-midi, lors de l’examen des amendements. Je tenais à souligner toute son implication et l’intérêt qu’il porte à cette question.
Nous arrivons aujourd’hui au terme de l’examen de la proposition de loi relative au service civique qui vise à redonner un second souffle à l’engagement citoyen, et cela au moment où se déroule le débat sur l’identité nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C’est donc avec satisfaction que le groupe Nouveau Centre et apparentés voit le civisme et la citoyenneté inscrit à l’ordre des priorités de la cohésion nationale, au rang des valeurs de la République car c’est bien ce dont il est question dans cette proposition de loi
Depuis la suspension de la conscription en 1997, toutes les tentatives de lancement de dispositifs de service civique n’ont pas rencontré le succès escompté. Pour comprendre les enjeux propres au service civique volontaire il est important de revenir sur les nombreuses fonctions que le service militaire remplissait.
Tout d’abord la concrétisation du pacte républicain que représentaient le service militaire et son apport à la construction de la nation par le brassage et le rapprochement des citoyens étaient majeurs. Il introduisait dans la vie des jeunes Français une période citoyenne, un acte républicain, qui leur permettait de côtoyer des personnes et de construire des liens avec celles-ci, qui seraient, sans cela, restées en dehors de la sphère de leur vie quotidienne.
Il permettait, grâce à l’ouverture de nouveaux horizons et à la formation qu’il offrait à de nombreux conscrits, de bénéficier d’une véritable perspective d’insertion sociale, voire professionnelle, grâce à la mixité des parcours précédemment évoqués, mais aussi le rattrapage des faiblesses scolaires ou éducatives, la formation complémentaire, l’amélioration sanitaire ou le début d’intégration dans la vie professionnelle par des outils propres.
Ainsi, la suppression du service national a créé un vide préjudiciable dans la relation citoyen-nation, ainsi que la nostalgie de moments forts, d’un passé à la fois proche et éloigné dans l’imaginaire collectif et dans l’esprit de nos jeunes concitoyens. On peut regretter son caractère peu universel puisque seul un jeune Français sur deux assumait ses obligations militaires peu avant la suppression de la conscription, ce qui ne manquait pas de poser des problèmes.
Il ne reste aujourd’hui du service militaire de l’époque que la journée d’appel de préparation à la défense, qui présente l’avantage d’être totalement universel. Je souscris aux propos tenus par de nombreux collègues sur tous les bancs de notre assemblée visant à réformer le dispositif, afin qu’il devienne plus attrayant.
Le but essentiel de la journée d’appel et de préparation à la défense est de maintenir des liens et des relations entre le jeune et l’institution militaire. Cependant il me semble indispensable que soient introduits des éléments ayant trait à la citoyenneté.
Il fallait dès lors donner une nouvelle forme à cet engagement au nom du devoir civique, traditionnellement conçu comme une composante importante du creuset républicain, inculquant aux jeunes générations le sens du devoir et la conscience de leurs responsabilités vis-à-vis de leurs compatriotes.
Rappelons en effet que les citoyens ont non seulement des droits, garantis par leur appartenance à la nation, mais aussi des devoirs envers cette dernière. Au nombre de ces devoirs, l’engagement citoyen doit donc être réhabilité auprès d’une jeunesse de plus en plus individualiste, qui privilégie ses droits personnels, parfois au détriment des obligations que suppose la solidarité nationale. En effet, dans le contexte actuel de crise financière et sociale, et alors que le sentiment d’appartenance à la nation se perd de plus en plus, il est urgent d’inventer des moments où le lien entre citoyen et nation est renforcé.
À la suite de différentes initiatives parlementaires, et après la crise des banlieues survenue en novembre 2005, la loi du 31 mars 2006 pour l’égalité des chances avait ouvert la voie à une première tentative de création du service civique, en autorisant la délivrance à des personnes morales de l’agrément de service civil.
Malheureusement, ce dispositif n’a pas eu la portée escomptée: au 31 décembre 2008, seules 5900 personnes s’étaient engagées depuis le lancement du service civil volontaire, en septembre 2006, et 3200 volontaires étaient en poste. Ces insuffisances s’expliquaient en premier lieu par la complexité et la confusion administratives qui touchaient les différentes formes de service civique et nuisaient à la visibilité du dispositif, et, de fait, à son attractivité.
L’objet de la proposition de loi votée au Sénat, grâce à l’impulsion donnée par le Président de la République et surtout par vous, monsieur le haut-commissaire à la jeunesse, vise ainsi à remédier aux difficultés rencontrées par le service civil en créant un service civique ambitieux, susceptible de concerner 10 % d’une classe d’âge, soit 70000 jeunes, d’ici à cinq ans.
Ce texte s’est principalement attaché à unifier la plupart des principaux statuts existants sous le label « service civique » et à simplifier la procédure d’accueil des volontaires. Il en résulte un engagement citoyen de six à douze mois, dans le cadre d’une mission à caractère philanthropique, éducatif, environnemental, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial ou culturel, ou encore d’une mission de défense et de sécurité civile ou de prévention. Destiné aux jeunes de seize à vingt-cinq ans, cet engagement leur donne droit à une indemnisation de 600 euros, le financement de leur protection sociale étant assuré par la personne morale agréée qui accueille le volontaire selon des modalités fixées par décret.
Comme l’a souligné notre rapporteure, le service civique est d’abord un véritable moment citoyen, l’occasion pour les jeunes de consacrer du temps aux autres, à la collectivité.
Ce texte comporte plusieurs avancées notables, qui concernent en particulier l’ouverture du volontariat de service civique aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Il distingue le service civique des autres formes d’engagement qui existent dans la société civile; je songe en particulier au bénévolat. Il évite autant que possible les risques de confusion avec l’emploi salarié; il clarifie la gouvernance de l’agence du service civique.
En effet, il ne faut absolument pas confondre le service civique avec un énième dispositif social: il n’a pas du tout la même finalité que des dispositifs que nous avons connus et qui ne s’adressaient aux jeunes qu’afin de favoriser leur insertion sociale. Sur ce point, nous devons tous être vigilants: je le dis et je le répète, le service civique ne sera pas un succès s’il n’intéresse qu’une seule catégorie de jeunes, en particulier les plus modestes.
Ainsi, nous ne pourrons considérer le service civique comme un succès que si la première tranche de 70000 jeunes est représentative de la jeunesse dans toute sa diversité.
Il s’agit d’un enjeu essentiel du dispositif, aujourd’hui et à terme.
Enfin, le texte crée un dispositif juridique uniforme applicable à tous les types de volontariats de service civique; je songe plus précisément à celui qui est ouvert aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans. Il s’agit d’une avancée majeure; je tiens à souligner la pertinence de cette mesure, qui contribue à la cohérence globale que la proposition entend conférer au service civique.
La proposition supprime les dispositions relatives au volontariat associatif. Néanmoins, au même titre que le volontariat international en entreprise et en administration, le volontariat associatif doit rester praticable dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui: être ouvert aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, réalisable en trois ans et fractionnable, afin de s’adapter à la spécificité de certains parcours professionnels.
Je reviendrai également sur l’exclusion du bénévolat, que nous ne comptons pas remettre en cause, car nous nous fions aux mesures qui seront adoptées à l’issue du bilan que dressera le futur rapport d’évaluation, mais que nous considérons comme une occasion manquée de lier service civique et bénévolat. La construction de passerelles destinées à un nombre limité de bénévoles effectuant les mêmes missions que le service civique et dont l’engagement est très contraignant – secouristes, accompagnateurs scolaires ou chefs scouts – était une bonne idée; peut-être faudra-t-il envisager d’y revenir.
En effet, nous savons que la grande loi fixant le statut des bénévoles et que nous appelons de nos vœux n’est pas pour demain; il faudra agir plus efficacement en ce sens. Nous devons donc saisir au plus vite l’occasion qui nous est donnée de leur offrir un statut, au lieu de se réfugier derrière l’éventualité d’une loi sans cesse repoussée aux calendes.
J’en viens, pour finir, à la portée du service civique à plus long terme.
Parce que le service civique, obligatoire ou non, doit être avant tout attrayant, valorisant et utile à la société, nous sommes tout à fait favorables à l’existence d’une phase de montée en puissance du service civique volontaire. Je tiens toutefois à souligner que cette proposition de loi est à nos yeux un pas en avant, une étape essentielle vers un service civique obligatoire. On ne passe pas de 3200 à plusieurs centaines de milliers de volontaires d’un coup de baguette magique, ni d’un point de vue politique, ni d’un point de vue budgétaire.
Cette montée en puissance demandera du temps, mais aussi une impulsion initiale suffisamment forte. Également destiné à la jeunesse, mais dans des conditions spécifiques, le dispositif « Défense deuxième chance », concerne aujourd’hui à peine 1500 jeunes, au lieu des 20000 initialement visés, et cet écart lui est préjudiciable. J’espère donc, monsieur le haut-commissaire, que tout sera fait, notamment en matière budgétaire, pour mener la présente opération dans de bonnes conditions.
En somme, ce texte propose un système pertinent et nécessaire et constitue indéniablement une avancée. Néanmoins, mes chers collègues, cette avancée que nous sommes nombreux à appeler de nos vœux, et à laquelle j’adhère pleinement, doit n’être qu’une étape, indispensable mais transitoire, sur la voie qui nous mène vers un service civique obligatoire.
Je souhaite maintenant m’exprimer sur le texte à titre personnel.
Il est vrai que vous n’êtes pas nombreux!
Je reconnais que la clarification administrative des différents statuts créés est améliorée. Gardons-nous toutefois de nous féliciter: le système qui se fait jour demeure complexe. Pour lui éviter le sort du service civil, il faudra consentir un véritable effort de communication à l’intention du public visé.
Par ailleurs, je prends acte de l’exclusion du bénévolat de ce dispositif. Bien que leurs missions soient identiques, les deux engagements sont de nature distincte. Ainsi, l’inclusion aurait pu démotiver de nombreux candidats au bénévolat, qui demande beaucoup de temps.
Je suis toutefois partisan d’une valorisation du bénévolat pour lui-même, parallèlement au service civique, afin de répondre aux attentes de personnes qui honorent régulièrement le pacte républicain et que nous ne saurions laisser plus longtemps au bord du chemin. Permettez-moi d’être plus naïf ou plus optimiste que certains de mes collègues sur ce point. Nous devons étudier les problèmes spécifiques auxquels les bénévoles sont confrontés, ne serait-ce qu’en termes de responsabilité… même si quelques avancées notables ont été réalisées ces dernières années en la matière.
Parce que c’est la jeunesse d’aujourd’hui qui fera la France de demain, je souhaite l’adoption de cette proposition de loi, qui donne à la jeunesse les atouts indispensables pour construire la France à laquelle nous aspirons.